Sommet de Visegrád à Prague : un risque de scission ?
Ces dernières années, les postures prorusses de Viktor Orbán ont suscité le mécontentement de la Pologne, de la Slovaquie et de la République tchèque au sein du groupe de Visegrád (V4). Orbán dispose désormais d'un appui important en la personne du nouveau Premier ministre slovaque Robert Fico. La Pologne et la Tchéquie, de leur côté, se sont rapprochées depuis la victoire électorale de Donald Tusk. Ce forum créé en 1991 risque-t-il d'imploser ?
Une cohésion toute théorique
Pour Sme, le groupe Visegrád est un échec :
«La mise en scène du communiqué de presse des quatre chefs de gouvernement à Prague n'avait pas été aussi peu cordiale depuis des années. Une froideur qui a clairement trahi qu'il n'existait plus le moindre consensus dans ce groupe régional, traversé par de profondes divergences d'opinion sur une question actuellement essentielle. Un groupe artificiel, sans dynamique et qui reste ensemble par habitude, mais sans vision durable. Il est impossible de faire l'impasse sur le sujet de l'Ukraine. Des valeurs fondamentalement divergentes divisent le V4 en deux 'V2'. Aujourd'hui, Tusk et Fiala auraient du mal à trouver au sein de l'UE, même s'ils le voulaient, des 'partenaires' plus antagonistes, en termes de valeurs, qu'Orbán et Fico.»
A Orbán et Fico de quitter le navire
En dépit de divergences majeures, la Pologne et la Tchéquie maintiendront ce forum dans un premier temps, souligne Respekt :
«Bien entendu, ses dirigeants pourraient claquer la porte pour marquer leur différence avec Orbán et Fico. Mais il existe un adage : quand on quitte la salle de réunion, il faut y revenir à un moment donné. Voilà pourquoi il vaut mieux dialoguer fermement, ouvertement et sans la réserve diplomatique habituelle avec les deux sbires de Poutine, comme l'ont fait Tusk et Fiala lors de la réunion à huis-clos de Prague. Il est préférable que ce soient Orbán et Fico qui s'en aillent, s'ils ne peuvent supporter de telles négociations directes.»
Le groupe de Visegrád peut encore servir
Polityka pense que le forum a un avenir :
«La coopération du V4 se poursuivra, mais elle s'inscrira davantage dans le cadre de l'UE et dans l'esprit de la première déclaration de 1991, dont les principes libéraux et pro-occidentaux ne sont pas partagés aujourd'hui par Orbán, Fico, ou les représentants de l'ex-gouvernement PiS. La Pologne devrait utiliser habilement ce forum, en percevant son potentiel au sein des structures de l'UE et en le mettant au profit de l'élargissement. Il ne faut pas oublier, du reste, que la politique a horreur du vide. Si nous abandonnons cet espace, il sera aussitôt comblé par la concurrence, qui n'est pas forcément préférable. Il vaut donc la peine de faire évoluer ce groupe, car il renforce nos fondamentaux.»
Orbán n'a pas sa place au sein du CRE
Le sommet n'a pas amélioré la situation de la Hongrie dans l'UE, écrit Népszava :
«Bien que Viktor Orbán ait déclaré vouloir rejoindre le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) dans le prochain Parlement européen, les évènements de ces derniers jours pourraient avoir définitivement exclu cette option pour le parti au pouvoir en Hongrie. ... Pas même un groupe d'extrême droite ne serait prêt à accueillir en son sein un parti dont le chef refuse de qualifier Poutine de criminel de guerre, comme il l'a fait au sommet de Visegrád. ... Quant aux députés du parti ODS du Premier ministre tchèque Petr Fiala, suite à la morosité ambiante au sommet du V4 et aux déclarations d'Orbán à Prague, il est pour lui hors de question de faire partie de la même famille politique que la formation hongroise.»