Lettonie : le 9 mai en question
A Riga, tous les ans le 9 mai, plus de 100 000 lettons russophones célèbrent la libération de l'occupant nazi par l'armée soviétique. Le maire de la ville, Mārtins Staķis, songe à interdire les commémorations cette année, notamment parce que c'est un lieu de ralliement des partisans de Poutine. Le Premier ministre letton Krišjānis Kariņš a lui même qualifié la fête de "glorification de l'occupation de notre pays", n'excluant pas une interdiction au niveau national.
Un risque pour la sécurité de la Lettonie
Dans une interview à la radio, la ministre lettone de l'Intérieur a annoncé que ceux qui ont perdu un membre de leur famille dans la guerre devraient pouvoir se recueillir dans le cadre d'une manifestation commémorative, en dépit de l'interdiction. L'eurodéputée Inese Vaidere rejette vigoureusement cette dérogation, comme elle l'explique dans Latvijas Avīze :
«La ministre de l'Intérieur a-t-elle vraiment l'intention d'éplucher l'arbre généalogique des personnes qui se rendront au monument à la gloire de l'occupation ? Ne comprend-elle vraiment pas à quel point cette manifestation peut être offensante pour les victimes du totalitarisme dans l'ex-Union soviétique et pour leurs familles ? En tant que garante de la sécurité intérieure de notre pays, ne considère-t-elle pas ces activités qui mobilisent les partisans du symbole Z comme une grave menace pour la sécurité de la Lettonie ? ... Cette possibilité que laisse entrevoir la ministre est absolument inacceptable.»
Ne pas résoudre le problème d'en haut
Sur le portail Satori, le philosophe Artis Svece ne partage pas cet avis :
«Les Lettons se trompent dans l'interprétation qu'ils font du 9 mai. Nous avons une conception trop étriquée de cette cérémonie quand nous la réduisons à une glorification de l'occupation et à la nostalgie de l'empire soviétique. ... Nous n'avons pas complètement tort. ... Mais à mon sens, le 9 mai est devenu une fête pour l'identité de la communauté russe ou russophone de Lettonie. Elle commémore ses morts, sans que ce soit une journée de deuil. Même si les participants sont nombreux à arborer des symboles de la Russie de Poutine, il y en a qui viennent pour être parmi leurs pairs. Il me semble que les Lettons ne peuvent pas résoudre le problème du 9 mai. Une interdiction est une mauvaise idée. ... C'est le moment pour la communauté russe de Lettonie d'avancer des propositions.»
Donner un sens nouveau au 9 mai
En Estonie aussi, les commémorations du 9 mai sont controversées. Õhtuleht donne son avis :
«Il va sans dire que les défilés autour de la statue en bronze d'un soldat en uniforme russe relevaient déjà de la provocation délibérée, même avant la guerre, sans parler des marches du 'Régiment immortel', qui poussait le bouchon jusqu'à la limite du supportable pour les Estoniens. Interdire par la loi des symboles est une ligne qui se discute, mais elle a le mérite de signaliser clairement qu'il est indésirable de les arborer. A la lumière de la guerre initiée par la Russie, on pourrait donner un nouveau souffle à la journée de l'Europe qui tombe aussi le 9 mai, par exemple à travers une coopération avec des réfugiés ukrainiens et des Russes opposés à la guerre.»