Pologne : Kaczyński veut faire taire une chaîne critique
Bien que la question ait entraîné la rupture de la coalition gouvernementale en Pologne, la majorité des députés du Sejm a adopté une loi controversée sur les médias. Son objectif : retirer sa licence à TVN, un groupe audiovisuel critique envers le gouvernement. Les chroniqueurs commentent les relations tendues avec les Etats-Unis et la comparaison de plus en plus fréquente avec le style de gouvernance hongrois.
La Pologne prend de gros risques
Kaczyński prend des risques inconsidérés pour s'accrocher au pouvoir, estime Népszava :
«Avec sa sortie contre TVN24, propriété d'un groupe américain, et contre la liberté de la presse en général, Kaczyński compromet l'adhésion à l'OTAN et à l'UE. Il le fait pour maintenir en place jusqu'au prochain mandat son système corrompu, nationaliste et populiste - qui ressemble de plus en plus au système hongrois. On lit dans la presse d'opposition polonaise qu'en raison de la détérioration des relations entre les deux pays, les Etats-Unis étudient l'option de transférer en Roumanie, jugée plus fiable, une partie des soldats américains stationnés en Pologne (à la demande de celle-ci).»
Les voix indépendantes se raréfient
Financial Times s'inquiète du recul de la liberté de la presse en Pologne :
«Le PiS a déjà ravalé les chaînes publiques polonaise au rang de vulgaire instrument de propagande au service du gouvernement. Un groupe pétrolier appartenant à l'Etat a été servi d'intermédiaire pour racheter plusieurs entreprises médiatiques régionales. ... L'instance chargée de la supervision des médias traîne les pieds, rechignant depuis plus de 18 mois à renouveler la licence de diffusion de TVN24, une des principales chaînes de TVN. Ce n'est pas anodin. Si TVN devait se trouver avalée par des propriétaires pro-gouvernementaux, la petite chaîne Polsat serait la seule source d'informations indépendante qui subsisterait dans l'offre télévisuelle, ce qui déséquilibrerait la campagne des législatives de 2023.»
Une alliance UE/Etats-Unis pour entraver le PiS
Der Tagesspiegel préconise une réaction concertée de l'UE et des Etats-Unis :
«Un groupe médiatique basé en Europe peut reprendre à titre fiduciaire les parts nécessaires de Discovery pour se mettre en conformité avec les termes de la nouvelle loi sur les médias. ... L'Allemagne, l'Europe et les Etats-Unis devraient s'immiscer activement dans la campagne électorale ... en énonçant clairement qu'ils ne peuvent pas travailler en partenariat avec des forces qui veulent limiter la pluralité médiatique et faire taire les médias indépendants par le truchement de lois arbitraires. Ils doivent donc clairement dénoncer le risque de leur réélection. ... Contre une alliance Europe/Etats-Unis dûment fondée, ... le PiS aura du mal à convaincre une majorité des électrices et des électeurs polonais.»
Orbán est bien plus habile
Delo compare la politique du PiS avec celle du Premier ministre hongrois et en arrive à la conclusion suivante :
«Orbán n'aurait jamais lancé deux offensives en même temps comme vient de le faire le parti de Kaczyński. ... Le chef du gouvernement hongrois est plus malin. Alors que Varsovie ajoute Washington à la liste des personae non gratae, où l'on trouve aussi Bruxelles et plus récemment Moscou, Budapest pour sa part augmente son influence dans la région et tisse des liens pragmatiques avec Moscou et Pékin.»
Le PiS aura des comptes à rendre
La question de la liberté de la presse n'est pas une affaire intérieure qui ne regarderait que la Pologne, souligne Hospodářské noviny :
«Le principal actionnaire de la chaîne TVN est Discovery. Les sénateurs, démocrates comme républicains, ont accordé leurs violons dans une mise en garde commune : si la loi devait s'appliquer à TVN, le plus gros investissement américain en Pologne, les relations entre les deux pays s'en trouveraient négativement impactées dans les domaines de la défense et du commerce. Le gouvernement polonais n'a absolument rien fait lorsque le pays a dégringolé du 18e au 64e rang du classement pour la liberté de la presse de Reporters sans frontières ces dernières années. Mais il sera bien obligé d'expliquer aux Polonais pourquoi il contrarie ses alliés américains.»
Une obsession qui vire à l'aveuglement
Aktuality.sk constate que le PiS est prêt à aller au-delà du raisonnable pour s'assurer d'avoir bonne presse :
«Il s'agit avant tout de faire taire une chaîne de télévision indépendante. Que le parti de Jarosław Kaczyński soit prêt à mettre en péril ses relations avec les Etats-Unis et la stabilité de son propre gouvernement, démontre jusqu'où le PiS est prêt à aller pour se débarrasser des voix critiques présentes dans les médias.»
Des citoyens censés gober des idées toutes faites
Gazeta Wyborcza s'en prend durement au gouvernement :
«Cette fois, le Premier ministre, un menteur notoire, a démasqué ses batteries : il ne s'agit en effet ni de réguler le marché ni de protéger les médias polonais contre une prise de contrôle hostile de la part des Russes ou des Chinois. Il s'agit de faire taire les opposants au régime, ce qui revient à transformer tous les médias en une variante de la télévision d'Etat acquis au gouvernement. L'objectif étant de faire avaler aux masses non éduquées tout ce que le PiS - sous la férule de Kaczyński, le chef du parti - peut inventer et leur servir.»
Mettre un terme au mal qui ronge la Pologne
Handelsblatt a une explication au fait que le PiS soit allé jusqu'à l'éclatement de la coalition gouvernementale pour faire passer la loi :
«La démocratie polonaise n'est en aucun cas morte ; certains de ses anciens partenaires entravent désormais la marche du PiS contre les valeurs de l'Europe. Mais le PiS n'en reste pas moins déterminé à transformer la Pologne en lui imposant ses idées ultra catholiques et rétrogrades. Le parti est prêt à poursuivre dans la voie de la confrontation totale avec l'Europe et ses valeurs... - et ceci se produit en Pologne, le pays qui, derrière le rideau de fer, s'était battu pour la liberté avec beaucoup plus de ferveur que ses voisins. Reste à espérer que les électeurs polonais se souviendront de ce combat pour la liberté et mettront fin à ces affres.»