L''obsession russe' illustre la faiblesse de l'Occident
Cumhuriyet interprète comme un geste de désespoir la nouvelle orientation de l’OTAN qui définit la Russie comme sa cible numéro un :
«Le monde occidental traverse une période marquée par la panique post-Brexit, la crise du néolibéralisme en Europe, le populisme d’extrême droite et des divergences sur la nature des relations transatlantiques à l’avenir. Le glissement du pouvoir économique et stratégique vers l’Asie, où la Russie et la Chine sont en position de force, engendre de nouvelles orientations géopolitiques et une nouvelle architecture de sécurité. … L’Occident se sent sur le déclin. La Russie en revanche domine au Proche-Orient sur le plan militaire, contre un islam radical qui a émergé avec le soutien de l’Occident. Elle ne s’est pas contentée de renforcer sa présence dans la partie orientale de la Méditerranée, mais peut également tirer des missiles sur les cibles de Daech en Syrie directement depuis la mer Caspienne. … Pour l’OTAN, qui tient à sa supériorité militaire, le coup est dur à encaisser.»
La Roumanie manque de poids
La Roumanie avait elle aussi créé une brigade internationale avant le sommet, mais les Alliés ne l’ont toutefois pas appuyée, critique l’experte en sécurité Oana Popescu dans Adevărul :
«Il est inquiétant de constater que hormis la Bulgarie et la Pologne, aucun autre Etat-membre de l’OTAN ne veuille envoyer de troupes en Roumanie. … Il semblerait que les alliés se focalisent sur la partie Nord du front Est, auquel ils octroient d’importantes ressources en personnel et en matériel, alors que dans sa partie Sud en revanche, la brigade roumano-bulgare reste pour l’heure sans personnel et sans efficacité. La création de cette brigade par la Roumanie atteste de sa créativité. Et il est louable que le pays ait ainsi attiré sur lui l’attention. Or c’était une improvisation de dernière minute, que les alliés n’ont pas voulu soutenir. … On pourrait dire que nous nous sommes bien battus, pour un pays de petite taille. Il est toutefois anormal que la Roumanie ait si peu de poids dans les négociations, quand on sait la contribution qu’elle a apportée à l’OTAN.»
Un nouveau rideau de fer
Le quotidien prorusse Douma pense discerner dans les décisions du sommet de l’OTAN les signes d’une agression à l’encontre de la Russie :
«L’OTAN s’emploie à prouver que les murs ne sont pas une page tournée. Elle veut ériger une nouvelle muraille depuis la Baltique jusqu’à la mer noire. Une muraille encore plus massive et plus insurmontable que celle qui l’a précédée, appuyée par toute la puissance militaire de l’Alliance. L’OTAN a besoin de murs pour survivre. C’est la véritable raison pour laquelle elle envoie des soldats américains, canadiens, allemands et britanniques en Pologne et dans les Etats baltes, tout en établissant des systèmes de défense antimissile en Pologne et en Roumanie. Bien sûr, il a également été question de la mer Noire. A l’automne, on nous informera des modalités et de la date à laquelle la flotte otanienne de la mer Noire sera renforcée dans nos eaux territoriales.»
Un sommet qui entrera dans les annales
C'est un miracle que la France et l'Allemagne s'engagent à défendre les Etats baltes, se réjouit le portail 15min suite au sommet de l'OTAN :
«Un diplomate britannique avait tenu avant-guerre des propos cyniques mais réalistes quant au regard porté par l'Occident sur les Etats baltes : Ils pourraient former une zone tampon entre l'Allemagne et la Russie, mais hormis cette fonction, ils ne sont pas vraiment nécessaires. ... Un miracle s'est produit le 8 juillet 2016. La France et l'Allemagne ont fait savoir que les rumeurs d'une rupture au sein de l'OTAN ou bien d'un conflit Etats-Unis/UE étaient exagérées. Et qu'ils ne considéraient pas seulement les pays baltes comme une zone tampon ou bien un no man's land, mais aussi et surtout comme des membres du club européen.»
Moscou n'est pas le problème principal
Compte tenu des problèmes internationaux actuels, 'l'obsession russe' de l’OTAN paraît anachronique et déplacée, souligne le quotidien Hürriyet :
«A l’exception du président turc Tayyip Erdoğan, personne n’a prononcé une seule fois le mot 'Syrie', alors que le sang coule au Proche-Orient. Daech fait exploser des bombes dans le monde entier et l’OTAN continue de s’occuper de façon quasi exclusive de la Russie. L’organisation, créée en 1949 en réponse au Pacte de Varsovie, se trouve aujourd’hui dans un contexte géostratégique totalement différent. La guerre froide a pris fin il y a plus de 30 ans déjà. La menace n’émane plus d’un Etat ou d’une région de la planète. … On ne peut donc pas dire que l’Alliance se soit préparée aux menaces actuelles. Elle pratique la politique de l’Autruche. Ce réflexe fait penser à un patient atteint d’un cancer en phase terminale qui prendrait une aspirine contre ses maux de tête.»
