Guerre en Ukraine : quelle stratégie l'emportera ?
Après les frappes massives de missiles et de drones russes dans toute l'Ukraine, le Conseil OTAN-Ukraine s'est réuni, mercredi. Les Etats de l'OTAN se sont engagé à soutenir Kyiv davantage, sans pour autant s'entendre sur la levée des restrictions relatives à l'emploi d'armes occidentales pour frapper le territoire russe. La Russie mène ces attaques en réponse à l'offensive ukrainienne dans la région de Koursk, et poursuit son avancée dans la région de Donetsk.
Frapper la Russie ne doit plus être tabou
Le quotidien Welt appelle à lever les restrictions :
«Il faut que les partenaires de Kyiv autorisent enfin l'armée ukrainienne à frapper, à l'aide d'armes occidentales longue portée, des cibles - exclusivement militaires - en territoire russe : aéroports sur lesquels sont stationnés les avions de combat, dépôts où sont stockés les missiles. Jusque-là, l'Ukraine se contente de frapper des objectifs situés en Russie avec des drones de sa propre production. Des restrictions s'appliquent toujours aux missiles de croisière type SCALP-EG fournies par le Royaume-Uni, ou aux missiles balistiques américains MGM-140 ATACMS. ... Cela fait longtemps déjà que le gouvernement ukrainien demande la levée de ces restrictions. Le contexte n'avait jamais été aussi favorable à cette décision.»
Un dangereux parti pris
Proto Thema redoute une nouvelle escalade militaire :
«Zelensky a déclaré ces derniers jours que l'incursion ukrainienne à Koursk prouvait que les 'lignes rouges' de Poutine n'étaient que du 'bluff", et que les partenaires occidentaux devaient donc aider l'Ukraine par tous les moyens et lever les restrictions imposées quant à l'utilisation des armes fournies. Il s'agit d'une évaluation dangereuse, qui pourrait entraîner l'Occident dans un conflit direct avec la Russie, avec des conséquences d'une portée imprévisible. Car l'affirmation de Zelensky part du postulat qu'il n'y a pas encore eu de réponse concrète et déterminée de Moscou – ce qui ne veut pas dire que la Russie et Poutine ne réagiront pas.»
Faire plier la population civile
La Russie chercher à briser le moral des Ukrainiens, estime le chroniqueur Pierre Haski dans la matinale de France Inter :
«L'Ukraine a assurément amélioré sa situation par rapport au début de l'année, lorsque son armée manquait tout simplement d'obus. Mais la course de vitesse entre Russes et Ukrainiens sur les différents terrains d'affrontement n'est pas gagnée, surtout si l'hypothèse d'un règlement négocié s'impose. Le moral des civils pilonnés hier par les missiles et drones russes fait assurément partie de l'équation ; Vladimir Poutine leur impose d'infinies épreuves pour les faire plier.»
Des représailles ratées
Moscou ne peut considérer ces frappes comme un succès, fait valoir La Stampa :
«Après l'incursion des troupes ukrainiennes en territoire russe, on s'attendait à des représailles du Kremlin, que les politiques et les propagandistes russes avaient appelé de leurs vœux. Pour satisfaire l'opinion publique du pays, mais aussi pour mesurer l'ampleur, politique et militaire, de la réaction. Or le résultat ne semble pas avoir enthousiasmé, à en juger du moins par le silence prudent observé par les responsables de la communication du Kremlin. Sur les 127 missiles et 109 drones lancés, la majorité d'entre eux - 102 et 99 respectivement - ont été abattus par la défense antiaérienne ukrainienne.»
Un pari risqué
Kyiv pourrait s'être fourvoyée, juge L'Humanité :
«Si le plan ukrainien semble avoir plutôt bien fonctionné, l'objectif tactique est loin d'être atteint. Or, c'est celui qui a le plus de conséquences concrètes. Non seulement Moscou n'a pas redéployé ses forces, mais son offensive dans l'Est s'intensifie et Pokrovsk menace désormais de tomber. Tout se passe comme si, après Zelensky, Poutine faisait à son tour un pari : faire sauter le verrou du Donbass pour forcer l'armée ukrainienne à se reconcentrer et donc lâcher son offensive sur Koursk. ... En bombardant les complexes énergétiques dans plusieurs régions, Moscou signifie clairement que la guerre ne s'arrêtera pas avant l'hiver ... .»
Recadrer Poutine
Une Ukraine forte est dans l'intérêt de l'UE, écrit El Mundo :
«La guerre dure depuis déjà deux ans et demi, ce qui montre qu'aucun des deux camps n'est en mesure de remporter une victoire totale. C'est pourquoi aussi bien Kyiv que Moscou - dont les pertes sont trois fois plus élevées que celle de l'Ukraine, jusqu'à 500 000 selon certaines sources - s'efforcent d'obtenir une position privilégiée avant d'hypothétiques négociations. L'incursion de Koursk n'a pas permis pour l'instant d'anéantir le projet de Poutine, qui consiste à dicter les conditions de la paix. ... Or cette incursion est l'occasion unique pour Kiev de renforcer sa position en vue d'obtenir une paix équitable, qui dissuaderait Poutine de lancer une agression impérialiste contre l'UE - une menace réelle, contre laquelle l'UE doit se prémunir.»