Le chef d'Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri, tué en Afghanistan
Les Etats-Unis ont tué le chef de l'organisation terroriste Al-Qaida ce week-end en Afghanistan. Selon Washington, Ayman Al-Zawahiri aurait été atteint par une frappe de drone alors qu'il se trouvait sur le balcon de sa résidence, à Kaboul. Considéré comme le cerveau des attentats du 11-Septembre, Al-Zawahiri avait pris les rênes d'Al-Qaida à la mort d'Oussama Ben Laden. Les modalités et les conséquences de cette opération font l'objet d'un vif débat.
L'Afghanistan, un repaire de terroristes
Suite à leur intervention, les Etats-Unis devraient se demander comment le chef d'Al-Qaida a bien pu vivre tranquillement à Kaboul, lit-on dans Politiken :
«Si Biden et ses soutiens doivent se réjouir d'avoir neutralisé Al-Zawahiri, le fait que le terroriste le plus recherché de la planète résidait au cœur de la capitale afghane doit les inquiéter tout autant. Cela montre que sous les talibans, lepays est devenu ce que de nombreux observateurs redoutaient après le retrait chaotique des Etats-Unis l'année dernière : un repaire de terroristes. Se pose désormais la question du nombre de terroristes vivant actuellement dissimulés dans l'Etat contrôlé par les talibans.»
Vers un renforcement de Daech en Afghanistan ?
D'autres organisations islamistes pourraient profiter de l'affaiblissement d'Al-Qaida, mettent en garde les spécialistes du terrorisme Haroro Ingram, Andrew Mines et Daniel Milton dans The Conversation France :
«L'élimination d'Al-Zawahiri ne nous dit pas si la stratégie américaine après le retrait peut contenir d'autres groupes djihadistes dans la région, comme l'Etat islamique au Khorassan, qui est farouchement opposé aux talibans et à leur expansion en Afghanistan. En effet, si un plus grand nombre de djihadistes perçoivent les talibans comme étant trop faibles pour protéger les principaux dirigeants d'Al-Qaida et de ses affiliés, tout en étant incapables de gouverner l'Afghanistan sans l'aide des Etats-Unis, beaucoup d'entre eux pourraient considérer l'Etat islamique au Khorassan comme le meilleur choix.»
Aux Etats-Unis, la politique étrangère ne fait pas recette
L'élimination d'Al-Zawahiri n'offre qu'un répit de courte durée à Biden, estime NRC Handelsblad :
«On peut se demander s'il peut vraiment marquer des points auprès des électeurs sur le terrain [de la politique étrangère]. Tant que les prix de l'essence resteront élevés, les électeurs américains ne se soucieront pas vraiment des manœuvres militaires de Pékin en mer de Chine méridionale. Ce qui est salutaire pour Biden, c'est que la polarisation du pays est moins étouffante en matière de politique étrangère. ... C'est ce que montrent les réactions, ce week-end, à l'exécution du chef d'Al-Qaida, Ayman Al-Zawahiri. Les politiques républicains ont félicité le président Biden pour sa décision. Mais en cette année électorale, ses adversaires politiques ne lui feront pas de cadeaux.»
Une énorme perte pour l'organisation
Cette frappe affaiblit un peu plus encore Al-Qaida, lit-on sur le portail de France Inter :
«Objectivement l'organisation qui a planifié et exécuté les opérations du 11-Septembre n'est plus que l'ombre d'elle-même d'un point de vue opérationnel. La traque de l'ensemble des services secrets et militaires occidentaux – mais pas seulement – a été efficace sur le long terme. … La mort de son chef est donc un vrai coup dur pour Al-Qaida : Al-Zawahiri était le plus ancien dans le rang le plus élevé. En disparaissant, il prive son organisation d'un élément essentiel pour une organisation terroriste fondée sur l'idéologie et la religion : le prestige et la légitimité d'un intellectuel du djihad particulièrement influent.»
Un successeur plus dangereux encore ?
La liquidation d'Al-Zawahiri pourrait s'avérer néfaste à terme, fait valoir Iltalehti :
«Le charismatique Ben Laden et les sanguinaires Al-Baghdadi et Al-Zarkaoui excellaient dans la tâche qui consistait à recruter de jeunes djihadistes en puissance. Cette capacité faisait défaut à Al-Zawahiri. Sous son égide, Al-Qaida n'a rien accompli de notoire. ... Al-Zawahiri pourrait être remplacé par un leader bien plus charismatique et bien plus dangereux, qui considérerait un nouvel attentat façon 11-Septembre indispensable au renforcement d'Al-Qaida. Un leader qui serait du reste soutenu par les bailleurs de fond de l'organisation, excédés par l'assassinat d'Al-Zawahiri, et par de jeunes extrémistes islamistes. L'avènement d'un tel leader constituerait un péril plus grave encore pour les Etats-Unis.»
Berlin doit demander des comptes à Washington
Le quotidien taz prend clairement position :
«Il s'agit d'un meurtre d'Etat. Cette affirmation n'est ni erronée ni inhabituelle. Elle correspond à la conception dominante de la doctrine européenne du droit international, qui définit clairement la lutte antiterroriste comme une compétence policière de lutte contre la criminalité, et non comme une guerre que l'Etat pourrait mener. ... Le gouvernement allemand ne peut fermer les yeux sur cet acte. ... Car de nombreuses attaques de drones des Etats-Unis se servent des installations de la base aérienne américaine de Ramstein, en Allemagne, pour assurer le pilotage à distance des drones. ... C'est la raison pour laquelle, depuis un certain temps déjà, le mouvement pacifiste somme Berlin d'interdire à Washington l'utilisation de cette base aérienne - du moins pour les attaques illégales de drones.»
Loin de l'esprit du procès de Nuremberg
Interia se dit déçu des Etats-Unis :
«Tuer même les pires crapules revient à dévier sensiblement des normes auxquelles se réfèrent les Américains aujourd'hui. Force est de constater une certaine impuissance de la part des dirigeants politiques, des services de renseignement et de la justice. ... Quoi qu'il en soit, les Etats-Unis semblent très éloignés aujourd'hui de l'esprit de Nuremberg et de ses normes morales, qui devraient être le fondement de l'Occident - dans une certaine mesure du moins. »
L'Occident a eu tort de se fier aux talibans
Cette frappe a révélé une triste vérité, estime Neue Zürcher Zeitung :
«Avec le régime taliban, l'Afghanistan redevient un havre pour les groupes terroristes internationaux comme Al-Qaida et Daech. ... Le retrait précipité des troupes américaines et occidentales du pays, qui avait facilité la prise du pouvoir par les talibans il y a un an, a été à tout point de vue un désastre pour l'Afghanistan. Les islamistes y ont établi un nouveau régime de terreur et piétinent ouvertement les droits des femmes, des minorités religieuses et des dissidents. ... Il était naïf de croire que l'Afghanistan se stabiliserait sous la houlette d'un régime autoritaire taliban. ... Quoi qu'il en soit, une reconnaissance du régime de Kaboul ne semble pas près de se produire de sitôt.»