Face à la flambée des prix de l'énergie : manger ou se chauffer ?
Depuis des mois, les prix de l'électricité et du gaz sont en hausse en Europe. Ils ont renchéri d'un tiers environ en un an et devraient augmenter encore en 2022. Sous l'effet de l'inflation, les prix des denrées alimentaires grimpent eux aussi. Les consommateurs européens ont du mal à joindre les deux bouts, doivent sauter des repas et économiser sur le chauffage. La presse européenne met en garde contre les conséquences sociales de la crise énergétique et réfléchit aux autres sources d'énergie possibles.
Chauffer les écoles devrait être la première des priorités
En Roumanie, dans l'impossibilité de chauffer suffisamment les salles de classe, une partie des écoles est passée en enseignement à distance. Dans son blog hébergé par Adevărul, le spécialiste de l'éducation Stefan Vlaston fait part de son indignation :
«Comme si les Roumains n'avaient pas déjà suffisamment de soucis, eux qui souffrent déjà du froid chez eux parce qu'ils n'ont plus de quoi payer leurs factures, il se produit encore pire : des institutions publiques, des écoles et des hôpitaux sont obligés de fermer parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour payer les factures. ... Quand il s'agit de verser des retraites disproportionnées [aux anciens fonctionnaires] et des traitements mirobolants, ou de renflouer certaines institutions qui gaspillent le gaz devenu hors de prix, là, l'Etat a de l'argent, mais quand il s'agit de chauffer les écoles et les hôpitaux, là, il est aux abonnés absent.»
Johnson se désinteresse de la pauvreté énergétique
Les répercussions désastreuses de la hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires laissent Boris Johnson dans la plus grande indifférence, s'indigne The Guardian :
«Le peuple britannique se trouve confronté à une double crise : des millions de personnes n'ont pas les moyens de se ravitailler en denrées de base, et leurs dirigeants n'ont nullement l'intention de leur venir en aide. ... Depuis un certain temps dans ce pays, il y a des gens qui sautent des repas et qui gardent leur manteau à l'intérieur, dans l'indifférence générale. Ce qui risque de changer la donne, c'est que désormais, ce genre de phénomènes ne se limitent pas à la classe ouvrière mais concernent aussi les classes moyennes. Les familles de la classe moyenne qui s'en sortaient jusque-là pourraient bientôt sombrer dans les difficultés financières.»
Le retour au nucléaire ne relève plus de l'utopie
Compte tenu de l'évolution des prix de l'énergie, Diena songe au nucléaire :
«Le contexte énergétique évolue en permanence et les réticences face à l'énergie nucléaire s'estompent puisque la catastrophe de Tchernobyl, survenue en 1986, est désormais de l'histoire ancienne pour la nouvelle génération. La construction d'une centrale nucléaire dans les Etats baltes ces prochaines années n'est peut-être plus une utopie, mais une alternative tangible. L'expérience de la centrale de Visaginas [non achevée suite au Non au référendum] montre aussi que l'on ne devrait pas espérer naïvement que ce genre de projets de grande envergure se fassent rapidement et sans difficultés.»
L'économie grecque en péril
Le gouvernement grec n'a pas de temps à perdre, lit-on dans To Vima :
«Le seul facteur encourageant, c'est que l'UE a mis au point des mécanismes anti-inflationnistes. Ses institutions sont structurées de sorte à pouvoir soutenir la stabilité de la monnaie. L'UE ne manquera pas d'intervenir si elle estime qu'à moyen terme, la stabilité des prix et par conséquent l'euro, risquent d'en pâtir. ... Et pourtant, les dangers sont grands, en tout premier lieu pour l'économie grecque vulnérable, qui a attendu dix ans de crise avant de pouvoir reprendre son souffle. Le gouvernement est tenu de faire tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher une spirale inflationniste délétère. Il doit faire pression sur les fournisseurs d'électricité pour qu'ils adaptent leurs tarifs aux prix du gaz naturel en baisse.»
