Inflation : le mauvais calcul de la BCE ?
Contrairement à la Fed, la BCE a décidé de maintenir pour le moment sa politique des faibles taux. Sa présidente, Christine Lagarde, a affirmé une nouvelle fois jeudi que l'inflation n'était selon elle qu'un phénomène passager. La BCE s'est contentée d'annoncer la fin de son principal programme de soutien face à la pandémie, ce qui pourrait préfigurer la fin de la politique monétaire expansionniste à moyen terme. Un choix qui suscite globalement le scepticisme des éditorialistes.
Un pari audacieux
La BCE ne semble même pas connaître les causes exactes de l'inflation, s'inquiète Les Echos :
«Les uns estiment que l'énergie est le facteur clé de ce qui se passe avec, dans le cas américain, un effet des gigantesques plans de relance des revenus. Les autres décèlent des facteurs plus structurels : sortie du marché du travail de millions de salariés, diminution mondiale de la population active, flambée durable des prix de l'énergie à cause de la transition écologique. En attendant d'avoir la réponse, la BCE gagne du temps, ce qui lui permet de maintenir à court terme sa politique souple et permet aux Etats surendettés de rester solvables. … C'est un pari audacieux de privilégier la soutenabilité des finances publiques par rapport au pouvoir d'achat des Européens.»
L'indépendance n'est qu'un mythe
Les soucis de trésorerie de certains Etats membres sont l'unique explication aux politiques divergentes suivies par la FED et la BCE, regrette Die Presse :
«L'indépendance de la banque centrale par rapport aux intérêts politiques et aux tribulations des Etats membres de la zone euro n'existe qu'en théorie. Les économistes rappellent déjà depuis longtemps que la lutte contre l'inflation n'est plus, loin s'en faut, l'unique objectif officiel de la BCE, mais qu'elle s'attache aussi et surtout à rendre la dette de nombreux Etats européens le plus supportable possible. ... Plus longtemps on suivra la politique des faibles taux, plus il sera difficile de s'en défaire.»
La BCE doit suivre sa propre voie
Handelsblatt explique pourquoi la banque centrale américaine, la Fed, n'est pas un exemple à suivre pour la BCE :
«Il y a trois raisons, étroitement liées les unes aux autres. Premièrement : la Fed a déjà autorisé un taux d'inflation bien plus élevé que ne l'a fait la BCE. ... Deuxième raison : en parallèle, l'administration américaine a lancé un vaste programme de dépenses publiques financé par la dette pour stimuler l'économie. ... En Europe, les responsables de la politique économique ont été bien plus prudents. Et la troisième raison est probablement la plus importante : aux Etats-Unis, la spirale des salaires et des prix commence déjà à vriller, deux facteurs qui s'exacerbent mutuellement. Ce n'est pas encore le cas dans la zone euro. ... La somme de ces trois facteurs illustre clairement que la BCE doit suivre son chemin - ce qu'elle fait.»
Un relèvement des taux est inévitable
The Daily Telegraph se réjouit que la Banque centrale britannique ait augmenté hier son taux directeur à 0,25 pour cent :
«Les ménages, les entreprises et l'Etat ne doivent pas oublier la loi de la rareté [principe selon lequel les biens et les services disponibles existent en quantité limitée]. Au final, chacun doit vivre en fonction de ses moyens. L'ère de l'argent 'de moins en moins cher' est en train de prendre fin. Les banques centrales, au Royaume-Uni et de par le monde, devront à nouveau relever leurs taux, indépendamment de la situation économique, afin de remédier à l'explosion des prix et à la surchauffe des marchés immobiliers. En engageant le processus de relèvement des taux, la Bank of England a pris la bonne décision - même si elle a tardé à le faire.»
Le bon moment pour des réformes
El Mundo appelle l'Espagne à suivre l'exemple de l'Italie et à restructurer son économie :
«L'Espagne est l'économie de la zone euro la plus affectée par la pandémie et celle qui a le plus de mal à s'en remettre. … Depuis longtemps déjà, d'autres pays surendettés ont amorcé des projets de réforme ambitieux, comme l'Italie de Mario Draghi. La coalition Sánchez met toutefois l'accent sur les dépenses, sans entreprendre de réformes énergiques : il privilégie les réformes de l'emploi et des retraites, qui vont dans le sens opposé à ce que Bruxelles attend. Nous perdons un temps précieux. Si l'austérité revient, le gouvernement ne pourra pas dire qu'il n'était pas au courant.»