Pologne : gouvernement PiS versus Cour constitutionnelle
La Cour constitutionnelle a déclaré inconstitutionnelle la loi par laquelle le gouvernement national-conservateur polonais neutraliserait de fait le rôle de contrôle de la Cour Suprême. La Pologne s’enlise-t-elle dans une crise d’Etat ?
Kaczyński a déclaré la guerre à la Pologne
Le gouvernement national-conservateur polonais a rejeté la critique de la Commission de Venise - organe consultatif du Conseil de l’Europe-, laquelle concluait à un affaiblissement de la Cour constitutionnelle polonaise. Des milliers de manifestants ont par ailleurs condamné la politique du gouvernement. Pour le magazine d’information libéral Newsweek Polska, l’avenir du pays fait l'objet d'une véritable guerre :
«Kaczyński a déclaré la guerre à des millions de Polonais, qu’il a offensés en anéantissant l’Etat de droit, en dévoyant la Constitution et en restant sourd aux voix du monde civilisé. … La bataille qui s’engage est la plus grande depuis 1989. Son enjeu est d’une part la forme et les fondements de l’Etat polonais, d’autre part la société qui sera la nôtre. C’est un combat pour l’avenir de la Pologne, même si de prime abord, cela ressemble à un combat contre un dictateur qui outrepasse son mandat et qui a sapé l’Etat de droit et la société.»
Prague a le droit de critiquer Duda
Le président polonais Andrzej Duda effectuera ce lundi sa première visite en République tchèque. Le quotidien conservateur Lidové noviny se demande quelle sera la position de Prague vis-à-vis des décisions controversées prises par le gouvernement PiS en Pologne :
«La République tchèque et la Pologne sont alliées au sein du groupe de Visegrád, de l’OTAN et de l’UE. Mais ceci signifie-t-il qu’il faille applaudir tout ce que le partenaire fait ? … Il sera intéressant de voir dans quel domaine le partenariat avec Duda et les conservateurs portera ses fruits. Dans celui de la résistance commune face au 'diktat de Bruxelles' ? Ou bien dans celui des intérêts communs au sein de l’Union européenne, qui part dangereusement à la dérive ? Etre allié, cela ne veut pas dire qu’il faille tout approuver sans rien dire. Les alliés ne sont pas des vassaux.»
L’opposition paralysera le système juridique polonais
Maintenant que la réforme de la Cour constitutionnelle polonaise a été déclarée inconstitutionnelle, l’opposition va passer toute nouvelle loi du gouvernement PiS au peigne fin, redoute le quotidien conservateur Rzeczpospolita :
«Parmi tous les problèmes auxquels nous sommes désormais confrontés, ce sont les conséquences juridiques qui seront le plus redoutable. La révision systématique des lois va entraîner de nouveaux jugements et des interprétations contradictoires du droit. Le sac de nœuds qui en résultera sera inextricable. La décision de la Cour constitutionnelle d’hier, et le fait que le gouvernement ne la reconnaisse pas, a eu un effet boule de neige, qui pourrait provoquer la dislocation intégrale du système juridique polonais.»
Le parti de Kaczyński enterre la séparation des pouvoirs
C’est un fait : il n’y a plus de séparation des pouvoirs en Pologne, constate le quotidien de centre-gauche Süddeutsche Zeitung - et cela n’appellera aucune espèce de conséquences :
«Le gouvernement d’un pays membre de l’UE, lequel est le plus important d’Europe centrale, quitte délibérément l’espace juridique européen.… Comme tout pouvoir visant une domination autoritaire, Jarosław Kaczyński et son parti Droit et Justice (PiS) veulent abolir dans les faits un principe central de l'Etat de droit moderne : la soumission du gouvernement et de sa majorité parlementaire au contrôle de juges indépendants ... Si le PiS campe sur sa position, la Commission européenne devrait bientôt adopter des sanctions contre Varsovie et, à moyen terme, la priver de milliards de subventions. Mais à une époque où Bruxelles courtise la Turquie pour son rôle central dans la question des réfugiés, il est peu probable qu’un péché démocratique soit sanctionné par une procédure résolue.»
La Cour constitutionnelle pousse la Pologne dans l’anarchie
Par son verdict, le président de la Cour Andrzej Rzepliński risque d’entraîner le pays à sa perte, s’échauffe Jan Maria Jackowski dans le quotidien national-conservateur proche du gouvernement Gazeta Polska Codziennie :
«Nous assistons actuellement à une 'anarchisation' de l’Etat. Et ce, parce que le président [de la Cour constitutionnelle] Rzepliński a pris une décision qui ne repose sur aucune base juridique. Il se rend coupable d’abus de pouvoir et dévoie de sa fonction la Cour constitutionnelle en tant qu’organe d’Etat pour s’immiscer activement dans une querelle politique. … En résulte une situation exceptionnelle qui pousse l’Etat à prendre les mesures qui s’imposent. J’espère que dans cette situation, les organes publics responsables de veiller au respect des principes de l’Etat de droit et de l’ordre constitutionnel polonais sauront réagir en conséquence.»