Loukachenko peut-il compter sur Poutine ?
Le président russe Vladimir Poutine et son homologue bélarusse Alexandre Loukachenko se sont retrouvés ce week-end pour évoquer la collaboration économique entre les deux pays. Hormis le versement d'une tranche de crédit d'un montant de 500 millions de dollars, aucune grande décision n'a transpiré. Dans ce contexte, les commentateurs se demandent si Minsk peut encore compter sur l'aide de Moscou.
Poutine joue la montre
Les modestes résultats des discussions ne donnent pas le sentiment que l'harmonie règne entre les deux dirigeants, fait remarquer Deutschlandfunk :
«Le montant du crédit évoqué devrait suffire au dictateur de Minsk pour tenir deux mois tout au plus. ... Ce qui semble indiquer que Poutine hésite encore à prendre fait et cause pour le dictateur du pays voisin. ... Poutine semble vouloir se donner du temps - au moins jusqu'au 16 juin, date de sa rencontre avec le président américain, Joe Biden. Le président américain a annoncé qu'il entendait parler du Bélarus à Genève. Poutine pourrait se servir de son soutien à Loukachenko - en l'occurrence la fin de son soutien au président bélarusse - comme d'un levier de négociation.»
Loukachenko, perdant sur toute la ligne
En fin de compte, Loukachenko sera poussé dans les bras de Moscou, estime Der Standard :
«La politique de Loukachenko, qui a su habilement louvoyer pendant des années entre la Russie et l'Occident, est aujourd'hui dans l'impasse. Au bout de cette voie, il y a Vladimir Poutine, qui l'attend les bras grands ouverts. Loukachenko appréciera-t-il l'accolade ? On est en droit d'en douter. Poutine considère le Bélarus comme une zone d'influence russe et une zone tampon le séparant de l'UE et de l'OTAN. Plus que jamais, le degré de souveraineté de Loukachenko dépendra maintenant du bon vouloir de Poutine. Ironie du sort pour Loukachenko, c'est parce qu'il s'est trop accroché au pouvoir qu'il le perd aujourd'hui au profit de Moscou.»
Un équilibre rompu
Polityka juge lui aussi que la marge de manœuvre de Loukachenko se rétrécit :
«Depuis 2018 au moins, sa position ne cesse de se fragiliser. A l'époque, le Kremlin avait décidé de conditionner ses aides financières aux progrès du Bélarus en matière d'approfondissement de l'intégration [avec la Russie]. La marge de manœuvre de Loukachenko a donc commencé à s'étioler graduellement, et le fameux équilibre qu'il cherchait à trouver entre l'Ouest et la Russie s'est évanoui.»
L'impasse
Diena craint que les sanctions ne fassent qu'aggraver le dilemme dans lequel se trouve l'Occident :
«Plus les sanctions seront dures, plus elle inciteront le régime à intensifier ses relations avec la Russie ou d'autres adversaires de l'Occident - Chine, Iran ou Turquie. Le seul moyen de l'éviter, c'est un changement de pouvoir au Bélarus - une éventualité qui apparaît toutefois peu probable dans un avenir proche. Et personne ne peut garantir que le moment venu, le pouvoir de Loukachenko tombera bien entre les mains de l'opposition pro-occidentale, et non entre celles de l'opposition pro-Kremlin.»
Une invitation à revenir dans le giron de la CEI
Il se pourrait que la rencontre ait des répercussions au-delà des frontières de la Russie et du Bélarus, juge Jutarnji List:
«Loukachenko a évoqué l'intégration des deux Etats, notamment dans les domaines de l'économie, de la défense, de la sécurité et de la culture. Mais il a aussi annoncé qu'il fallait renforcer l'unité et la solidarité de la Communauté d'Etats indépendants (une sorte de Commonwealth russe réunissant neuf Etats de l'ex-URSS). ... Il estime que renforcer la CEI permettrait de développer un potentiel économique et politique susceptible d'empêcher la consolidation de l'hégémonie américaine ; c'est la raison pour laquelle il a appelé les 'enfants perdus' que sont la Géorgie et l'Ukraine à revenir dans le giron de l'organisation.»