La force de l'ONU au Liban attaquée par Israël
Les positions de la FINUL, la force des Nations unies au Sud-Liban, ont été visées à plusieurs reprises par des tirs israéliens ces derniers jours. Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a dénoncé une atteinte au droit international. Le Conseil de sécurité a appelé l'Etat hébreu à cesser de tirer sur les casques bleus. De son côté, Israël a sommé l'ONU de retirer ses forces, au motif que le Hezbollah agirait selon lui à proximité directe des soldats de la paix, dans le but de protéger ses activités terroristes.
La FINUL sert de bouclier au Hezbollah
Berlingske juge la mission des Nations unies au Liban contreproductive :
«La FINUL est censée garantir que le Sud-Liban soit exempt d'armes et de troupes qui n'appartiennent pas à l'Etat libanais. En d'autres termes, le Hezbollah ne devrait pas être dans la région. ... Or selon plusieurs rapports, le Hezbollah reste très présent au Sud-Liban. Selon Tsahal, l'organisation opère depuis des tunnels parfois situés à moins de 100 mètres de la base de l'ONU. Une mission de l'ONU censée protéger Israël pourrait en réalité avoir l'effet inverse. La milice est parvenue à transformer les casques bleus en une sorte de bouclier humain qui lui permet d'attaquer Israël. ... Dans le même temps, on critique Israël lorsque ses tirs atteignent l'ONU, ce qui l'empêche de riposter efficacement.»
La passivité ne résout pas les conflits
Le quotidien Neue Zürcher Zeitung s'interroge sur le sens de la force de l'ONU au Liban :
«Le succès de cette mission est difficile à évaluer. Cela est essentiellement lié au fait que les soldats de la FINUL sont réduit à un rôle d'observateurs. ... Ces conditions permettent au Hezbollah de préserver le statu quo, mais aussi de s'armer. La milice a pu remplir son arsenal ces dernières années et recruter de nouveaux combattants. Si elle a pu le faire, c'est parce que personne ne l'empêche de le faire : ni l'armée libanaise, et encore moins les casques bleus. ... Il est évident que ce n'est pas comme cela que l'on désarmera le Hezbollah. ... Croire que l'on résoudra les conflits en se contentant d'y assister passivement, cela ressemble à un vœu pieux.»
L'ordre mondial est un édifice fragile
C'est l'ensemble de l'ordre international qui est pris pour cible, déplore le magazine Der Spiegel :
«Ces attaques synthétisent la posture globale d'Israël ces derniers mois vis-à-vis des institutions censées conférer une certaine assertivité aux règles de cet ordre mondial. Dans le grondement des guerres qu'Israël mène par le biais de frappes aériennes au Liban, en Syrie, au Yémen, en Cisjordanie et à Gaza, on oublie facilement que Nétanyahou, dans son dernier discours devant l'assemblée générale de l'ONU à New York, a ajouté les institutions internationales sur la liste des 'sept fronts' sur lesquels l'Etat hébreu combat, selon lui. ... L'ordre mondial est un édifice fragile. ... Il est tributaire de la propension des nations à accepter ses règles. S'il ne peut s'appliquer à l'ensemble des protagonistes de manière uniforme, l'ordre mondial risque de ne bientôt plus valoir pour personne.»
Une mission qui a échoué
La Stampa remet en cause l'efficacité de la force de l'ONU au Liban :
«A quoi sert la FINUL ? Il ne revient pas à Israël d'en juger. Et encore moins de donner des instructions, d'ordonner son retrait, de tirer sur les casques bleus qui accomplissent leur devoir. Mais la question est légitime. La présence des troupes de maintien de la paix de l'ONU au Liban-Sud n'a pas empêché le Hezbollah de s'y enraciner, et, depuis plusieurs années, de transformer la région en base pour lancer des raids contre Israël, ni d'arrêter les troupes israéliennes qui franchissent la frontière pour mettre fin à ces actions. ... Cela n'autorise pas Nétanyahou à lancer des ultimatums unilatéraux, mais cela nous oblige à reconnaître un état de fait : l'UNIFIL n'a jamais été en mesure d'atteindre les objectifs qui lui avaient été assignés en 2006.»
