Brexit : vers un accord in extremis ?
A l'issue du sommet européen de vendredi, le Premier ministre britannique a réitéré les menaces de Brexit dur, faisant valoir que si l'UE ne modifiait pas fondamentalement sa position, une poursuite des négociations était absurde. Au demeurant, le négociateur en chef de l'UE Michel Barnier a à nouveau rencontré son homologue britannique Michael Frost à Londres. Les journalistes veulent croire à un accord de dernière minute.
Il y a une marge de compromis
L'UE doit elle aussi lâcher du lest, pointe tagesschau.de :
«Les Etats riverains de la mer du Nord qui, à compter du 1er janvier 2021, refusent de faire la moindre concession de leur quotas de pêche dans les eaux territoriales britanniques campent sur leurs positions avec une étroitesse d'esprit qui ne le cède en rien aux revendications de Londres quand elle exige de pouvoir accéder à sa guise à ce territoire européen qu'on appelle marché unique. On le voit, il y a une marge de manœuvre dans les deux camps. A cette fin, le texte de plusieurs centaines de pages concocté par l'UE constitue une base de négociation substantielle. Avec un peu de bonne volonté dans les deux camps, il devrait alors être possible de forger un compromis en novembre.»
Un accord est l'issue la plus probable
Lui aussi optimiste, The Irish Times croit que les efforts aboutiront à un accord :
«Inexpérimentée, l'équipe de négociation menée par David Frost a tendance à faire de graves erreurs de jugement, comme elle l'a montré avec la nouvelle loi sur le marché intérieur britannique, qui constitue une rupture avec l'accord de sortie conclu avec l'UE. Côté UE, Michel Barnier va devoir relever le grand défi de concilier la nécessité de trouver un compromis avec la détermination des chefs d'Etat et de gouvernement à ne pas accorder à la Grande-Bretagne un avantage concurrentiel indu. Mais au-delà des effets de manche de Downing Street, sur les questions de fond, les deux camps n'ont jamais été aussi proches d'un accord, qui reste l'issue la plus probable.»
Maintenir la tactique du no deal au moins jusqu'au 3 novembre
Le portail d'information Mediafax n'exclut pas que Londres joue la montre dans les pourparlers avec l'UE en raison des négociations qu'elle mène en parallèle sur un accord commercial avec les Etats-Unis :
«Une alliance entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne serait problématique pour l'UE. ... Si Donald Trump remporte les élections en novembre, Boris Johnson aura un allié fort et l'Europe se heurtera à des problèmes considérables, sur pratiquement tous les fronts. Si en revanche les élections tournent à la faveur de Joe Biden, les Etats-Unis engageront un processus de normalisation avec l'Europe alors que l'Angleterre sera obligée d'accepter une part importante des exigences de l'UE. ... D'ici là, sa ligne de conduite restera : no deal !»
Une leçon douloureuse pour les Britanniques
La solution qui s'esquisse pour régler les relations de bon voisinage entre le Royaume-Uni et l'UE reste insatisfaisante, observe Die Presse :
«Le Brexit va être dur, voire ultra-dur, les Britanniques et les Européens ayant l'embarras du choix entre un traité commercial réduit à sa plus simple expression et une rupture complète (dont on peut espérer qu'elle ne soit que temporaire) de toute relation ordonnée à la fin de l'année. ... Le fait qu'on en soit arrivé là n'est pas un coup du destin, mais le seul résultat de l'énergie négative des Jacobins de Westminster. Leur Brexit est un trou noir qui aspire tout sur son passage. ... Au Nouvel An, les Britanniques vont pour la première fois faire l'expérience de ce que cela veut dire réellement d'être les ressortissants d'un Etat tiers. Cette leçon sera malheureusement très douloureuse.»
Johnson est sur la mauvaise pente
La position du Premier ministre britannique dans les négociations se détériore de plus en plus, estime Neue Zürcher Zeitung :
«Boris Johnson ... est pris en étau : s'il devait parvenir à un accord, il devrait ensuite être en mesure de le vendre aux jusqu'au-boutistes de son parti avec lesquels ses relations se sont dégradées. ... A l'issue d'un accord, il serait plus difficile pour lui de faire porter le chapeau à l'UE dans l'hypothèse que le Brexit entraîne des pertes économiques notables. Mais en cas de sortie sans accord, il devrait reprendre les négociations avec l'UE en 2021 pour limiter les dégâts. La douloureuse période du Brexit ne serait alors pas terminée et l'hypothèse d'accords de libre-échange, notamment avec les Etats-Unis, serait renvoyée aux calendes grecques. Dans cette tourmente, les perspectives du Premier ministre sont loin d'être réjouissantes.»
Le Brexit stimule les séparatistes écossais
Selon un récent sondage, jamais autant d'Ecossais n'avaient été favorables à l'indépendance. La raison principale en est que Londres accélère ses préparatifs pour un Brexit dur alors que les Ecossais y étaient majoritairement opposés, analyse The Spectator :
«On ne répétera jamais trop que le Brexit est la seule raison substantielle à ces nouvelles velléités d'indépendance. A part le Brexit, aucun changement important de la situation ne justifierait un réexamen de cette question, sachant que le dernier référendum sur l'indépendance remonte à six ans seulement. La cheffe du gouvernement écossais Nicola Sturgeon et son Scottish National Party (SNP) auraient continué à revendiquer l'indépendance, mais ils n'auraient pas eu d'argument pertinent pour réclamer un nouveau référendum. Quoi que l'on puisse en penser, ils viennent de trouver un argument respectable.»
Un 'no deal' exacerberait encore la crise
Dans Les Echos, les présidents des fédérations patronales de France, d'Allemagne et d'Italie lancent un appel pour que tout soit fait afin d'écarter l'éventualité d'un Brexit sans accord :
«Nos entreprises consacrent toute leur énergie à limiter et corriger les effets sanitaires, sociaux et économiques de la crise du Covid-19. Elles sont mobilisées pour relancer nos économies et relever l'indispensable défi écologique et numérique. Une rupture brutale entre l'Europe et le Royaume-Uni viendrait ajouter des difficultés aux difficultés qui mettraient à mal des dizaines de milliers d'emplois et d'activités dans tous nos pays. … Nous appelons solennellement les négociateurs à faire tout ce qui est possible pour conclure, dans l'intérêt mutuel de l'Europe et du Royaume-Uni, un accord global et ambitieux qui puisse entrer effectivement en vigueur pour le 1er janvier.»
Réveil brutal en perspective
Le Royaume-Uni vit dans une bulle illusoire, estime Helsingin Sanomat :
«Si une grande partie des Britanniques pense certainement que l'ère post-Brexit a déjà débuté, ce n'est pourtant pas le cas. On se trouve dans une phase transitoire de onze mois, qui va toutefois bientôt s'achever. L'UE espère qu'elle parviendra à conclure un nouvel accord de partenariat avec le Royaume-Uni avant l'expiration du délai. ... Un Brexit 'no deal' serait extrêmement problématique pour beaucoup d'entreprises. ... Pour ce qui est de l'économie britannique, la sortie de l'UE est une catastrophe - avec ou sans accord. Car aucun traité n'est susceptible d'apporter des avantages comparables à un maintien au sein du marché unique européen. Les Britanniques vivent actuellement la meilleure période du Brexit : ils ont obtenu leur sortie sans pour autant en ressentir encore les conséquences.»