Pourquoi Macron se rend-il à Budapest ?
Le président français, Emmanuel Macron, a rencontré le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, à Budapest. Les deux dirigeants ont affirmé vouloir coopérer en dépit de leurs divergences. Sur la question de l'immigration, Macron a appuyé la position d'Orbán ; en matière d'Etat de droit, il a néanmoins estimé que la Hongrie devait en faire plus pour bénéficier du fonds de relance de l'UE. Les chroniqueurs s'interrogent sur le sens et la finalité de la rencontre.
S'émanciper de Berlin ?
Ces rencontres pourraient être liées à des considérations stratégiques, analyse Contrepoints :
«Pour l'Europe centrale, et surtout la Pologne et la Hongrie, c'est une opportunité de contrebalancer leurs relations avec l'Allemagne. La nouvelle coalition allemande mettant l'accent sur l'Etat de droit et sur les questions LGBT risque d'être plus hostile que la CDU de Merkel. … Pour la France, c'est évidemment la préparation de la présidence européenne qui est en vue. Néanmoins, ces entretiens avec les dirigeants d'Europe centrale combinés au traité franco-italien signé en novembre peuvent aussi révéler d'autres ambitions. La France ne chercherait-elle pas à multiplier des rapprochements diplomatiques afin de peser face à l'Allemagne ? Le fait de viser des pays dans la zone d'influence de l'économie allemande et parfois en désaccord politiquement avec Berlin renforce cette impression.»
La ligne rouge subsistera
La volonté de Macron de coopérer avec Budapest ne doit pas être interprétée comme la volonté de transiger sur les questions liées à l'Etat de droit, fait valoir Népszava :
«Il n'y a rien d'étonnant à ce que de hauts responsables politiques européens fassent parfois des compromis avec des individus qui ont une idéologie radicalement opposée à la leur. Macron table sur une réussite de la présidence française de l'UE, notamment pour remporter les présidentielles du mois d'avril. Mais il y aura toujours une 'ligne rouge' : l'Etat de droit. ... Macron en est bien conscient : si l'on peut négocier et même s'entendre sur des compromis, le franchissement de cette ligne rouge est un tabou. Ce faisant, il nuirait en effet à sa propre aura.»
Une rivalité montée en épingle
Ce n'est pas la première fois que Macron et Orbán mettent en scène leurs différences, rappelle Joël Le Pavous, correspondant de Slate à Budapest :
«Durant la course aux élections continentales de mai 2019, Macron et Orbán se canardaient façon western. Début juillet 2018, le président français estimait que 'la véritable frontière de l'Europe' était celle séparant les 'progressistes' des 'nationalistes' du calibre d'Orbán. Trois semaines plus tard, le Hongrois déclarait au quotidien allemand Bild ne pas vouloir d'une Europe 'sous leadership français'. … Le 26 octobre [2018] lors d'une consultation citoyenne à Bratislava, la capitale slovaque, Macron éreintait les 'esprits fous' des dirigeants hongrois et polonais, qui 'mentent à leur peuple'. Aujourd'hui, Emmanuel Macron et Viktor Orbán continuent d'instrumentaliser leurs différences afin de favoriser leur réélection au printemps prochain.»
Le Pen, Zemmour, puis le président...
Macron est mu par des intérêts électoralistes, assure le quotidien pro-Fidesz Magyar Hírlap :
«Il n'a manifestement pas échappé à l'Elysée que deux importants candidats à la présidentielle, Eric Zemmour et Marine Le Pen, s'étaient déjà rendus auprès de Viktor Orbán. Le Premier ministre hongrois est un point de référence de la politique française. ... De quoi rabattre le caquet de ceux qui affirment que le chef du gouvernement hongrois est isolé.»