Les casques bleus doivent rester en poste
La mission de la l'ONU est un frein à la guerre outrancière menée par Nétanyahou, juge La Croix :
«Malgré les risques courus, il est important que les 'soldats de la paix' restent là où ils sont. Ils représentent en effet un obstacle à la guerre à outrance que Benyamin Nétanyahou pourrait vouloir mener. Outre sa campagne de frappes aériennes, l'armée israélienne s'en tient pour l'instant à des incursions dans les zones contrôlées par le Hezbollah, où elle se heurte à une forte résistance. Mais elle pourrait chercher à anéantir durablement les arsenaux et les infrastructures de son ennemi, comme elle l'a fait contre le Hamas dans la bande de Gaza. Cela conduirait à une escalade redoutable. Or cette logique doit être brisée.»
Une infraction au droit et au bon sens
Par cette action, Israël se cause du tort à lui même, écrit Die Presse :
«L'armée israélienne ne peut pas tirer tout bonnement sur les membres d'une troupe déployée dans la zone sur la base d'une résolution de l'ONU. ... Mettre en joue des casques bleus constitue un manquement au droit international - mais aussi au bon sens le plus élémentaire. Cette troupe de l'ONU compte notamment des soldats ressortissant de 16 Etats membres de l'UE, dont 160 appartiennent à l'armée autrichienne. Si ce genre d'escarmouches devait faire des morts, l'opinion pourrait basculer dans plusieurs pays. Par ce genre d'action, Israël galvaude le soutien de ses derniers alliés. Le pays aura pourtant besoin d'amis, au plus tard après l'attaque qu'il a annoncée en représailles contre l'Iran.»
Mission non accomplie pour l'ONU
Ces Etats auxquels la mission de paix de l'ONU assure un soutien inconditionnel sont en droit de s'interroger, estime Frankfurter Allgemeine Zeitung :
«En quoi cette mission - qui mobilise tout de même 10 000 soldats - a-t-elle contribué à pacifier la frontière nord d’Israël ? Certes, personne ne peut savoir si les choses n'auraient pas été pires sans la Finul. Mais une chose est sûre : si la mission de l'ONU, en place depuis 1978, avait été couronnée de succès, le Hezbollah n'aurait pas été en mesure de tirer autant de missiles sur Israël depuis le sud du Liban. C'est pourquoi l'armée israélienne a elle-même pris les choses en main. Elle essaie d'assurer la sécurité que la communauté mondiale n'a pas pu apporter à Israël.»
Un bastion isolé des valeurs occidentales
L'Ouest peut difficilement se mettre à la place d'Israël, réfléchit Corriere della Sera :
«La solitude d'Israël est pour ainsi dire inexprimable. L'Ouest a du mal à comprendre ce que cela signifie d'être dans une zone qui était (et demeure, malgré tout) l'avant-poste des valeurs occidentales au milieu d'une région géopolitique dominée par des théocraties et des régimes absolutistes. Dans une perspective israélienne, même les attaques visant le contingent de la paix de l'ONU au Liban, que nous ressentons à juste titre comme une infraction révoltante au droit international et humanitaire, ne sont qu'un infime tesson dans une vaste mosaïque. Pour un pays qui a le poids moral de 40 000 morts dans la bande de Gaza qui pèse sur sa conscience, les échauffourées avec les casques bleus sont des dommages collatéraux, et ce même s'ils devaient faire des victimes mortelles.»
Des observateurs bien informés pris d'assaut
La mission de l'ONU a peut-être toujours été une épine dans le pied de l'armée israélienne, gage Declan Power, ancien soldat ayant participé à la mission de paix, dans Irish Independent :
«Les observateurs de la Finul sont la présence sur le terrain d'une force militairement affûtée capable d'établir les faits : qui fait quoi, où et quand. Les informations de ce genre compliquent la tâche des parties belligérantes qui cherchent à échapper à leurs responsabilités d'éviter des victimes civiles dans la mesure du possible. Elles permettent en outre de demander des comptes aux belligérants.»
L'Europe se rend complice
L'ancien vice-président du Parlement européen, José Pacheco Pereira, prend la plume dans Público pour dénoncer l'immobilisme de l'Europe :
«Ils n'ont pas réagi le moins du monde à la violence israélienne ni aux violations systématiques du droit international, et n'ont pas apporté leur soutien ni à l'ONU ni à António Guterres, qu'Israël a pris pour cible dans son combat tous azimuts envers quiconque ose se mettre en travers de son chemin dans l'arène diplomatique. ... Il faut nous rendre compte que ces pitoyables tergiversations de la part de l'Europe (y compris du Portugal), que pas même la realpolitik ne saurait justifier, sauf dans certains pays par peur des élections, constitue une complicité inacceptable. ... C'est une attitude méprisable.»