Rajoy devrait imiter son ministre de l'Industrie
Mis en cause par les révélations des Panama papers, le ministre espagnol de l’Industrie José Manuel Soria a démissionné vendredi. Le Premier ministre Mariano Rajoy devrait démissionner lui aussi, car il a défendu le ministre pendant des années face aux accusations de corruption dont celui-ci faisait l’objet, écrit le portail de gauche eldiario.es :
«Un individu comme Soria, avec un passif aussi lourd, a pu devenir ministre : ceci en dit long sur la médiocrité de notre gouvernement et de notre pays. … Soria a démissionné, et Rajoy ferait bien de partir lui aussi, car c’est lui qui a décidé de faire confiance à un tel homme, en dépit des signes négatifs et de son passé peu reluisant. Quelle surprise ! C’est bien le même homme politique qui s’est fait payer des vacances par des entrepreneurs, qui a voyagé gratuitement dans des jets privés et qui a dissimulé sa fortune dans des paradis fiscaux. On ne l’avait pas vu venir !»
Les Pays-Bas et les avantages fiscaux
Le Parlement néerlandais entend mettre en place une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur les divulgations du Panamaleaks. Mais avant toute chose, les politiques feraient bien de regarder dans leur propre pays, réclame le quotidien social-chrétien Trouw :
«Les révélations des Panama papers exercent une pression considérable sur la morale fiscale. D’un autre côté, les Pays-Bas accordent aux entreprises des avantages fiscaux qui génèrent également d’importantes retombées économiques. La politique doit trouver un équilibre entre ces deux pôles. C'est un fait, le volume du secteur financier national est disproportionné quand on le compare aux autres pays de l’UE. … On peut en tirer deux conclusions contradictoires : si le secteur est devenu trop important, c’est parce que les Pays-Bas ont adopté des règles trop avantageuses. Mais on peut aussi estimer que maintenant que ce secteur existe, il faut maintenir une règlementation souple. Or compte tenu de l’acceptation sociale largement répandue de la vertu fiscale, il convient de retenir la première conclusion.»
Un système vicié
La banque belge Dexia a elle aussi aidé ses clients à placer des fonds dans des entreprises prête-nom au Panama. Le quotidien de centre-gauche De Morgen appelle à faire le ménage :
«On peut déplorer à juste titre que la banque Dexia, sauvée à grand renfort de milliards du contribuable, continue allègrement d’aider ses clients à frauder le fisc. Serait-il vraiment trop naïf de penser qu’une firme qui a été sauvée par l’Etat puisse revoir quelque peu sa culture d’entreprise ? … Certains éléments laissent penser que les contrôleurs fiscaux étaient déjà au courant de ces pratiques depuis des années. Il existe également des éléments indiquant que l'Autorité belge des services et marchés financiers (FSMA) a délibérément choisi de fermer les yeux. … Le directeur de la FSMA Jean-Paul Servais, entre autres, est donc à nouveau visé. … S’il existe une erreur systémique, c’est bien l’incapacité manifeste à purger les structures de telles créatures. La possible négligence de la FSMA dans l’affaire des 'Dexia Papers' est l’occasion pour le gouvernement de changer enfin d'approche.»
Espagne : un ministre qui ment doit démissionner
Le ministre espagnol de l’Industrie, José Manuel Soria, a reconnu lors d’une conférence de presse accordée mardi être impliqué dans des entreprises enregistrées dans des paradis fiscaux, ce qu’il avait farouchement nié deux jours auparavant. Pour le portail de gauche eldiario.es, il doit démissionner :
«Les faits remontent aux années 1990 et ils sont tous frappés de prescription. Les mensonges manifestes du ministre Soria, pour leur part, remontent à quelques heures. … Il assène que les registres du commerce mentent, que les Panama Papers mentent, que la signature de son frère a été falsifiée et que si son nom figure comme secrétaire de UK Lines dans le registre du commerce britannique, il s’agit d’une 'erreur'. … Pour clore cette conférence de presse époustouflante, le ministre a demandé si 'tout était clair à présent'. Clair comme de l’eau de roche : c’est une erreur que le gouvernement espagnol ait un menteur pour ministre.»
Du pain bénit pour Moscou et Pékin
Le quotidien liberal Eesti Päevaleht craint que l’Occident ne soit le principal perdant de la divulgation des activités offshore du personnel politique :
«Paradoxalement, les Panama Papers comportent bien davantage d’éléments compromettants sur des pays n’appartenant pas à l’Occident. Mais en raison de la censure, les Chinois ne savent quasiment rien de la corruption de leurs dirigeants. En Russie, les documents relatifs aux affaires du cercle proche de Vladimir Poutine ont été qualifiés de 'propagande occidentale' par le Kremlin. … Le seuil de tolérance en matière de corruption est également plus élevé dans ces pays qu’en Occident. Les Panama Papers ne révèlent donc rien de nouveau sur des dirigeants qui ont toujours été considérés comme des kleptocrates. Nous pouvons croire que la démission du Premier ministre islandais et la pression exercée sur son homologue britannique David Cameron sont le signe d’une morale démocratique supérieure, mais ceci ne convainc pas le reste du monde.»
En démocratie, les abus finissent par percer
Seules les sociétés démocratiques permettent de révéler au grand jour les dysfonctionnements et les abus tels que ceux récemment dévoilés par les Panama Papers, souligne le journal économique Kauppalehti :
«Cet épisode a une fois de plus montré l’importance de la libre diffusion de l’information dans la société et en démocratie. … La démocratie repose sur de solides institutions, le respect de l’opposition, l’indépendance de la justice, la liberté des médias, la liberté et l’égalité de traitement. Hélas, il semblerait que ces principes ne soient pas au goût du jour dans tous les pays occidentaux. … La démocratie a beau faire des ratés, elle n’en reste pas moins l’unique système qui soit en mesure de s’auto-corriger. Ces messieurs-dames planquent leur argent dans des paradis fiscaux depuis des années, voire des décennies, mais un beau jour, les abus finissent par percer.»
Madrid a été trop arrangeante avec Panama
Si Panama peut jouer le rôle de paradis fiscal comme il le fait, il le doit notamment au soutien actif du gouvernement espagnol, s’insurge le quotidien conservateur El Mundo :
«[L’ex-Premier ministre socialiste] Zapatero a cédé au chantage du gouvernement panaméen en vue de faciliter à des entreprises du bâtiment espagnoles l’accès à des contrats sur l’élargissement du canal de Panama, de l’ordre de deux milliards d’euros. … Dès 2013, sous le gouvernement conservateur PP, Madrid a conclu avec le Panama un accord de lutte contre la criminalité ; à la liste de tous les délits énumérés, on cherchera en vain les crimes économiques et tout particulièrement le blanchiment d’argent. … Une erreur d’autant plus grave que l'on sait que le blanchiment figure dans des traités bilatéraux comparables conclus avec 26 autres pays. C’est pourquoi le gouvernement doit de toute urgence placer Panama sur la liste des paradis fiscaux, comme la France vient de le faire.»
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