Attentat terroriste au Kosovo : quelles suites ?
Après l'incident le plus grave depuis des années entre le Kosovo et la Serbie, la presse européenne débat de l'avenir de la région. Sous la médiation de l'UE, les deux parties tentent de parvenir à une normalisation de leurs relations tendues - sans résultat jusqu'à présent. Pristina refuse l'extension des droits à l'autogestion pour les communes du Kosovo majoritairement peuplées de Serbes de souche. Les éditorialistes se penchent également sur la situation en Serbie.
Un hommage rendu à des tueurs
Pešćanik revient sur le choix problématique de la Serbie de décréter mercredi une journée de deuil officielle pour les Serbes du Kosovo tués :
«Les morts de nationalité serbe (pour reprendre les mots du gouvernement) sont au mieux des assassins, au pire des terroristes. L'opinion serbe électrisée n'a aucun complexe à consacrer un hommage national à de tels individus. Au contraire, au cours des trois derniers jours, nous avons entendu des appels du gouvernement à se joindre à la journée de deuil suite aux événements survenus au Kosovo.»
Vučić rappelé à l'ordre ?
Le vrai perdant après cet incident, c'est le président serbe, constate Jutarnji list :
«L'escalade est survenue dix jours seulement après le dernier round infructueux du dialogue serbe-kosovar à Bruxelles, qui était une sorte de victoire d'Aleksandar Vučić face à Albin Kurti. Les Etats-Unis et l'UE, insatisfaits du manque de coopération de Kurti, ont même brandi la menace de l'isolationnisme et de sanctions. Le vent a désormais tourné, et Vučić a perdu cette minuscule avance prise depuis longtemps. Reste à savoir si quelqu'un - et tous les regards se portent vers l'Est - a tendu un piège à Vučić lorsque celui-ci avait le vent en poupe et qu'une réelle opportunité d'accord avec les Etats-Unis et l'UE se profilait à l'horizon.»
L'UE fait fausse route
Le projet du représentant de l'UE pour les affaires étrangères Josep Borrell est voué à l'échec, critique Kleine Zeitung :
«[M]ais quelle stratégie adopter ... avec des chefs de gouvernement erratiques comme Aleksandar Vučić, qui n'arrivent toujours pas à décider s'ils préfèrent jeter leur pays dans les filets de la Russie ou de la Chine, ou le voir sous la houlette de l'UE ? Comment gérer les exigences du 'tout ou rien' de Kurti, qui considère la reconnaissance totale du Kosovo comme une condition indispensable à la poursuite des négociations ? La double stratégie de Borrell, qui consiste à commencer à construire une association de communes serbes dans le nord du Kosovo tout en travaillant à la reconnaissance du Kosovo par la Serbie, ne peut pas fonctionner.»
Bruxelles doit parler clairement
L'Europe doit parler plus clairement dans le conflit entre la Serbie et le Kosovo, revendique Dnevnik :
«La Serbie et le Kosovo savent très bien ce qui les oppose. Le Kosovo sera soit un Etat souverain avec tous les droits, soit un territoire réoccupé. La politique des deux pays est basée sur un nationalisme qui était déjà incontrôlable dans les années 1990. Les responsables politiques de l'Union européenne peuvent au moins déjà commencer à s'exprimer dans un langage clair. Certes, en cas de malentendu, il est plus sage de rester dans le vague. Mais en cas de conflit, cette incertitude conduit à des politiques peu avisées.»
Un incendie qui plaît à la Russie
L'Europe doit continuer à miser sur une perspective européenne pour la Serbie et le Kosovo, écrit l'éditorialiste Pierre Haski pour France Inter :
«La Russie a apporté son soutien à la Serbie dans cette crise naissante, trop contente de mettre de l’huile sur un feu qui implique les pays de l’OTAN. Car vingt-cinq ans après son indépendance, le Kosovo est toujours placé sous la protection de l’OTAN qui a une présence militaire sur place. … L’Union européenne tente avec beaucoup de mal de mener une médiation entre Belgrade et Pristina, en utilisant la carotte d’une adhésion à l’UE d’ici à 2030. Mais cette perspective semble encore trop aléatoire pour calmer les pulsions nationalistes des deux côtés.Il n’y a pourtant guère que l’idée européenne qui puisse pacifier, comme elle a su le faire ailleurs, un conflit inextricable.»
La Serbie en plein délire
Jutarnji list déplore l'attitude du pays voisin :
«La Serbie décrète une journée de deuil pour la mort de quatre terroristes, Novak Djoković s'exclame qu'il 'ne comprend pas comment 19 puissants Etats ont pu attaquer à l'époque la petite Serbie' et Aleksandar Vučić s'exprime à l'ONU comme s'il était l'émissaire de Loukachenko et de Poutine. ... Bien que la Serbie ait perdu des guerres au cours desquelles son peuple a commis des atrocités pour lesquelles elle a été sanctionnée et que sa propre politique ait provoqué l'exode des Serbes des pays voisins, elle reste convaincue qu'elle est un peuple élu. Qui tôt ou tard corrigera toutes les injustices dont elle a soi-disant fait l'objet. Tant que l'Occident restera les bras croisés, les Balkans seront une poudrière.»
Belgrade pourrait doubler la mise
Ukraïnska Pravda redoute que la situation dans la région s'envenime :
«Les autorités serbes ont toujours tenté de présenter tout conflit au Nord-Kosovo comme la réaction spontanée des Serbes locaux à la répression exercée par l'administration du Kosovo. Il sera cependant très difficile de faire passer les affrontements de dimanche sous un jour favorable pour Belgrade. ... Si le Kosovo peut prouver que Belgrade a été impliquée dans l'organisation des incidents, la position de la Serbie risque de s'en trouver ébranlée. Ceci ne mènera toutefois pas nécessairement à une stabilisation dans la région. La Serbie pourrait en effet décider de doubler la mise pour faire craindre à l'Occident une reprise de la guerre, afin que celui-ci exerce une pression sur le Kosovo.»