Manifestations contre les mesures de restriction : comment réagir ?
La manifestation contre le coronavirus qui avait rassemblé des dizaines de milliers de personnes fin août à Berlin semble avoir fait des émules en Europe. Une semaine plus tard, des gens sont descendus dans les rues par milliers à Rome et à Zagreb pour dénoncer les restrictions dans la lutte contre la pandémie. Les commentateurs tentent de comprendre la frustration et le refus des manifestants, et se demandent comment y répondre.
On nous infantilise
La lutte contre le virus fait la joie de ceux qui veulent régenter la vie d'autrui jusque dans les moindres détails, se lamente The Daily Telegraph :
«Ce virus vient exacerber cette obsession de la santé et de la sécurité proprement maniaque, pour nous infantiliser plus que jamais auparavant. Nous qui croyions avoir touché le fond quand le gouvernement nous tapait sur les doigts chaque fois que nous mangions des aliments trop caloriques, nous tombons plus bas encore maintenant qu'il prend le Covid comme prétexte pour s'immiscer dans tous les aspects de nos vies. Pendant cette pandémie, ils s'en donnent à cœur joie les bureaucrates, les esprits bornés et ceux qui n'aiment rien de plus que d'inventer des raisons pour nous mettre des bâtons dans les roues, ou de nous obliger à remplir 36 formulaires avant de pouvoir agir à notre guise.»
La mise en danger de la vie, une ligne infranchissable
La liberté d'opinion et le droit de manifester ont des limites, rappelle Jutarnji list :
«La majorité de ceux qui ont rallié le cortège du 'Festival de la liberté', à Zagreb vendredi, adhèrent à des théories complotistes, convaincus qu'ils sont que la pandémie a été inventée de toutes pièces par l'Etat et le gouvernement à dessein de nous priver de nos droits humains. ... La démocratie reconnaît le droit de se rassembler aux gens qui ont des idées bizarres. Chacun est libre de croire que nous sommes dirigés par des reptiliens, une caste qui préside à nos destinées à notre insu - bien qu'il soit tout de même troublant de constater que certains médecins partagent ces croyances. Mais dès lors que des vies humaines sont en danger, il faut tirer la sonnette d'alarme. Ceux qui refusent d'observer les consignes sanitaires les plus élémentaires pour protéger autrui présentent un danger et méritent d'être sanctionnés.»
Ne pas rester les bras croisés
Face aux coronasceptiques et à ceux qui remettent en cause les mesures sanitaires, une réaction appropriée s'impose, selon Avvenire :
«Pendant que le bon sens, majoritaire, fait des efforts lents et contradictoires pour trouver une sortie de crise, la vaste coalition hétérogène internationale des souverainistes s'engage franchement dans la voie la plus risquée pour la société, celle qui consiste à nier les faits. … Sous-estimer cette évolution serait une erreur grave, car ce réseau global 'anti-masques' est puissant et bien structuré. La base 'populiste' est rejointe par des patrouilles d'extrémistes ouvertement néonazis qui exercent un fort pouvoir d'attraction sur les jeunes. ... Il est indispensable d'y opposer une riposte rapide. Une riposte politique et ouverte au dialogue, mais surtout européenne.»
Arrêter de jeter la pierre
Kurier comprend mal l'intolérance de ceux qui attendent des responsables une gestion sanitaire infaillible :
«On réclame des personnalités fortes pour nous gouverner, mais on s'offusque, l'instant d'après, de restrictions des libertés jugées trop autoritaires. ... Si, pour une raison valable, un décideur a le courage de revenir sur une décision, on lui reproche d'être une girouette. ... Partout dans le monde, les gouvernements ont été bousculés par cette pandémie et n'ont pas eu la parade dès le début (même parmi les experts, il n'y a pas de consensus). C'est une situation difficile à accepter, surtout pour ceux que la crise a mis en grave difficulté. Projeter leur colère contre quelqu'un d'autre leur procure un certain soulagement. Face à cette recherche permanente de coupables, il y a la peur de prendre des responsabilités, qui engendre la tentation de se défiler en refilant le bébé à autrui.»
Le doute, signe de vitalité de la démocratie
La crise du Covid-19 transforme les rapports entre le gouvernement et les citoyens, note Le Temps :
«Les conflits entre spécialistes sur la rapidité du déconfinement, la gestion des risques ou l'évolution des courbes de contamination, les revirements sur le rôle des enfants, l'aveu de connaissances lacunaires ont ainsi parfois donné au citoyen un sentiment de cacophonie. ... Si les autorités politiques, le Conseil fédéral en particulier, ont jusqu'ici plutôt bien résisté à la perte de confiance qui touche les élites des sociétés occidentales, la gestion de l'épidémie de Covid-19 apparaît comme une première égratignure. Le doute à son encontre est pourtant salutaire, parce que les vérités ne sont pas immuables. Le doute n'est pas la suspicion, qui prête à autrui des intentions malveillantes, c'est une démarche rationnelle, l'expression de la capacité de réflexion des citoyens. Un acte cartésien. Un signe de vitalité de la démocratie.»
Tout reste difficile
Après les vacances, la situation est la même, se lamente Le Soir :
«Septembre s'annonce, et tout reste, redevient, est lourd. Le port du masque à tous endroits et à un maximum de moments. On rêve de retourner au bureau, mais bon, les trams, les trains, on ne les sent qu'à moitié. Encore et toujours fatigués. Mais rester chez soi, face à son ordinateur sans les collègues pour stimuler, sans les contacts pour avancer, cela aussi devient difficile à (sup)porter. On est reposés – on a pris des congés tout de même – mais on est au fond de soi encore et toujours fatigués. Amputés et orphelins de cette allégresse de la vie comme elle va, celle d'avant dont on regrette de ne pas avoir mieux apprécié, loué chaque instant, même banal.»
Un bilan médiocre et décourageant
Le maigre bilan des sacrifices consentis à ce jour est assez frustrant, estime lui aussi The Irish Independent :
«La première phase a été marquée par l'urgence, à l'arrivée du virus. La plupart des gens gèrent relativement bien les situations d'urgence, malgré la peur. En phase deux, nous avons sondé les données du problème et ébauché les consignes à suivre : observer la distanciation sociale, se laver les mains, tousser dans son coude, porter le masque. ... La phase trois est la plus difficile : l'évaluation des sacrifices consentis ces six derniers mois. En effet, ce qu'il nous est donné à voir est un pays en état de semi-suspension, soumis à des tensions continuelles et à des restrictions qui ne cessent de changer. Chaque soir, nous retenons notre souffle à l'annonce du nombre de cas. Est-ce cela, le succès ? »
Un lent renoncement
La peur de la maladie et l'arbitraire des mesures des différents gouvernements ont anéanti l'élan de liberté dans les cœurs des citoyens, déplore Urša Zabukovec, correspondante de Delo en Espagne :
«Le coronavirus nous a moins affectés physiquement qu'il nous a diminués mentalement. Car nous avons renoncé à notre qualité de vie. Agonisant sous les restrictions arbitraires, les intimidations et l'oppression en temps de pandémie, les gens semblent accepter que la liberté leur soit accordée non pas par Dieu, comme l'avait jadis formulé le président américain Jefferson, mais par un certain groupe de personnes, en l'occurrence le gouvernement du pays en question. Celui-ci peut prendre et donner à sa guise. Y compris dans notre société [slovène], qui se trouve en profonde hypnose.»