Conflit israélo-palestinien : vers un regain de violences ?
Israël a annoncé la fin de la grande intervention militaire de deux jours menés en Cisjordanie. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a toutefois indiqué que l'opération pourrait être renouvelée. Après plusieurs frappes aériennes, Tsahal avait déployé des troupes terrestres à Jénine, considérée comme un bastion de combattants islamistes. Selon l'Autorité palestinienne, au moins 13 personnes ont été tuées. Les chroniqueurs sont inquiets.
Israël se fait encore plus d'ennemis
The Independent pointe que
«personne ne peut sérieusement croire que ces méthodes puissent promouvoir la cause de la paix, consolider la sécurité d'Israël ou mettre fin aux attaques terroristes incessantes visant des civils israéliens innocents. Au lieu d'aider l'Autorité palestinienne à reprendre le contrôle de poudrières comme Jénine ou Naplouse, Israël ne fait qu'encourager les jeunes à rejoindre les rangs de la 'Brigade de Jénine' [groupe armé local]. Bientôt, Israël n'aura plus de gouvernement palestinien avec qui négocier, et il en sera le premier responsable. »
La nécessité d'une solution politique
Au lieu de chercher une issue, l'Etat hébreu ne fait que jeter de l'huile sur le feu, déplore également Peter Münch, correspondant de Süddeutsche Zeitung en Israël :
«Les succès à court terme se payent au prix fort à long terme : chaque mort et chaque destruction attisent la haine et le désespoir côté palestinien. ... Quand Israël proclamera sa victoire à Jénine, il n'y aura pas de retour au calme. Au contraire, il y aura de nouvelles incursions militaires - plus vastes, plus dures, avec un plus grand potentiel d'escalade encore sur d'autres fronts, de Gaza au Liban. Les moyens militaires ne font qu'amplifier la spirale de la violence. Or seule une solution politique pourra y mettre fin.»
Une réponse aux attaques palestiniennes
L'intervention militaire à Jénine est la conséquence des récentes attaques perpétrées par des assaillants palestiniens contre des Israéliens, assure Jutarnji list :
«Il y a eu ces derniers mois une hausse exponentielle du nombre d'incidents dans les rues de Cisjordanie, allant des jets de pierres et de cocktails Molotov aux attaques armées. Depuis le début de l'année, les Palestiniens ont tué 28 Israéliens et le plus grave incident a eu lieu fin juin, à une station-service à l'entrée de la colonie d'Eli, où quatre civils israéliens ont été assassinés. ... Hier, un conducteur automobile a renversé des passants à proximité d'un centre commercial de Tel-Aviv, avant de sortir de son véhicule pour les poignarder, faisant sept blessés.»
Trouver de nouveaux leaders
Israéliens et Palestiniens sont prisonniers des vieux schémas, estime le quotidien Kurier :
«Il faut sortir enfin du cercle vicieux et mettre un terme au bain de sang. Il faudra pour cela des mesures courageuses, mais aussi de nouveaux leaders politiques audacieux, qui ne seront pas figés dans les anciens schémas. Les dirigeants actuels donnent à voir un tableau désastreux : d'un côté, un chef de gouvernement âgé de 73 ans et inamovible, qui est entré pour la première fois la Knesset en 1988 ; de l'autre, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, 87 ans, qui refuse obstinément la tenue d'élections anticipées. Les deux leaders n'incarnent ni le renouvellement ni l'espoir. Au contraire, ils plombent les perspectives de leurs enfants et de leurs petits-enfants.»
Mahmoud Abbas crée une vacance du pouvoir
Israël craint que le Hamas n'étende son influence, analyse Corriere della Sera :
«Les Israéliens redoutent que le Hamas gagne du terrain en raison de la vacance du pouvoir causée par l'inefficacité du président [de l'Autorité palestinienne] Mahmoud Abbas, comme cela s'est produit à Gaza. ... Contrairement aux années 2000, le Fatah fondé par Yasser Arafat n'est plus en position dominante, y compris dans des régions comme Jénine, et on assiste à la formation de groupes qui n'appartiennent pas aux factions traditionnelles. Les négociations en vue d'un accord de paix sont gelées depuis 2014 et certains partis israéliens participant à la coalition misent sur l'annexion de facto des territoires, et ne condamnent pas la recrudescence de violences exercées par les colons sous forme de représailles - qualifiées de 'pogroms' par les autorités israéliennes elles-mêmes - contre les villages d'où viennent les assaillants palestiniens.»
Des risques bien réels
Pour Frankfurter Allgemeine Zeitung, l'offensive n'est pas sans danger :
«Plus d'un soldat israélien a perdu la vie dans le dédale de ruelles de l'ancien camp de réfugiés transformé en véritable ville. C'est ici que les organisations terroristes palestiniennes placent leurs bases arrière. Les forces de sécurité israéliennes peuvent porter des coups à ces cellules, mais on sait pertinemment que ces structures peuvent se reconstituer à toute vitesse si les problèmes de fond perdurent. ... Jusqu'à présent, les gouvernements israéliens ont pu compter sur le fait que la population faisait bloc pour soutenir l'armée lorsque la situation devenait inextricable. Mais s'ils ont le sentiment que la jeunesse est sacrifiée pour suivre la logique violente d'un gouvernement extrémiste, les choses pourraient se corser pour Nétanyahou.»
Une passivité répréhensible
En restant les bras croisés, l'UE se rend complice des ennemis de la paix, critique le quotidien Der Standard :
«L'Europe se facilite la tâche : elle se contente de faire couler l'argent à flots, par solidarité avec Israël d'une part, et sous forme d'aide humanitaire à destination des Palestiniens d'autre part. Si Israël viole le droit international et démolit une école construite avec des fonds européens en Cisjordanie, celle-ci sera reconstruite avec des fonds européens. Dans le même temps, on assiste à l'annexion de facto d'une partie de la Cisjordanie par le gouvernement israélien religieux et d'extrême droite. ... Une évolution qui n'est pas sans déplaire aux ennemis de la paix des deux camps. Cette inaction revient à laisser tomber celles et ceux qui s'engagent pour favoriser le dialogue.»