Euro 2020 : un bilan de mi-tournoi
Onze jours après son coup d'envoi, le 11 juin, l'Euro de football aborde la phase des matchs à élimination directe. En raison de la pandémie, des jauges ont été fixées dans la plupart des stades et les retransmissions collectives dans des bars ou en plein air sont elles aussi soumises à des restrictions. Le tournoi ne laisse pas d'inspirer les chroniqueurs européens, pour le meilleur et pour le pire.
Du masochisme pur et simple
Après le fiasco de la Russie à l'Euro, le journaliste Ilia Peresedov, du portail Vzglyad, interpelle les supporters russes :
«Quelle sorte de joie peut-on éprouver à assister, année après année, aux défaites honteuses et humiliantes de l'équipe nationale (en football comme, du reste, dans toutes les autres disciplines) ? N'en avez-vous pas assez de regarder ces matchs sadomasochistes pervers dans lesquels vous jouez le rôle du soumis et jamais celui du dominant ? De mon point de vue de non-supporter, la passion pour le foot est devenue une sale habitude en Russie, au même titre que le tabagisme, l’alcoolisme et la boulimie. ... La Russie entretient une relation destructrice et autodestructrice avec ce sport.»
Un patriotisme sain
Berlingske estime que l'équipe nationale active le meilleur du patriotisme :
«Nous voici rappelés à ce qui fait l'essence du sentiment national. ... La communauté nationale n'est pas seulement un impératif moral, elle constitue également le cadre le plus robuste pour la démocratie, comme on a pu le constater au cours de l'histoire. La communauté nationale nous incite à respecter les lois, à payer nos impôts, à respecter les minorités et à accepter la défaite lors des scrutins démocratiques. Nous savons aussi qu'existe le nationalisme sous sa forme malveillante. C'est pourquoi il vaut la peine d'honorer les belles valeurs que la sélection nationale danoise contribue à raviver aujourd'hui.»
Pas de buts, pas de stades, pas d'ambitions
Le journal économique Verslo žinios porte un regard envieux sur les équipes qualifiées :
«A l'heure où vibrent les stades européens, force est de constater que la Lituanie n'a jamais été aussi éloignée d'une participation à un Euro. ... Qui était là en premier, l'œuf ou la poule ? L'insoluble question se pose également pour le football lituanien : sommes-nous nuls parce que nous n'avons pas de bons stades ? Ou bien sommes-nous dépourvus de bons stades parce que nous sommes nuls ? A Verslo žinios, nous espérons de tout cœur voir un jour la Lituanie participer à un Euro, et préconisons une nouvelle stratégie bien plus ambitieuse. Si la victoire continue à nous échapper, la prochaine occasion de songer au football lituanien ne se présentera pas avant 2023, pour le centenaire de l'équipe national.»
Au boulot !
Dans une tribune à La Libre Belgique, le consultant en management Antoine Henry de Frahan dresse un parallèle entre performance footballistique et productivité des salariés :
«Le foot, la volonté de performer surplombe toutes les autres considérations. A l'heure de la religion du wellness, qui ose encore parler, en dehors du cadre sportif, de concurrence, de célébration du talent, de volonté de gagner, de détermination à toute épreuve, d'effort incessant, de discipline intransigeante, de sélection des meilleurs, de courage et de sacrifice et d'ivresse de la victoire ? ... Prenons conscience de ce décalage entre la surperformance des autres qui nous enchante et notre propre médiocrité, et utilisons-le comme un rappel, comme une injonction à nous relever, à nous mettre au travail, à élever notre niveau de jeu, et à donner le meilleur de nous-mêmes. La véritable exaltation, ce sera celle de notre propre performance.»
Un bilan positif pour la Finlande
Si les chances de qualification de la Finlande sont ténues, le football du pays a déjà considérablement profité de l'Euro, se réjouit Helsingin Sanomat :
«Quel sera le bilan de la sélection, hormis la victoire face à la Finlande, si elle venait à être éliminée ? D'abord, les Uhus [surnom de l'équipe] ont intégré la famille du football européen. La participation à l'Euro a en outre offert au pays deux semaines inoubliables d'ivresse footballistique. Mais la plus grande victoire, c'est l'impression que les Uhus ont laissée aux Finlandais et aux spectateurs étrangers. ... Il s'agit tout simplement d'une bonne équipe, composée de belles personnalités, qui représentent de belles choses. Il ne saurait y avoir de meilleur exemple pour les futures stars du ballon rond.»
L'Italie peut rêver du titre
Dans Times of Malta, le chroniqueur James Calvert se dit enthousiasmé par les performances de la Squadra Azzurra :
«Je suis la sélection italienne depuis 40 ans et je ne me souviens pas les avoir déjà vu jouer ainsi. Jamais ils n'avaient marqué plus de deux buts dans un match de l'Euro. Cette fois-ci, ils ont déjà marqué trois buts dans chacun de leurs deux premiers matchs de poules, se qualifiant à une vitesse époustouflante pour la suite du tournoi. Les joueurs italiens ont l'air affamé et plein d'énergie. Ils semblent par ailleurs déterminés à remporter le titre. Si l'on compare l'équipe actuelle à celles du passé, qui marquaient un but pour mieux défendre pendant 89 minutes, on peut dire que la Squadra Azzura a accompli une mue exceptionnelle.»
Des coachs turcs médiocres et surpayés
La Turquie ayant terminé les phases de poules avec zéro point, elle est éliminée de l'Euro. Habertürk s'interroge sur les compétences et les rémunérations des entraîneurs turcs :
«On sait que les entraîneurs turcs - notamment le sélectionneur national Şenol Güneş, qui perçoit 30 millions de lires par an [2,88 millions d'euros] et à qui l'on doit le fiasco à l'Euro - ne sont pas présents à l'étranger et ne sont jamais embauchés dans des équipes étrangères, ce qui ne les empêche pourtant pas d'empocher des émoluments astronomiques en Turquie. ... Nos clubs sont en faillite et endettés, mais nos coachs, qui ne peuvent se targuer d'aucun succès international, sont riches. Dans un championnat turc qui représente à peine un cinquième du volume financier de la Série A italienne, les entraîneurs turcs sont mieux rémunérés que leurs homologues italiens.»