Israël : Nétanyahou de retour avec l'extrême droite
Le Likoud (classé à droite) de Benyamin Nétanyahou est arrivé en tête des législatives en Israël, en obtenant 32 sièges sur 120. La formation Yesh Atid (libéral) du Premier ministre sortant Yaïr Lapid, dont la coalition "anti-Nétanyahou" s'était effondrée en juin, s'est classée deuxième (24 sièges). Nétanyahou entend former une coalition avec les partis orthodoxes mais aussi avec le mouvement Sionisme religieux (extrême droite). La presse est inquiète.
Le monopole de la droite
En Israël, la gauche est en état de mort cérébrale tandis que la droite ne cesse de progresser, déplore Dnevnik :
«Netanyahou va former son nouveau gouvernement avec les voix d'un parti dirigé par le député d'extrême droite Itamar Ben-Gvir. Même au sein de la droite israélienne, qui regroupe des tendances extrêmement diverses, Ben-Gvir était considéré comme un paria. En raison de ses opinions politiques, les services de recrutement de l'armée israélienne lui ont interdit d'effectuer son service militaire, le considérant comme trop dangereux pour porter un uniforme et un fusil. ... Il n'y a aucune alternative. ... La droite a le monopole de la politique israélienne et la gauche est lasse du jeu politique.»
Fini la morale et la bienséance politique
Nétanyahou n'a aucun scrupule à enfreindre les règles du jeu démocratique, estime Népszava :
«Les populistes sont innovants et dangereux en ceci qu'ils ont compris comment contourner les règles du jeu démocratique. Avec eux, plus besoin de programme : même Benjamin Nétanyahou, vainqueur des élections en Israël qui fait son grand come back, n'a pas présenté de programme de politique économique. Il s'est contenté de faire campagne sur un mode émotionnel. ... Le sens moral et la bienséance politique sont devenus superflus. Nétanyahou était même prêt à s'allier avec la droite raciste ultra-radicale.»
A la merci de la Russie
La position ambiguë d'Israël vis-à-vis de l'Ukraine inquiète Rzeczpospolita :
«Le pays ne participe ni aux sanctions contre la Russie ni à la livraison d'armes aux Ukrainiens, alors qu'il excelle dans leur production plus que tout autre Etat. En d'autres termes, cela signifie qu'Israël ne se range pas du côté de l'Occident. C'était déjà le cas sous le gouvernement précédent et cela pourrait l'être plus encore sous le prochain gouvernement. ... Il est compréhensible qu'Israël s'inquiète pour sa sécurité. Mais par voie de conséquence, elle se rend dépendante vis-à-vis de la Russie, car cette dernière la menace de réagir si elle décidait de passer dans le camp de l'Ukraine.»
A droite toute
Pour Rzeczpospolita, le cabinet de Nétanyahou va entamer un sérieux virage à droite :
«Son parti du Likoud, classé à droite, l'a largement emporté, ce qui n'était pas une surprise. ... L'excellent score du parti Sionisme religieux, qui a remporté 14 sièges, en revanche, en a surpris plus d'un. Avec ce résultat, il devient le partenaire de coalition du nouveau gouvernement Nétanyahou, aux côtés d'alliés fidèles : les deux partis religieux orthodoxes, le Shas et Yahadut Hatorah. Au total, ces quatre formations disposent de plus de 65 sièges. Il s'agit d'une majorité confortable, dont Nétanyahou aurait bien aimé disposé ces dernières années. ... Il s'agit du gouvernement situé le plus à droite de l'échiquier politique de toute l'histoire de l'Etat hébreu.»
Aucun scrupule
Nétanyahou ne recule devant rien pour revenir au pouvoir, estime Mediapart :
«Entre l'aveuglement idéologique, le désir dévorant d'une revanche politique contre ceux qui l'avaient évincé, et la volonté, obstinée et triviale d'échapper aux griffes de la justice, il est difficile de discerner les motivations profondes de Nétanyahou dans cette bataille électorale. Une chose est claire : aussi dépourvu de scrupules dans l'opposition que lorsqu'il était au pouvoir, il n'a pas hésité, pour s'assurer une majorité et obtenir des alliés dans sa bataille contre les juges, à s'entourer de colons racistes et de rabbins manipulateurs et démagogues, habitués à utiliser les ressorts de la religion pour mobiliser les foules.»
