Entre 2018 et 2019, la Croatie a grimpé de cinq places au classement pour la liberté de la presse de Reporters sans frontières. Depuis, elle stagne au rang 64, loin derrière les autres pays européens. A titre comparatif, son voisin slovène occupe le rang 34. Les journalistes croates sont surtout confrontés aux pressions émanant de la classe politique et aux procès en diffamation.
Croatie : prises à partie, pression de la politique et des tribunaux
Le contrôle de la presse par l’Etat en Croatie remonte aux années 1990, où tout particulièrement pendant la guerre et après la privatisation des médias, la plupart des grands médias papier, mais aussi HRT, étaient soumis à l’influence, à la manipulation et au contrôle des institutions publiques.
Un climat de peur et d’auto-censure
Les menaces et les attaques, dans le monde réel ou dans l’espace virtuel, sont un autre moyen très répandu de faire taire les journalistes critiques. Y sont particulièrement exposés ceux qui enquêtent sur la corruption, les crimes de guerre ou encore le crime organisé.
Les tentatives d’intimidation des journalistes passent parfois par les tribunaux : la loi sur la diffamation, qui punit de peines de prison pouvant aller jusqu’à trois ans quiconque se rendrait coupable de délits d’insulte à la république, à ses symboles, à l’hymne ou au drapeau national, est encore en vigueur. Bien que le chef d’accusation de "calomnie" ait été aboli en 2019, de plus en plus de plaintes pour offense ou diffamation sont déposées à l’encontre de journalistes, souvent doublées de demandes de dommages-intérêts atteignant des sommes ahurissantes. Ces menaces créent un climat de peur et d’autocensure au sein des rédactions. Selon le ministère de la Justice, entre 2015 et 2018, un total de 255 plaintes ont été déposées contre des journalistes pour offense, calomnie et diffamation. Environ la moitié de ces procès est encore en cours.
Début 2020, l’acte consistant à "user de coercition envers une personne effectuant son travail dans l’intérêt public ou au service de la communauté" a été ajouté au catalogue de délits du code pénal. A en croire les dires du ministre de l’Intérieur, cet ajout a aussi vocation à protéger les journalistes. Pour les transgressions de ce genre, la loi prévoit des peines de privation de liberté pouvant aller jusqu’à cinq ans.
Les groupes médiatiques étrangers dominent le marché
Le marché médiatique croate est dominé par de grandes maisons d’édition, majoritairement étrangères, entrées en Croatie au début des années 2000, alors que le pays se stabilisait et se démocratisait. Les quotidiens les plus vendus sont édités par l’ex-groupe Europapress Holding EPH, aujourd’hui Hanza Media (Jutarnji List, Slobodna Dalmacija, Globus), ainsi que la société autrichienne Styria Media Group AG (24 Sata, Večernji List). Le groupe allemand Bertelsmann est propriétaire de trois chaînes de télévision par le biais de sa filiale RTL Hrvatska. Nova TV et Doma TV sont pour leur part détenues par le groupe américain United Group. La concentration médiatique génère une proximité entre les médias et l'appareil étatique - ainsi qu'avec les deux grands partis HDZ et SDP - qui s'avère néfaste à la liberté de la presse.
Le marché numérique est également dominé par les grandes maisons d'édition. Elles tentent notamment d'y compenser - en partie du moins - les pertes liées aux médias papier. Les sites des chaînes TV privées proposent un accès gratuit à l'information, tout en généralisant l'accès payant à leurs offres télévisées sur Internet.
En 2016, le gouvernement n’avait pas reconduit les aides publiques aux médias alternatifs et indépendants, les poussant au bord de la faillite. Malgré ces grandes difficultés de trésorerie, des portails comme Forum.tm et Autograf.hr réussissent à tenir la tête hors de l’eau grâce à des dons et à un fonds de l’UE. Des portails de taille plus conséquente comme Index.hr et Telegram.hr se sont dotés d’un système d’annonces publicitaires et d’un service de marketing qui leur permettent de mener un journalisme d’investigation qui a révélé de nombreux scandales et poussé plusieurs ministres à la démission.
Classement pour la liberté de la presse (Reporters sans frontières) :
rang 64 (2020)
Mise à jour : avril 2020