Le Mondial 2034 de foot officiellement attribué à l'Arabie saoudite

Faute de concurrents, ce fut un vote pour la forme : mercredi, la FIFA a confié l'édition 2030 de la Coupe de monde masculine de football à l'Espagne, au Portugal et au Maroc (avec certains matchs en Amérique du Sud), et l'édition 2034 à l'Arabie saoudite. La presse européenne désapprouve ces décisions, surtout celle concernant l'Etat du Golfe.

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Neue Zürcher Zeitung (CH) /

Une dépendance dont nous devrions rougir

La FIFA est véritablement accaparée par l'Arabie saoudite, analyse Neue Zürcher Zeitung :

«L'attribution de la Coupe du monde a été précédée d'un des accords les plus lucratifs de l'histoire de la FIFA. Depuis le mois d'avril de cette année, le groupe pétrolier saoudien Aramco soutient la FIFA à hauteur de 100 millions de dollars, si l'on en croit les rumeurs. Une somme appelée à augmenter. ... La FIFA se laisse prendre en otage d'une manière qui fait rougir et qui illustre que l'Arabie saoudite a mis le grappin sur le sport mondial, avec plus de 900 grands contrats de sponsorisation. Ces dernières années, selon une étude de l'ONG [de défense des droits humains] Grant Liberty, le pays a investi plus de 50 milliards de dollars dans des tournois, des clubs et des joueurs.»

Helsingin Sanomat (FI) /

Que les joueurs donnent de la voix

Les internationaux pourraient mettre leur notoriété à profit, fait valoir Helsingin Sanomat :

«On ne peut pas confier l'avenir du football aux seuls fonctionnaires, car pour eux, tout ce qui compte est l'argent. Mais les enjeux sont tels que la parole des éditorialistes et des politiques n'a pratiquement aucune influence. Or il y a un groupe que les fonctionnaires du sport ne peuvent balayer d'un revers de main : les joueurs. ... En 2020, le finlandais Riku Riski a refusé de rejoindre le camp d'entraînement de l'équipe nationale pour dénoncer la situation des droits de l'homme au Qatar. La Finlande est un nain dans le monde du football, qui n'avait pas la moindre chance de participer à la Coupe du monde au Qatar. Et pourtant, le boycott de Riski a fait les gros titres.»

Der Spiegel (DE) /

Une aberration sur toute la ligne

Le magazine Der Spiegel fait part de sa consternation :

«Il s'agit d'un pays qui fait peu de cas de la liberté de la presse et des droits des femmes, où 172 personnes ont été exécutées l'an dernier et où l'homosexualité est passible de peines. C'est ce pays qui a été choisi pour organiser le plus grand tournoi de foot au monde. De la folie. ... La Coupe du monde 2030 se jouera entre l'Uruguay, le Paraguay, l'Argentine, le Maroc, l'Espagne et le Portugal. Autrement dit entre six pays situés sur trois différents continents, avec une distance entre les lieux des matchs allant jusqu'à 10 000 kilomètres environ. De la folie. ... Il y aura 104 rencontres en tout, contre 64 au Qatar en 2022. De la folie. Telle est la volonté de la FIFA. La folie érigée en principe.»

Politiken (DK) /

Les fédérations auraient dû s'y opposer

La FIFA n'est pas la seule coupable, s'insurge Politiken :

«La FIFA espère que le Mondial aura un impact positif sur la situation des droits de l'homme en Arabie saoudite. Un espoir qui est dans le meilleur des cas naïf, dans le pire des cas une pirouette pour dissimuler la véritable raison de ce choix : les Saoudiens ont de l'argent et du pouvoir. [L'ex-Première ministre, actuellement fonctionnaire de la Fédération danoise de football DBU] Helle Thorning-Schmidt a eu l'honnêteté de justifier son soutien à l'Arabie saoudite en disant sans ambages que le pays avait une grande importance sur le plan commercial et géopolitique. ... Nous savons tous que quand la FIFA parle de principes, elle se place à un niveau purement théorique. Mais la DBU a tort de se prêter à cette mascarade avec autant de complaisance. ... Il est infiniment triste qu'un sport aussi beau soit contrôlé par des organisations qui font un usage aussi dévoyé de leur pouvoir.»

The Spectator (GB) /

Une nouvelle infamie

Le processus de désignation a été tout sauf démocratique, commente The Spectator :

«En l'absence d'adversaires et de procédure de vote à proprement parler, cette attribution s'est avérée n'être qu'une simple formalité, avec la bénédiction de la FIFA, l'organisateur du tournoi. Les Saoudiens ont été déclarés vainqueur 'par acclamation' - un modus operandi qui conviendra à un pays dirigé par une monarchie absolue, qui ne compte aucun parti politique, et où le respect des droits élémentaires est très succinct. La FIFA, et en particulier son président Gianni Infantino, ont remis le trophée sportif le plus prestigieux sur un plateau aux Saoudiens, qui ont désormais la mainmise totale sur les grands évènements sportifs internationaux.»

Tygodnik Powszechny (PL) /

Une tendance qui ne doit rien au hasard

Tygodnik Powszechny croit savoir pourquoi des Etats autoritaires ont réussi à décrocher l'organisation de Mondiaux de football ces dernières années :

«La structure de la compétition - c'est la FIFA qui se taille la part du lion - a pour conséquence que la plupart des pays démocratiques, dans lesquels l'opinion publique est en mesure d'évaluer les gains et les pertes générés par l'organisation d'un tel évènement, rechignent à s'acoquiner avec les 'parrains' du football. ... Le 'sportwashing', terme qui décrit le blanchiment de la réputation d'entreprises et de pays entiers par le biais d'investissements dans le domaine du sport, est de plus en plus répandu. Le but de cette pratique, c'est que l'on associe l'Arabie saoudite d'abord à Messi, Ronaldo et consorts, plutôt qu'à l'exécution d'opposants au prince héritier saoudien ou aux minorités sexuelles persécutées.»