30 ans d'unité allemande : et maintenant ?
Dans le contexte de la pandémie du Covid-19, les festivités à l'occasion des 30 ans de l'unité allemande ont eu lieu samedi dernier à une échelle nettement plus restreinte que prévue. "Nous vivons aujourd'hui dans la meilleure Allemagne qui soit", a déclaré à Potsdam le président fédéral Frank-Walter Steinmeier. "Parce que nous le voulions tous ensemble, notre pays est devenu plus moderne et plus ouvert." Une euphorie qui n'est pas partagée par les éditorialistes.
L'Allemagne donne de nouveau le "la"
Le portail en ligne wPolityce.pl met en garde du risque d'hégémonie de l'Allemagne réunifiée au sein de l'Europe :
«Les objectifs ont changé. Aujourd'hui, les Allemands cherchent à se montrer exemplaires en matière de démocratie et à rallier leurs partenaires autour d'une cause de gauche, à savoir le multiculturalisme. Une fois encore, ils sont les meilleurs dans ce qu'ils considèrent être le mieux. De nouveau, la priorité est donnée à la force économique allemande, notamment par des projets antieuropéens tels que Nord Stream 1 et 2, sans parler de directives européennes imposées à certains secteurs et de la monnaie européenne.»
Garder ses distances de la Russie et de la Chine
The Economist réclame que le gouvernement de Berlin recentre sa politique étrangère :
«Dans sa politique vis-à-vis de la Russie et la Chine, l'Allemagne s'est montrée trop prudente. Elle avait tendance à privilégier les intérêts commerciaux au détriment des considérations géopolitiques. La construction de Nord Stream 2, un gazoduc reliant la Russie à l'Allemagne, en est un exemple frappant. Celui-ci mine les intérêts de l'Ukraine, de la Pologne et des pays baltes. Mais malgré le comportement outrageux du président russe Vladimir Poutine, Angela Merkel a refusé jusqu'à ce jour d'arrêterle projet. Elle n'a du reste pas fait plus de cas de ceux qui, dans ses propres rangs, mettent en garde contre le pari trop risqué de permettre au géant chinois Huawei d'équiper l'Allemagne en appareils 5G.»
L'avenir ne sera pas une sinécure
Les trois décennies à venir seront plus difficiles pour l'Allemagne que celles que le pays vient de traverser, croit savoir l'historien Timothy Garton Ash dans El País :
«Dans un monde agité par le populisme, le fanatisme et l'autoritarisme, la République fédérale est un modèle de stabilité, civisme et modération - des qualités incarnées par la chancelière Angela Merkel en personne. Mais les défis nationaux et régionaux auxquels l'Allemagne a été confrontée ne sont rien en comparaison des enjeux mondiaux auxquels elle devrait faire face dans les 30 années à venir. A la différence d'autres démocraties, parmi lesquelles des membres méridionaux de l'UE tels que la Grèce et l'Espagne, l'Allemagne n'a pas encore été mise à l'épreuve par une crise économique réellement grave.»
Mieux célébrer la journée de la diversité
Lors des cérémonies à l'occasion de l'unité allemande, on oublie trop souvent à quel point la notion de nation est exclusive, critique Der Tagesspiegel :
«La notion allemande de nation, un héritage du XIXe siècle, ne reconnaît pas l'autre comme un de ses membres. Les non-blancs n'y ont pas droit de cité, même s'ils connaissent Goethe sur le bout des doigts. Il faut le savoir pour comprendre les pogroms qui se sont produits après 1990 à Hoyerswerda, Solingen ou Mölln. ... A l'échelle mondiale, de la Hongrie aux Etats-Unis, la politique, de plus en plus dominée par des fantasmes nationaux, s'éloigne de la réalité plurielle. ... Ce serait une bonne chose que nous célébrions le 3 octobre 2030 la Journée de la diversité allemande. Et à l'avenir, que nous célébrions non pas les Etats-Unis d'Europe mais la République européenne d'une multitude d'individus.»