Poutine dans les pas de Pierre le Grand ?
A l'occasion du 350e anniversaire du tsar Pierre le Grand, commémoré en grande pompe en Russie, le président Poutine a comparé son action à celle du monarque. Tout comme ce dernier avait voulu reprendre et renforcer des territoires suédois en menant la grande Guerre du nord, a-t-il déclaré, il incombe actuellement à la Russie de 'reprendre et renforcer' des territoires qui lui reviennent. Une comparaison qui laisse sans voix la presse européenne.
Un sourire qui en dit long
Les remarques du chef du Kremlin sont riches d'enseignements, lit-on dans Hospodářské noviny :
«Poutine apporte la preuve claire que tous les longs discours sur les provocations de l'OTAN ou sur la nécessité de dénazifier l'Ukraine n'étaient que de faux prétextes, servant à dissimuler les raisons véritables de l'attaque de l'Ukraine. L'enjeu réel étant ailleurs : des revendications territoriales. ... L'horreur de la Seconde Guerre mondiale avait rendu obsolète l'usage de la violence pour faire valoir des revendications territoriales. ... Paradoxalement, le président d'un pays qui a perdu des millions de vies humaines pendant la Seconde Guerre mondiale ne le comprend pas. Il est étrange que les ruines de Marioupol ne rappellent à personne au Kremlin le souvenir de Stalingrad. Poutine se projette dans la droite ligne du tsar Pierre le grand, de Bismarck ou de Napoléon. Son sourire satisfait n'était décidément pas beau à voir.»
L'attitude de l'Occident peut influer
Contrairement à Pierre le Grand, Poutine exècre tout ce qui vient d'Europe de l'Ouest, rappelle Jornal de Notícias :
«Il se peut que Poutine soit un dernier soubresaut, l'ultime dirigeant qui fonde son pouvoir sur la rancœur de l'effondrement inexorable de l'URSS, la Grande Russie. Personne ne sait ce qui va advenir. Va-t-il se muer en un chef encore plus barbare et dangereux pour ses voisins occidentaux ? Emmanuel Macron et Olaf Scholz ont raison d'insister sur l'importance de ne pas trop humilier la Russie. Pourquoi ? A la fin de la guerre froide, l'apparition d'un nationaliste comme Poutine n'a pas été tout à fait fortuite. ... L'attitude de l'Ouest vis-à-vis du Kremlin actuel influencera les décisions des Russes à l'avenir.»
Une série d'aberrations
Jutarnji list fait part de sa consternation :
«Les dictateurs comme Poutine ne comprennent pas que les règles qui avaient cours au 18e siècle ne valent plus 350 ans plus tard. A l'époque de Pierre le Grand, on ne négociait pas avec ses adversaires, on les décapitait. Par ailleurs, Pierre le Grand poursuivait l'objectif de moderniser la société russe et de faire de la Russie un Etat européen. C'est pour ses réformes qu'il est entré dans l'histoire. Contrairement à Pierre le Grand, Poutine a poussé la Russie dans un despotisme obscurantiste, et c'est du despote que l'on parlera dans 350 ans dans les livres d'histoire. A moins que lui ou quelqu'un de son engeance ne décide de déclencher une guerre nucléaire, ce qui accélérerait la fin de l'histoire, si bien que plus personne ne pourrait écrire quoi que ce soit sur son compte.»