L'OTAN et Poutine se soutiennent mutuellement
Si la politique de dissuasion de l’OTAN aide Poutine, le président russe aide lui aussi l’OTAN par la politique qu’il mène, analyse Tages-Anzeiger :
«Pour consolider son pouvoir, Vladimir Poutine a besoin de confrontation. Et pourtant, la propagande de Poutine trouve des adeptes en Occident. Cette propagande met en scène une Russie victime, encerclée et provoquée par l’élargissement de l’OTAN. Elle procède d’une vision du monde dans laquelle un certain nombre d'Etats de deuxième catégorie appartiennent à la sphère d’influence de Moscou. Pourtant, Moscou a elle-même souscrit au principe de liberté des Etats dans le choix de leurs alliances. Plus que quiconque, Vladimir Poutine fait la promotion de l’alliance occidentale. Sa Russie pousse de nouveaux membres dans les bras de l’OTAN. Aujourd'hui, Suédois et Finlandais se départent de leur neutralité et cherchent à se rapprocher de l’OTAN.»
Le jeu efficace de Poutine
Poutine poursuit toujours la même stratégie vis-à-vis de l'Occident, que ce soit en Syrie ou en Ukraine, analyse Süddeutsche Zeitung :
«Washington trace des lignes rouges, Assad les franchit - et un nouveau cycle de négociations débute avec Moscou. Menacer de conséquences et puis ne rien faire, c'est encore pire que de céder. ... En Ukraine, Poutine a réussi en procédant toujours de la même manière : le belligérant soutenu par Moscou ne cesse de violer les accords de cessez-le-feu et de retraits. Mais Moscou, qui prétend n'avoir qu'une influence limitée sur le belligérant, n'en ressort pas amoindrie. Et comme toujours, l'Ouest fait de nouvelles offres, tente d'appâter et de jeter des ponts d'or. Poutine peut alors se poser en médiateur et en champion de l'antiterrorisme - pas de paix sans la Russie - et profiter dans le même temps de la pression que génèrent les attaques de ses alliés. Une attitude récompensée par de nouvelles offres de collaboration. Pourquoi renoncer à un jeu aussi efficace, à moins d'y être contraint ?»
La Pologne doit plaider en faveur d'une présence maximale
Par le passé, la Pologne a été trahie à maintes reprises par ses alliés, rappelle le journal à sensation Super Express :
«Nous devrions en tirer des enseignements aujourd’hui. S’ils sont évidents pour beaucoup d’entre nous, ils s’apparentent toutefois à une hérésie pour certaines personnes en Pologne : personne ne nous sauvera pour nos beaux yeux, quand bien même nous aurions signé cent traités. C’est dur à dire, mais c’est la triste réalité. Ils ne nous sauveront que s’ils ont un intérêt à le faire. C’est pourquoi nous devons exiger que soient stationnés dans les régions les plus menacées un nombre maximum de soldats de l’OTAN. … Des temps encore plus difficiles nous attendent. Car si aux Etats-Unis, le candidat qui se plaint que les Américains financent la défense des Européens venait à l’emporter, il couperait le robinet de l’argent. Et les Américains ne se concentreraient alors plus que sur eux-mêmes.»
L'Alliance trouvera un compromis
Remettre la Russie à sa place, par tous les moyens, ou bien se rapprocher de Moscou ? L'OTAN trouvera un compromis, assure Die Presse :
«Les décisions que l'OTAN prendra dans le cadre du sommet actuel de Varsovie seront un compromis entre les extrêmes annoncés. On inaugure quelques bases militaires, on fait tourner 4 000 soldats d'autres Etats de l'OTAN en Pologne et dans les Etats baltes, on sort l'artillerie lourde. Tout ceci n'arrêterait pas une attaque des Russes, mais on leur envoie toutefois un signal : l'OTAN est solidaire - attaquer l'Estonie reviendrait à attaquer toute l'Alliance, alors n'y songez pas !»