Un péril pour la démocratie
Cela fait longtemps que Nétanyahou se désintéresse de son pays, fait valoir Neue Zürcher Zeitung :
«Son premier objectif consiste à mettre un terme aux procès pour corruption, fraude et détournement qui lui sont intentés. Et comme un nombre croissant d'ex-alliés issus du camp de centre-droit ont pris leurs distances, il a choisi de se rapprocher de l'extrême droite. ... Officiellement, les futurs partenaires de coalition de Nétanyahou se disent modérés. ... Ils œuvreront néanmoins à l'affaiblissement des institutions démocratiques, afin de créer un environnement qui restreindra les libertés des minorités et des dissidents, et dans lequel l'Etat affichera un visage de plus en plus illibéral.»
La fin de la neutralité vis-à-vis de la Russie ?
Večernji list se demande si Nétanyahou sera capable de mettre un terme à la position neutre du pays envers la Russie :
«De nombreux Israéliens sympathisants de l'Ukraine ont voté pour Nétanyahou car lors de la campagne électorale, il n'a eu de cesse de répéter qu'il était aux côtés du pays et de son peuple et qu'Israël pourrait même envisager de fournir des armes. ... Il ne tient désormais qu'à lui de tenir cette promesse. Il dévierait ainsi de sa position de longue date, voulant qu'Israël reste neutre vis-à-vis de la Russie, qui lui permet de continuer à attaquer des cibles iraniennes en Syrie, dont l'espace aérien est contrôlé par la Russie. Une livraison d'armes à l'Ukraine pourrait être catastrophique pour Israël si la Russie décidait en conséquence d'empêcher ses bombardiers d'intervenir dans le ciel syrien.»
Une confrontation avec Moscou est peu probable
Israël aura du mal à mettre fin à sa coopération avec la Russie en Syrie, qui s'est révélée fructueuse jusque-là, constate liga.net, citant le politologue Iliya Koussa :
«Pour l'heure, la réduction du contingent russe ne fait que renforcer la position de l'Iran. C'est pourquoi Israël a besoin de soutien pour tenir Téhéran en échec en Syrie. 'Il n'y a pas d'autres acteurs dans le pays que la Russie, la Turquie et les Etats-Unis. Pour Israël, cette coopération avec la Russie était parfaite en tous points', explique l'expert, rajoutant qu''il y a une compréhension mutuelle, des canaux de communication, des échanges politiques réguliers'. ... Israël n'a établi une coopération de cette nature avec aucun autre pays.»
Une société à la croisée des chemins
L'enjeu de ce vote est considérable, fait valoir Peter Münch, correspondant de Süddeutsche Zeitung en Israël :
«Chef de file de Yesh Atid (centre), Lapid est en quête de compromis dans une société de plus en plus polarisée. ... Il incarne le modèle opposé à la politique populiste de Nétanyahou, qui a déjà gouverné 15 longues années en tout et qui lorgne de nouveau sur le poste de Premier ministre. ... Les Israéliens devront choisir entre deux options : un gouvernement de la droite religieuse, qui table uniquement sur la force et menace ainsi la cohésion sociale ; ou bien une alliance instable car hétérogène, qui représente néanmoins le pluralisme et le compromis démocratique. Le sort d'Israël se jouera ce mardi à quelques milliers de voix et à un siège parlementaire ici ou là.»
Pas de stabilité en vue
Nétanyahou ne pourra s'appuyer sur une majorité solide, assure La Stampa :
«Le bloc de droite de l'ex-Premier ministre est donné en tête dans tous les sondages. Mais pas suffisamment pour garantir au leader du Likoud la majorité nécessaire pour gouverner le pays. ... La participation électorale des Arabes israéliens et des Juifs religieux sera déterminante, notamment dans un scénario de forte fragmentation, dans lequel tout report de voix entre coalitions, mais aussi au sein même de chaque alliance, est susceptible de menacer l'objectif des 61 sièges (sur 120) nécessaires pour contrôler la Knesset.»