Wolfgang Schäuble veut réformer la Commission
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a présenté des propositions visant à réformer la Commission européenne. Selon les médias, il entendrait transférer certaines compétences comme la supervision budgétaire ou le respect de la concurrence à des instances indépendantes. Etablir une administration économique indépendante ? Tout à fait irréaliste, affirment certains éditorialistes. D'autres affirment que ces propositions pourraient contribuer à maintenir la Grande-Bretagne dans l'UE.
A qui le pouvoir ?
Il y a des tensions entre Berlin et Bruxelles, et plus particulièrement entre les ambitieux Messieurs Schäuble et Juncker, constate le quotidien conservateur Lidové noviny, qui se range du côté du ministre allemand des Finances : "Il a absolument raison sur un point : l'UE a besoin d'une instance indépendante de la Commission pour lutter contre les monopoles. De la même façon que la BCE, cette instance serait chargée de faire respecter la libre concurrence et ne serait pas soumise à des préférences politiques. … Un exemple : l'UE traite de la question de la sécurité énergétique et doit formuler des objectifs politiques. Par exemple réduire la dépendance vis-à-vis de la Russie. Dans le même temps, on enquête pour savoir si Gazprom n'enfreint pas les règles de la concurrence. Or comme tout autre entreprise, Gazprom a le droit d'être traitée équitablement. Et l'UE doit déjà se défendre, car elle est accusée d'utiliser ses compétences à des fins politiques. L'UE et l'Allemagne ont toutes deux un rôle à jouer. Or certaines compétences ne devraient revenir ni à l'UE ni à Berlin."
L'UEM impossible sans agenda politique
Les propositions de réforme de Wolfgang Schäuble ont pour but de transmettre des domaines clés du marché unique européen, comme le respect de la concurrence et la surveillance budgétaire, à des instances indépendantes. Or Schäuble se trompe s'il pense pouvoir séparer agenda politique et administration financière en Europe, commente le quotidien libéral-conservateur Corriere della Sera : "Elément central de l'argumentation de Schäuble : le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a été le candidat du Parti populaire aux élections européennes et n'a donc pas vocation à assurer des missions techniques comme le contrôle du déficit budgétaire ou de la dette publique. … Berlin considère les normes relatives à l'euro comme des conditions techniques à respecter impérativement, même si celles-ci concernent directement le budget des différents Etats membres. … Or il devrait être difficile d'expliquer ceci à Manuel Valls ou Matteo Renzi. Car les deux chefs de gouvernement sont confrontés à des partis anti-système fermement décidés à se défaire de l'euro."
Répartir clairement les compétences
L'UE et la zone euro doivent redéfinir plus clairement le partage des compétences entre les institutions supranationales et les Etats membres, préconise le quotidien libéral-conservateur Tagesspiegel : "L'UE et la zone euro en sont arrivées à un point où elles doivent adapter leurs structures à la nouvelle réalité. Si, de l'institution qu'elle est aujourd'hui, la Commission veut devenir un gouvernement, elle doit céder certaines compétences incompatibles avec un gouvernement, notamment la surveillance juridique. Faire clairement la part des choses entre ce qui est du ressort de l'UE et ce qui reste du ressort national aiderait aussi à maintenir les Britanniques au sein de l'UE. Une Europe qui définisse plus clairement les responsabilités n'aura pas à sortir de l'ornière, parce qu'elle ne s'y enlisera pas."
Mettre fin aux atermoiements de l'Europe
L'UE et les Etats membres doivent trancher : créer des institutions supranationales ou rétrocéder les compétences aux Etats-nations. Il faut enfin se décider, souligne le quotidien conservateur Die Presse : "Si l'on veut avoir au final une Europe puissante sur les plans politique et économique, avec une forte monnaie unique, alors il faut établir un modèle crédible, démocratiquement légitime, doté de solides institutions supranationales, en effectuant un effort pédagogique auprès des citoyens. Car l'Europe ne fonctionnera pas sans le soutien des populations nationales. Si ceci s'avère irréalisable, alors il faudra se demander comment démanteler de la façon la moins douloureuse possible l'édifice monétaire construit jusqu'ici. Avec la conséquence naturelle qu'une Europe revenue aux Etats-nations sombrera dans l'insignifiance internationale, et pas seulement sur le plan économique. En tout cas, la poursuite des atermoiements actuels n'est pas une option."