Italie : émotion après la libération du mafioso Giovanni Brusca
Giovanni Brusca, membre repenti de la mafia sicilienne Cosa Nostra, qui bénéficie du programme spécial de protection des collaborateurs de justice, a été libéré après 25 ans de détention. Après son arrestation en 1996, il a reconnu être celui qui avait fait détoner les 400 kilos d'explosifs qui ont tué le juge Giovanni Falcone près de Palerme en 1992. Les déclarations de Brusca avaient permis l'arrestation et la condamnation d'autres chefs mafieux.
Le prix de la lutte anti-mafia
Tages-Anzeiger juge qu'il n'y pas d'alternative aux importantes remises de peine accordées aux repentis en Italie :
«Peu importe que Brusca ait réellement regretté ou non ses nombreux crimes - condition prévue par la loi sur les 'pentiti' (repentis). ... Car Brusca s'est avéré être une source d'informations fiables et abondantes. Elles ont été indispensables à l'Etat pour réussir de nombreux coups de filets et affaiblir ainsi Cosa Nostra. Et éviter du même coup beaucoup de souffrances supplémentaires. La libération prématurée et scandaleuse de gens comme Brusca est le prix à payer pour l'Italie, car sans la coopération des témoins repentis, elle est impuissante contre la pègre.»
Une disposition voulue par le juge Falcone lui-même
La levée de boucliers, à droite notamment, n'est pas justifiée, argumente Il Fatto Quotidiano :
«Si Brusca est sorti de prison, on le doit à une législation qui fut inspirée, initiée et fortement voulue par sa victime la plus illustre : Giovanni Falcone. ... Pour cette disposition, Falcone s'était inspiré du Witness protection act [loi relative à la protection des témoins] en vigueur aux Etats-Unis. ... Sans la perspective de remises de peine, sans la possibilité de dérogations carcérales et surtout sans la garantie de bénéficier d'une protection pour soi-même et pour ses proches, pourquoi un mafieux déciderait-il de collaborer avec la justice ?»
Des lois reniées par leurs propres artisans
Jutarnji list souligne l'hypocrisie des politiques qui dénoncent la libération de Brusca, car ils sont les législateurs d'aujourd'hui et d'hier :
«Le chef de file de la Ligue, Matteo Salvini, a parlé d'une abomination, affirmant que Brusca était 'une bête sauvage qui ne peut pas sortir de prison'. L'ex-Premier ministre Enrico Letta a évoqué un 'coup de poing dans l'estomac'. Le leader du parti de Berlusconi, Antonio Tajani, a évoqué 'une loi injuste'. Mais les seuls qui n'aient pas le droit moral de clamer leur indignation et de critiquer les juges, ce sont les députés actuels ou anciens. Car c'est sur les lois qu'ils ont adoptées et qu'ils auraient pu modifier que se basent les décisions des juges.»