La Hongrie bloque l'embargo de l'UE sur le pétrole russe
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a effectué lundi une visite éclair à Budapest. Pour traduire dans les faits l'embargo sur le pétrole annoncé la semaine passée, l'UE a besoin du soutien de la Hongrie. Or Viktor Orbán rechigne à obtempérer. Les éditorialistes évoquent différentes raisons à ce refus.
Détruire l'économie n'avancera personne
Le quotidien pro-Fidesz Magyar Nemzet est opposé à un arrêt des importations :
«Un embargo sur les hydrocarbures russes arrêterait-il l'avancée des chars russes ? Bien sûr que non, car le chiffre d'affaire de Gazprom en 2022 est déjà supérieur à celui de l'année dernière, en raison de l'explosion des prix de l'énergie. Ni la Slovaquie, ni la Tchéquie, ni la Bulgarie ou la Croatie ne peuvent se passer des hydrocarbures russes. ... Même l'Italie, l'Autriche et l'Allemagne paieraient un tribut exorbitant. ... Un embargo ne contribuera nullement à mettre fin à la guerre, et en forçant à peine le trait, on peut dire qu'il transformera l'économie européenne en un champ de ruines semblable à celle de l'Ukraine.»
Les aides européennes en question
Le portail économique Portfolio établit un lien entre la position du gouvernement hongrois et les différends de ce dernier avec Bruxelles :
«Dans une approche globale, il semblerait que Viktor Orbán fasse un rapprochement entre la question de l'embargo européen sur le pétrole russe et les négociations en cours sur le programme de relance de la Hongrie, pour se faire une idée plus claire sur l'issue possible du désaccord sur l'Etat de droit. Car on ignore encore le montant des aides que la Hongrie peut escompter et quand elle les percevrait. Une incertitude qui pose une autre question : comment pourra-t-elle financer la transformation des raffineries de pétrole et du système énergétique que nécessiterait un embargo ?»
Donnant, donnant
Derrière le blocage par la Hongrie de l'embargo sur le pétrole russe, Večernji soupçonne une connivence entre Orbán et Poutine :
«Si Orbán freine des quatre fers comme il le fait contre l'embargo sur le pétrole russe, c'est surtout pour défendre ses intérêts personnels et ceux de sa garde rapprochée. Le tout enrubanné de nationalisme, comme toujours avec lui. ... Si l'UE mettait fin à son approvisionnement en pétrole russe, ce serait un coup dur pour Poutine, ce qu'Orbán tente d'empêcher par tous les moyens. C'est pourquoi il est légitime de se demander quels arrangements ces personnes ont passé avec la Russie sur l'approvisionnement en pétrole, et quels avantages personnels ils en tirent. La vraie question consiste à savoir ce que Poutine a proposé ou donné à Orbán et son équipe pour que ceux-ci le protègent aussi farouchement d'un embargo.»
Même le groupe de Višegrad prend ses distances
La Hongrie est plus que jamais un paria de l'UE, estime Jutarnji list :
«Budapest s'est opposée au transit par son territoire de l'aide militaire [destinée à l'Ukraine]. Elle est contre l'application d'une pression trop forte sur la Russie. Depuis, la Pologne ne veut plus rien savoir d'Orbán. La Tchéquie et la Slovaquie lui tournent le dos. Lundi à Bruxelles, les petits Etats membres de l'UE ont été à l'initiative d'un document officieux pour s'opposer à une modification des traités européens, mais la Hongrie n'avait pas été conviée dans ce groupe. ... Les leaders politiques allemands, français et italiens disent ouvertement qu'il ne faut pas avoir peur d'une Europe à deux vitesses. La Hongrie d'Orbán avancera à une troisième vitesse ; tout le monde va se détourner d'elle - elle deviendra une renégate.»