Que penser de la polémique sur l'origine du virus ?
Les Etats-Unis haussent le ton dans leurs accusations contre la Chine, selon lesquelles celle-ci mentirait sur l'origine du coronavirus. Le ministre américain des Affaires étrangères, Mike Pompeo, affirme détenir des preuves de la provenance chinoise du virus, qui serait issu d'un laboratoire de Wuhan. Si l'OMS reproche à Pékin de ne pas autoriser une mission sous sa tutelle à entrer en Chine, l'organisation estime toutefois qu'il s'agit d'hypothèses sans fondements. Les Etats-Unis sont dans le viseur des éditorialistes.
L'hypocrisie des Etats-Unis
Les Etats-Unis ont eux-mêmes participé à la recherche sur les coronavirus en Chine, rappellent la sinologue Susanne Weigelin-Schwiedrzik et le médecin Hans Peter Schwarz dans le quotidien Die Presse :
«L'institut de Wuhan est un institut associé à la recherche internationale qui avait la visite régulière de l'ambassade américaine, selon des informations du Washington Post. La recherche américaine sur les coronavirus a certes été interrompue par le moratoire [de 2014], mais les investissements en Chine n'en ont pas moins redoublé en dépit du constat de l'insécurité manifeste de cette recherche dans le laboratoire de Wuhan. ... De toute évidence, nous nous débarrassons de nos ordures en les envoyant vers la Chine pour préserver notre environnement, mais ce n'est pas tout : les Etats-Unis préfèrent délocaliser vers la Chine une recherche sur les virus extrêmement dangereuse plutôt que de prendre ce risque sur leur propre territoire.»
Des menteurs qui déforment la réalité
Le quotidien d'Etat anglophone China Daily récuse vivement les accusations des Etats-Unis :
«Plus la crise du Covid-19 s'aggrave aux Etats-Unis, plus la campagne de diffamation qu'ils mènent contre la Chine se déchaîne sans la moindre retenue. En désignant la Chine comme l''origine du coronavirus' et en accusant Pékin de 'dissimuler des informations', ils tentent désespérément d'imputer à la Chine la responsabilité de la pandémie et de faire pression sur la Chine pour exiger d'elle 'réparation' pour les pertes causées par le Covid-19. ... Pendant la pandémie de cette année, le système d'alerte précoce de la Chine s'est avéré exemplaire, l'expérience de la Chine est riche d'enseignements, les sacrifices consentis par le pays commandent le respect et sa contribution [pour venir à bout de la crise] mérite la plus haute reconnaissance. On ne doit jamais laisser les menteurs déformer la réalité.»
Coopérer au lieu de s'affronter
La passe d'armes entre la Chine et les Etats-Unis portent préjudice à la lutte mondiale contre la pandémie, déplore The Irish Independent :
«Faire de la Chine le bouc émissaire est peut-être une tactique qui profite à Donald Trump sur le plan national, mais il serait plus sage d'attendre les faits. Les deux grandes puissances mondiales devraient cesser de se jeter la pierre en permanence à l'heure où la planète a plus que jamais besoin d'être unie. Il serait impardonnable de miner les faibles perspectives de solidarité internationale, de galvauder la chance de trouver une approche commune pour gérer la pandémie. ... Le Covid-19 a déjà créé une myriade de problèmes. Nous n'avons pas besoin que des 'dirigeants' créent des problèmes supplémentaires.»
La recherche virale chinoise financée par l'Occident
Il semblerait qu'il existe bien des liens entre le virus et des expérimentations faites à Wuhan, souligne Il Manifesto :
«Il s'agit des preuves d'une coopération entre les Etats-Unis, la France et la Chine dans les laboratoires hautement sécurisés de Wuhan, portant sur l'étude de virus animaux et se chiffrant à plusieurs millions. Obama avait obtenu un moratoire de quatre ans sur une partie de ces recherches, qui n'en furent pas moins poursuivies quelques temps plus tard avec l'appui convaincu d'Anthony Fauci, patron de l'épidémiologie américaine depuis 40 ans. En d'autres termes : Américains et Français ont financé pendant des années la réalisation à Wuhan d'une expérimentation avec des virus, comprenant certaines expériences qu'ils n'auraient pas pu effectuer chez eux. ... C'est ainsi que la Chine est devenue une super-puissance : avec notre complicité.»
Un dérivatif parfait
Ces accusations sont à prendre avec grande précaution car on ne peut prêter aucun crédit aux dires de Washington, écrit le quotidien Die Welt :
«Dès son premier jour à la présidence, Donald Trump n'a cessé de débiter des mensonges gros comme des camions, et les déclarations dont il ponctue ses conférences de presses quotidiennes sur le coronavirus sont loufoques quand elles ne sont pas franchement hallucinantes. De plus, la politisation des services secrets américains ne cesse de progresser. ... Ces dernières semaines, les médias américains ont évoqué la pression grandissante de la Maison Blanche sur ces services, chargés de la mission de corroborer les théories de Trump sur la responsabilité de la Chine dans la pandémie. En effet, en dépit des omissions et des retards de la Chine déjà connus, incriminer Pékin est pour Trump un moyen pratique de détourner l'attention de ses propres ratés dans la gestion de la crise sanitaire, au-delà des omissions et des retards déjà connus.»
Les clichés de la guerre froide
Izvestia pointe une résurgence des vieilles animosités anticommunistes :
«La confrontation s'accélère à un rythme effréné. Il sera difficile de calmer le jeu. Le moteur principal de cette confrontation est la campagne des présidentielles aux Etats-Unis. Les accusations portées contre la Chine ont très vite pris un vernis idéologique. Quasiment tous les réquisitoires et les documents américains s'appesantissent sur le fait que la Chine est un Etat communiste. Le conflit est immédiatement porté sur le terrain de l'identité : c'est 'nous' contre 'les autres'. 'Nous' étant la société honnête, démocratique et ouverte, victime des manipulations et des tromperies qui sont le fait des communistes et des régimes autoritaristes. Ils ont vite fait de réactiver le cliché de la guerre froide. A ceci près que la Chine a pris la place de l'URSS.»
Faire la lumière sur les zones d'ombre
Financial Times conseille à Pékin, dans son propre intérêt, de laisser une équipe internationale d'experts entrer dans le pays :
«La Chine a des doutes légitimes quant à la bonne foi de Donald Trump. Celui-ci ne cesse d'échafauder des théories complotistes et de diffuser des fake news, alors même qu'il prétend les dénoncer. ... Et si la Chine devait consentir à participer à une enquête internationale, ce ne serait pas Trump qui en rédigerait le cahier des charges. D'autres, notamment l'ONU ou l'UE, dont la présidente appelle de ses vœux une enquête, pourraient contribuer à objectiver la procédure. Mais si une enquête indépendante n'est pas ouverte, il y a fort à parier que la surenchère des accusations entre les Etats-Unis et la Chine rendra la situation explosive.»
Demander à Pékin de rendre des comptes
Berlingske appelle à augmenter la pression sur la Chine pour qu'elle rende publiques les informations sur l'origine de la pandémie :
«Le message de l'Europe au président chinois Xi Jinping doit être limpide : on ne peut pas profiter de tous les avantages de l'intégration dans le libre-échange mondial sans, en contrepartie, se comporter en membre de la communauté mondiale qui assume ses responsabilités. L'UE pourrait envoyer le message suivant au leader politique chinois : Cher Xi Jinping, arrêtez la machine de propagande et souscrivez à une enquête internationale sur le coronavirus.»