Iran : commémorations de la mort de Mahsa Amini
Le 16 septembre 2022, la mort de la jeune Kurde iranienne Mahsa Amini en détention déclenchait une grande vague de protestations dans le pays. Un an après, le régime privilégie toujours la répression : nombreuses arrestations pour "troubles à l'ordre public", état d'urgence instauré dans les régions à dominante kurde. Les éditorialistes s'interrogent sur les perspectives de changement.
La société civile attend son heure
L'année écoulée a laissé des traces en Iran, souligne Deník N :
«Même si, du point de vue occidental, l'Iran a peu évolué, et que le pays a même resserré ses relations avec d'autres Etats autoritaires dans le monde, on perçoit toutefois des transformations progressives dans la société du pays et certaines tendances qui leur sont liées. Il est possible que les protestations et les commémorations qui auront lieu ces jours-ci et dans les semaines à venir n'ébranleront aucunement le régime. Dans le même temps, il est néanmoins probable que de tels événements, ainsi que l'expérience ainsi acquise, contribuent à renforcer la société civile iranienne, qui attendra patiemment son heure.»
Une fracture entre le régime et le peuple
Dans son éditorial, Le Monde souligne lui aussi que la société iranienne a beaucoup changé :
«La violence que le régime iranien a déchaînée pour éteindre la contestation, au prix de centaines de morts, a fait son œuvre, mais au prix également de l'aggravation dramatique de la fracture entre ce régime et son peuple. ... Le régime militaro-religieux iranien a rompu avec un peuple qui n'a plus guère à voir avec celui de ses débuts. Ce dernier est désormais bien plus nombreux, bien plus urbain et bien plus éduqué, à commencer par les femmes. Ce peuple se forge à l'épreuve des vagues de contestation et de répression qu'il subit, et il a l'avenir pour lui.»
La population en a assez
La désobéissance civile finira par avoir raison du régime, croit savoir Die Presse :
«L'appareil sécuritaire continue d'appuyer le système dominant d'une main de fer. Mais Téhéran ne peut se faire aucune illusion quant à ses perspectives d'avenir : depuis des années, les manifestations sont de plus en plus fréquentes, et les experts font le constat d'un 'processus révolutionnaire' dans l'Iran contemporain. Le pays est en plein bouleversement, et celui-ci ne peut déboucher que sur la chute du régime. Difficile, bien entendu, de dire si cela se produira demain ou dans sept ans. Ce que l'on peut dire avec certitude en revanche, c'est que la population en a assez.»
Slogans et pancartes ne suffiront pas
Le mouvement contestataire pourrait être voué à l'échec, explique le chroniqueur Jawad Iqbal dans The Spectator :
«Personne ne sait ce que les manifestants revendiquent concrètement pour l'Iran. Quels sont leurs objectifs politiques communs, pour autant qu'ils en aient ? Les grandes manifestations initiales avaient mobilisé un nombre considérable de jeunes, des femmes notamment, mais aucune opposition ne peut espérer l'emporter sans un soutien plus vaste au sein de la population. Slogans et pancartes ne suffiront jamais à eux seuls. Pour apporter le changement, un mouvement politique doit se fixer des objectifs clairs s'il veut éviter de péricliter.»
Les mollahs ne sont pas l'Iran
Politiken espère que le peuple triomphera de ses oppresseurs :
«'Répandons des fleurs sur le sol et remplissons de vin la coupe', écrivait le poète persan Hafez au XIVe siècle. Sa poésie reste appréciée aujourd'hui encore. ... Hafez était un poète islamique, mais issu d'une autre époque, bien plus tolérante. Une époque dans laquelle, même en Iran, on buvait ouvertement du vin et l'on écrivait des poèmes d'amour sulfureux. Hafez est le symbole de tout ce que l'Iran était et aurait pu redevenir. ... Les mollahs ne sont pas représentatifs de l'Iran. ... Ce combat est celui des Iraniens, mais la communauté internationale peut et doit faire de son mieux pour apporter son aide. ... Il faut espérer, à long terme, que le régime cédera à la pression populaire.»