Conseil OTAN-Russie : pas de convergence
Après la rencontre entre les Etats-Unis et la Russie à Genève, de hauts représentants de la Russie et de l'OTAN se sont réunis mercredi à Bruxelles, pour la première fois depuis deux ans. Difficile toutefois de parler d'avancées sur les questions de l'Ukraine et de l'élargissement de l'OTAN : le secrétaire général de l'alliance atlantique, Jens Stoltenberg, a fait d'état de "divergences considérables". Comment l'Europe se positionnera-t-elle ?
Un premier rapprochement
Le conseil OTAN-Russie n'a pas été si infructueuse, assure Radio Kommersant FM :
«Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé à l'issue de la rencontre : 'On nous a promis une réaction écrite, que nous attendons avant de décider des mesures ultérieures'. Question : si l'on ne s'est entendu sur rien, comment peut-il y avoir une réponse écrite ? Il est peu probable que Moscou s'attende à un refus écrit en bonne et due forme portant la signature de Biden ou Stoltenberg. Cela veut dire qu'il y a des accords, et des accords concrets : l'Occident est prêt à énvisager des mécanismes de contrôle pour le déploiement de systèmes de missiles à proximité des frontières et à instaurer des règles pour le déroulement d'exercices militaires, afin d'éviter des accrochages potentiels. S'il n'y pas d'entente partout, il est néanmoins possible de discuter.»
Elaborer une nouvelle structure sécuritaire
Il est grand temps que l'Europe s'affranchisse de la logique de la guerre froide, juge Dnevnik :
«La question après cette semaine d'intense diplomatie internationale reste donc de savoir quand, où et comment enrayer le cercle vicieux des tensions. La question, c'est de savoir si l'Europe, 30 ans après la fin officielle de la guerre froide, peut se doter d'une nouvelle architecture sécuritaire, qui ne soit dictée ni par la Russie, ni exclusivement par la vision américaine du monde, mais qui serve en premier lieu les intérêts européens. On pourrait déjà se mettre d'accord pour que les efforts et les fonds dédiés à la course à l'armement soient redirigés et affectés au sauvetage de la planète - ce serait un bon début.»
Difficile pour l'UE d'accorder ses violons
Milliyet se demande si les pays de l'UE, de par leurs intérêts nationaux divergents, peuvent s'entendre sur une position commune dans le conflit :
«L'UE - et surtout la France - approuvera-t-elle les activités guerrières des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie, quelles qu'elles soient ? Il en va autrement de l'Allemagne : Merkel n'aurait jamais approuvé une telle guerre, mais il semblerait que la nouvelle coalition hétéroclite qui vient d'entrer en fonction le fasse. En raison de la situation en Ukraine, l'Allemagne a décidé de suspendre jusqu'à nouvel ordre la mise en service du gazoduc Nordstream 2, dont la construction vient de s'achever, et qui doit acheminer le gaz russe en Europe.»
Moscou refuse que l'Ukraine devienne un satellite américain
Dans Vedomosti, le spécialiste des Etats-Unis Maxim Soutchov justifie la position russe :
«Moscou évoque un 'désenclavement militaire actif' de l'Ukraine, et entend par là le renforcement par les Etats-Unis du potentiel militaire du pays voisin, l'infiltration d'institutions clés de l'administration ukrainienne par les services secrets américains et la mise en place d'une infrastructure militaire spécifique. Une menace politico-militaire a ainsi vu le jour à proximité immédiate des frontières de la Russie, renforcée par la politique agressive de Kiev vis-à-vis du Donbass. ... 'La Russie est au pied du mur' - il ne s'agit pas là d'une métaphore utilisée par Poutine, mais d'une expression réaliste décrivant comment le gouvernement russe perçoit la situation actuelle.»
L'Europe doit rester libre de choisir ses alliances
La Repubblica juge que l'Europe doit rejeter les exigences de la Russie :
«L'idée d'un retour aux sphères d'influence, comme si le pacte de Varsovie existait encore, ne peut être acceptée par le monde occidental, et surtout pas par l'Europe. Ces intentions mettraient en effet des limites au Vieux-Continent. Des limites à l'action politique, au libre arbitre des différents pays et à la présence militaire. L'idée qu'une nation ne puisse choisir librement ses alliances doit tout bonnement être rejetée. Les Etats qui ont opté pour l'adhésion à l'alliance atlantique, à commencer par la Pologne, perçoivent cette idée comme une menace.»
La Russie recherche-t-elle vraiment la détente ?
Si la Russie voulait vraiment la paix, elle ne maintiendrait pas 100 000 soldats à la frontière de l'Ukraine, estime Eesti Päevaleht :
«Il s'agit vraisemblablement de la stratégie de Poutine : embrouiller délibérément l'Occident afin d'avoir le dessus. D'un côté, Moscou confirme qu'elle ne veut pas attaquer l'Ukraine. Mais comment peut-elle laisser un aussi gros contingent dans le désœuvrement ? Les soldats sont lassés, la motivation diminue et la logistique pose problème - les bases étant éloignées. Il faut utiliser les troupes ou les renvoyer chez elles. ... Il semblerait que Poutine veuille faire accepter son système de pouvoir dans ce qu'il appelle 'l'étranger proche'. L'OTAN est tenue de tracer ici une ligne rouge, de souligner qu'elle n'abandonnera pas les pays ayant choisi la voie de la démocratie.»
Un simple calcul de la part du Kremlin
Sur NV, le politologue Volodymyr Fessenko délivre un avertissement :
«Si la Russie approuve la poursuite des négociations avec les Etats-Unis et l'OTAN, cela signifie que tous les ultimatums, la série d'impudences dans les négociations et le déploiement militaire à proximité des frontières ukrainiennes correspondent à des manœuvres agressives du Kremlin dans le but d'impacter les négociations, une forme de 'guerre psychologique' menée contre l'Occident et - en partie - contre l'Ukraine. Dans le même temps, la Russie espère des concessions partielles de la part des Etats-Unis et de l'OTAN, et se dit prête à négocier. ... De notre côté, nous ne pouvons baisser la garde. Si Poutine et le régime russe perçoivent le moindre signe de faiblesse, ils pourraient être tentés de lancer l'offensive contre l'Ukraine.»
Poutine ne comprend pas le changement
Rzeczpospolita estime que la Russie envisage les négociations à partir d'un postulat erroné :
«Comment expliquer ce dialogue de sourds ? Il est peut-être lié au fait que le Kremlin et Vladimir Poutine lui-même se méprennent totalement sur le rôle de l'Occident. En fin de compte, le chef d'Etat russe adopte une attitude similaire vis-à-vis de l'Ukraine et des autres Etats post-soviétiques qui ont osé se tourner vers la démocratie. Il semble être convaincu que les 'révolutions de couleur' sont l'œuvre d'une manipulation américaine, et non l'expression d'une société civile arrivée à maturité.»