Le président Klaus Iohannis déçoit les Roumains
Le président roumain a critiqué une procédure engagée par les autorités fiscales à l’encontre d'une chaîne de télévision appartenant au baron des médias Dan Voiculescu, aujourd’hui en prison. Cette procédure impose à la chaîne de quitter ses locaux. Indignés par la volonté du président d’invalider l’application d’un verdict de 2014, des dizaines de milliers de Roumains ont fait savoir leur mécontentement par le biais de Facebook.
Les citoyens s'émancipent sur le Web
Le peuple roumain ne se laisse plus si facilement berner, affirme le politologue Ioan Stanomir sur la plate-forme de blogs Contributors :
«L’égalité devant la loi plutôt que les privilèges, la transparence plutôt que le clientélisme au sein de l’administration, la volonté de changement plutôt que la complicité avec l’oligarchie : voilà les problématiques qui avaient dominé les élections présidentielles de novembre 2014. Les réactions observées sur la Toile ne font que refléter la consternation et le dégoût moral éprouvés aujourd’hui. … L’émancipation des citoyens vis-à-vis de l’Etat paternaliste, leur refus de tolérer la trahison et la duplicité sont autant de signes d’un changement qui s’accomplit progressivement et qui devient irréversible. Une nouvelle forme de solidarité est née sur Internet, et les groupes médiatiques comme Intact n’ont aucune emprise sur elle. … Il appartient désormais à Klaus Iohannis de raviver les valeurs sur lesquelles repose le mandat que lui a confié le peuple.»
L'amère déception des Roumains
Klaus Iohannis a expliqué vendredi sur Facebook avoir été mal compris. Or ceci ne changera rien à l’indignation des citoyens, explique la journaliste Ramona Ursu au président, sur son blog hébergé par le site du quotidien conservateur Adevărul :
«Je me souviens encore de quelle façon, pendant la campagne électorale de 2014, vous aviez obtenu mon soutien et celui de millions de Roumains qui en avaient assez de la corruption, de la mafia qui voulait jadis contrôler le pays, des vols et des mensonges. Je me souviens que des millions de personnes, écœurées par la classe politique et boudant les urnes, avaient fait l’effort d’aller voter car elles voyaient en vous l’ultime espoir de salut pour le pays. Je me souviens également que vous aviez promis à l’époque de défendre la justice et l’Etat de droit, c’est-à-dire les institutions mêmes que vous bafouez aujourd’hui. … Pour ce qui est de mon 'J’aime', sur Facebook : je l’ai retiré, mais je tiens aussi à signaler que je ne vous le redonnerai jamais.»
Un potentiel de révolte citoyenne
Cela faisait un certain temps déjà que les citoyens roumains portaient un regard plus critique sur Klaus Iohannis, et la récente affaire ne fait que confirmer leurs réserves, souligne le portail d’information Ziare :
«Le président compte encore plus de 1,6 million de 'likes' sur sa page Facebook. Les 46 000 'J’aime' perdus ne représentent que trois pour cent du total et cela n’attesterait pas une véritable contestation. Faux. Les manifestations consécutives à l’incendie de la discothèque Colectiv ont montré l’importance du potentiel de révolte. Ce qui répugnait aux Roumains jusqu’à maintenant, c’était la passivité du président et son train de vie : il a fait rénover sa villa pour un million de dollars, triplé le montant de ses revenus, voyagé de par le monde avec sa femme aux frais du contribuable. Mais en disant d’une loi qu’elle constitue une 'banalité administrative', et qu'il faut la changer pour trouver une 'solution appropriée', il porte un coup autrement plus grave à son image.»