L'ancien SS Gröning plaide coupable
L'ancien SS Oskar Gröning s'est déclaré "moralement coupable" à l'ouverture de son procès à Lunebourg mardi. Dans un des derniers procès nazis, celui-ci est accusé de complicité de meurtre dans au moins 300.000 cas, au camp d'extermination d'Auschwitz. L'aveu de cet homme âgé de 93 ans est tout aussi important pour le travail de mémoire sur l'époque nazie que les monuments commémoratifs et les musées, estiment certains commentateurs. D'autres pensent qu'il est absurde d'engager ce procès, 70 ans après les faits.
Un aveu a autant de poids que les musées
La description détaillée des crimes nazis par Oskar Gröning apporte une précieuse contribution au travail de mémoire, écrit le quotidien libéral-conservateur Die Presse : "A une période où l'on exige des excuses pour un oui ou pour un non, cette déclaration revêt un caractère exceptionnel. 70 ans après la découverte d'un crime contre l'humanité sans pareil, le témoignage du vieil homme crée le malaise, comme le rapporte le quotidien allemand Welt : lors du tri des victimes sur le quai du camp, une procédure désignée avec cynisme par le terme de 'sélection', un bébé sans mère était resté seul. Un SS s'en était emparé, lui avait brisé le crâne contre un camion avant de jeter le petit corps sans vie sur un tas d'ordures. 'Je me suis plaint, mon cœur s'est figé', témoigne Gröning. La cruauté d'un acte individuel était plus tangible et plus terrible que le massacre qui avait lieu juste à côté dans les chambres à gaz. 70 ans plus tard, cet aveu est sûrement aussi important que les plaques commémoratives et les musées."
L'indulgence de la justice allemande envers les criminels nazis
La justice allemande s'est rendue coupable de complicité morale dans la période d'après-guerre, car elle a trop tardé pour entamer des procédures visant les anciens criminels nazis, comme l'affaire Göring en témoigne, déplore le quotidien de centre-gauche The Irish Times : "Les procureurs ont refusé d'instruire des enquêtes en l'absence de preuves concrètes étayant un crime spécifique commis sous le troisième Reich. Faute de pièces à conviction - souvent impossibles à fournir - ils refusaient de jeter le filet, et encore moins de le tirer jusqu'au rivage pour en inspecter le contenu. Et c'est ainsi que les poissons nazis ont pu continuer de nager en toute quiétude. … La confrontation actuelle entre les nazis devenus âgés et leurs victimes sur les bancs des tribunaux arrive bien tard. Il n'en reste pas moins que deux générations de procureurs allemands ne devront jamais répondre de leur culpabilité morale d'avoir laissé impunis d'innombrables criminels, dans le sillon de l'apathie officielle en vigueur à l'endroit d'Auschwitz."
Trop de temps s'est écoulé
Vouloir faire un procès 70 ans après la fin de l'époque nazie n'a pas de sens, selon le quotidien conservateur Die Welt : "Certains juristes allemands ont manifestement l'intention d'intervenir énergiquement sans faire de quartiers dans des cas où une telle rigueur n'a pas lieu d'être, comme ceux qui remontent à si longtemps que son auteur ou ses auteurs suscitent plus de pitié que d'indignation. Il devrait y avoir un lien temporel entre les faits et leur poursuite, non seulement pour les victimes, mais également pour permettre à l'auteur d'expier ses crimes de façon adéquate. Comment veut-on punir quelqu'un pour s'être rendu coupable de complicité dans la mort de 300.000 personnes alors que son espérance de vie ne suffira vraisemblablement pas à lui faire la lecture complète du jugement ? ... Le seul intérêt du procès consiste à rappeler que la justice n'a que peu contribué à poursuivre des criminels nazis lorsqu'elle en avait les moyens."
La traque exemplaire des criminels nazis
La répression tenace de criminels de guerre nazis devrait servir de modèle à la Pologne pour condamner les anciens communistes, se félicite le quotidien national-conservateur Gazeta Polska Codzienna, dans le contexte du procès de l'ancien SS Gröning : "Les associations juives sont allées jusqu'au bout pour traquer les criminels de guerre et les traduire devant la justice sans se laisser intimider par ceux qui leur reprochaient d'agir de façon inhumaine. ... En Pologne, de tels criminels jouent toujours un rôle important et continuent à avoir leurs adeptes et complices. [L'ancien chef de l'Etat communiste] Jaruzelski est certes décédé entre-temps. Et les médias rapportent que l'état de santé de [l'ex-ministère de l'Intérieur] Kiszczak se dégrade de plus en plus. Mais bon sang, il faut avoir la persévérance dont viennent de faire preuve ces juifs avant qu'il ne soit trop tard ! ... Nous souhaitons à Kiszczak de rester en bonne santé pendant 100 ans encore pour qu'il ait bonne mine sur les photos lorsqu'il sera enfin conduit dans sa cellule, après sa condamnation."