Il y a urgence à agir sur le court terme
Le gouvernement estonien agit comme un pompier qui palabre sur la prévention des incendies à côté d'une maison en flammes, témoigne ERR Online :
«Dans une situation habituelle, il est bon de ne pas prendre de décision précipitée. ... Or il se trouve que ces deux dernières années, entre la pandémie de Covid-19 et le prix de l'électricité, la situation n'est pas habituelle, raison pour laquelle le gouvernement doit agir de manière rapide, flexible et créative pour maîtriser la crise. Il va sans dire que les politiques doivent réfléchir aux moyens de prévenir de telles hausses des prix à l'avenir. La toute première priorité devrait cependant être une aide aux citoyens et aux entreprises pour compenser la hausse des prix de l'électricité en décembre.»
Pas de monopole pour les réseaux de chaleur
Le Danemark étudie la proposition du dirigeant d'une société énergétique consistant à rendre obligatoire le raccordement à un réseau de chaleur quand il en existe un. Une idée visant à délester le réseau pendant la phase de transition vers les énergies vertes. Jydske Vestkysten désapprouve l'initiative :
«Il n'est pas recevable d'interdire aux consommateurs de s'équiper d'une pompe à chaleur respectueuse du climat au motif que l'on habite une région qui possède un réseau de chaleur. Le consommateur s'expose au risque de devoir se raccorder à un réseau de chaleur plus onéreux et moins en faveur du climat. Si au rebours il est libre de faire son choix, cela inciterait les exploitants de réseaux de chaleur à proposer leur solutions de chauffage à des conditions si avantageuses et écologiques qu'elles concurrenceraient les pompes à chaleur.»
Risque aigu de précarité énergétique
Yetkin Report table sur une paupérisation d'une part importante de la population turque dans les deux mois à venir :
«C'est un hiver bien sombre qui nous attend. Même en réduisant leur consommation le plus possible, les retraités dont la pension mensuelle vient d'être revalorisée à 2 500 lires turques [suite à l'inflation] devront consacrer 35 pour cent de leur budget à l'électricité et au gaz. Ces gens seront donc frappés par la précarité énergétique, et leurs droits fondamentaux seront violés. La plupart de nos citoyens sont manifestement privés de ce droit, alors que l'énergie devrait être accessible à tous, et ce à un prix abordable. ... Il semble qu'à bien des égards, la pauvreté soit le sort qui sera réservé à une part importante de la société.»
La spirale inflationniste frappe la société de plein fouet
La hausse des prix de l'électricité et du gaz en Roumanie pourrait avoir un effet boule de neige, met en garde Adevărul :
«Beaucoup de familles aux revenus modestes se retrouveront dans l'impossibilité de régler leurs factures d'énergie. Les répercussions sur l'économie pourraient être dramatiques si les arriérés devaient se multiplier ; elles pourraient engendrer un problème social susceptible de s'aggraver de jour en jour. L'inflation gagnerait l'ensemble de la chaîne de création de valeurs et le pouvoir d'achat s'en trouverait considérablement réduit. Ce qui provoquerait une baisse de la demande. ... Dans ce contexte alarmant, le ministre de l'énergie nous assure avec désinvolture que le secteur de la production énergétique roumaine est excédentaire, ce qui se traduira par une baisse rapide des prix. Or la réalité parle une toute autre langue.»
Difficile de se séparer de son ancien poêle
La hausse des prix du gaz porte un coup à la lutte contre le smog en Pologne, pointe Rzeczpospolita :
«Les Polonais qui comptaient remplacer leurs anciens poêles à charbon, techniquement dépassés et pollueurs, par des chaudières à gaz nouvelle génération se trouvent actuellement dans un grand désarroi. Ceux qui l'ont déjà fait auraient de bonnes raisons de se sentir floués puisque leur facture enfle à vue d’œil. Et ceux qui ne l'ont pas encore fait pourraient en être dissuadés par l'explosion des prix du gaz naturel.»
Riga en appelle à la responsabilité individuelle de chacun
Neatkarīgā n'attend pas grand aide de la part du gouvernement :
«Comme le président Egils Levits l'a récemment déclaré dans une interview télévisée : 'Le gouvernement et la majorité parlementaire sont responsables de la situation politique dans le pays. Au demeurant, chacun doit savoir et comprendre que l'Etat ne peut pas tout réglementer et résoudre tous les problèmes. Compter sur l'Etat pour s'occuper de tout est un reliquat de la mentalité soviétique.' ... Nous pouvons être absolument sûrs qu'il n'a pas pensé un seul instant que cette phrase pourrait susciter une réaction négative.»