Crise budgétaire en Allemagne : le chancelier s'explique
Suite au gouffre qui s'est creusé dans le budget allemand en raison d'une décision de la Cour constitutionnelle, une déclaration du chancelier Olaf Scholz était très attendue, dans le pays comme à l'étranger. Ses explications n'ont toutefois pas répondu aux attentes, comme le montrent les commentaires de la presse.
Zéro pointé
Zeit online reste sur sa faim :
«Après qu'un jugement de la Cour constitutionnelle a mis au jour la tricherie du gouvernement, lui coupant l'herbe sous le pied du jour au lendemain, beaucoup auraient attendu, premièrement, des excuses de la part de celui qui, en sa qualité de chancelier et d'ex-ministre des Finances, a mis le pays dans ce pétrin. Deuxièmement, on aurait aimé savoir dans quelle mesure le budget 2024 est impacté. Troisièmement, quelques paroles édifiantes pour rassurer la nation n'auraient pas fait de mal. Au bout d'une allocution gouvernementale de 22 minutes - trois minutes de moins que le temps qui lui était imparti - le constat suivant s'impose : ce mardi matin, le chancelier n'a satisfait à aucun de ces trois points.»
L'incertitude est pire que la vérité
Der Standard dénonce surtout ce qu'il considère comme un manque de transparence :
«On a compris qu'il allait y avoir du changement côté dépenses, puisqu'on nous dit que l'on ne va pas demander un effort supplémentaire aux contribuables. Mais Scholz ne pipe mot, il ne parle que de 'défis' et de 'rigueur' en perspective. Les citoyennes et les citoyens, mais aussi les cheffes et les chefs d'entreprise auraient sûrement apprécié avoir plus de détails. ... Les Allemands veulent savoir à quel niveau le gouvernement va faire des coupes. Il doit tout de même avoir quelques idées en tête. Alors qu'il lâche le morceau ! Souvent, ne pas savoir est pire que de savoir - même si la vérité est dure à encaisser.»
L'Europe a besoin de l'Allemagne
La déstabilisation de l'Allemagne pourrait nuire à l'UE, met en garde Le Monde :
«La crise en cours à Berlin devrait alerter l'Europe, précisément parce qu'aucun compromis politique sur la question n'est en vue. Et que l'épisode pose la question, cruciale pour les partenaires de Berlin, du rôle que l'Allemagne est prête à jouer dans une Europe attaquée comme jamais dans ses fondements et sa sécurité depuis la Seconde Guerre mondiale, en plus d'être gravement menacée de décrochage économique. … Politiquement, elle ne semble pas prête à assumer le rôle qu'on attend d'elle : celui d'être, en dernier recours, un garant solide pour l'Europe. ... La réponse aux défis actuels ne peut se faire en recourant à des subterfuges budgétaires. Elle demande un débat politique.»
Une coalition soudée par son impopularité
La popularité en berne de la coalition est un gage de stabilité gouvernementale, juge Aargauer Zeitung :
«La prochaine scène de ménage attend la coalition au tournant : pour faire des économies, le ministre des Finances Christian Lindner veut supprimer le bouclier tarifaire sur le gaz adopté suite à l'invasion de l'Ukraine par les Russes. Scholz y est lui aussi favorable, mais beaucoup de politiques SPD y sont opposés. Des élections anticipées telles que réclamées par Markus Söder, ministre-président de Bavière et chef de file de la CSU, ne devraient cependant pas avoir lieu de sitôt. Dans les sondages, SPD et FDP ne volent pas haut, et la cote des Verts commence elle aussi à s'éroder lentement. Ce ménage à trois mal assorti perdurera donc, porté par la force de l'adversité.»
Un rendez-vous difficile avec la réalité
Scholz devra effectuer non pas un "changement d'époque", mais trois d'un coup, juge Handelsblatt :
«Le tournant sécuritaire après la guerre en Ukraine, la transition écologique de l'économie et, désormais, le virage budgétaire après le verdict de la Cour constitutionnelle. Ils nécessitent tous trois une rupture avec une pratique étatique forgée au fil de plusieurs décennies. La transition énergétique est un peu particulière, car elle concerne plus ou moins toutes les sociétés. Le virage politico-financier sera pour sa part encore plus dur à amorcer que celui de la défense. Désaccoutumer la société après plus de dix ans de croissance et quatre années de politique financière marquées par les crises, cela constituera un rendez-vous difficile avec la réalité.»