Un pour tous, tous pour un
Pour Politiken, une solidarité infaillible entre les membres de l'OTAN importe plus que le renforcement des contingents sur le flanc Est de l'Alliance :
«Il n’est pas difficile d’attiser les agressions. Ce qui est bien plus difficile en revanche, c’est de calmer le jeu pour revenir à la normale de manière pacifique. C’est pour cette raison que la remilitarisation, qui ressemble à une aide à la Pologne et aux pays baltes, pourrait leur être fatidique. Nous ne devrions jamais abandonner ces pays, mais aucune garantie ne sera plus efficace que le rappel du serment irréfragable des mousquetaires, qui énonce clairement qu’attaquer un pays de l’OTAN revient à en attaquer tous les membres. Nous serrons les rangs. … C’est exactement ce que les pays de l’OTAN doivent signifier sans équivoque lors du sommet, à l’attention des pays d’Europe de l’Est, mais surtout à l’attention de Poutine.»
Le déploiement de troupes doit rester exceptionnel
L’OTAN ferait mieux de jouer la carte de l’apaisement plutôt que celle de la provocation. C'est ce que préconise un groupe comprenant notamment des anciens ministres des Affaires étrangères et des diplomates français, dans une tribune au journal Le Monde :
«Reconnaissons que la Russie n’est pas sans torts, admettons même qu’elle fasse peur : faut-il pour autant aller jusqu’aux gesticulations politiques (réunion à Varsovie) et militaires (déploiements de forces de combat à proximité du territoire russe) dont le prochain Sommet va fournir l’occasion ? … Les mêmes qui nous ramènent à la guerre froide sont les premiers à protester qu’ils n’en veulent à aucun prix le retour. Ils seraient plus crédibles s’ils veillaient à rassurer la Russie en même temps qu’ils rassurent pays baltes et Pologne. Il n’y aurait pour cela que deux choses à dire : la première, que les déploiements de forces sont exceptionnels et n’ont pas vocation à devenir permanents ; la seconde, que l’OTAN a fait le plein de ses membres et ne s’élargira en aucun cas et dans aucune direction à un nouveau membre.»
La dissuasion n'est pas le tout
Le déploiement de milliers de soldats en Europe de l'Est est une bonne chose, mais la dissuasion ne suffit pas à elle seule dans les relations avec Moscou :
«La puissance militaire doit être assortie d'une ouverture au dialogue et à la coopération. Nous avons besoin d'une double stratégie, telle que la préconisait le rapport Harmel de l'OTAN en 1967 et telle que la pratiquait Willy Brandt avec sa politique de 'transformation par le rapprochement'. ... Mais ce dont nous avons le plus besoin, c'est de persévérance. Les démonstrations de force de Moscou sont l'expression de sa faiblesse interne et de son déclin économique. Pour remonter la pente, il faudra du temps, un retour de la confiance et des positions claires de l'Alliance atlantique. Le débat doit dépasser les querelles intestines opposant ceux qui jouent cartes sur table - dénigrés comme autant de vassaux inféodés au complexe militaro-industriel des Etats-Unis - à ceux qui comprennent que la Russie se sente trahie. Dissuasion et ouverture au dialogue sont les deux faces d'une même médaille.»
Les Allemands doivent réviser leur position
Les réticences de l’Allemagne sur la question du renforcement des contingents de l'OTAN sur le flanc est de l’Europe ne servent à personne, s’insurge Tomasz Wróblewski, rédacteur en chef du magazine conservateur Wprost :
«C'est le lieu et le moment opportuns de rappeler aux politiques allemands qu’ils ne sont qu’une pièce dans le puzzle compliqué du système de sécurité européen. Car c’est eux qui bloquent le renforcement de l’OTAN à l’Est. Sans les garanties américaines, leur prospérité et leur sécurité éclateraient comme une bulle de savon. Le lieu et le moment sont également opportuns pour réviser au plus vite une doctrine de défense dans laquelle la Pologne n’est qu’un avant-poste de la défense allemande. Il s’agit de l’ultime occasion pour le monde occidental d'éviter de finir comme l’Asie et l’Afrique.»
Sécuriser le flanc Est de l'OTAN
Dans le cadre du sommet de Varsovie en juillet prochain, il faut que l’OTAN décide de renforcer la sécurité du territoire oriental de l’alliance, souligne Latvijas avīze :
«Lorsque les politiques estiment que certains pays sont 'mal situés' sur la planisphère, et que ceci entraverait leur intégration dans le système d’alliance occidental, on comprend que la logique des sphères d’influence n’a toujours pas disparu. Au cours de la guerre froide, seuls les Européens vivant du 'bon côté' du rideau de fer avaient pu développer des sociétés démocratiques, et s'ils se sentaient en sécurité, c'était uniquement grâce à la protection de l’OTAN. Ce serait une erreur aujourd’hui de croire que seules des mesures de protection symboliques et limitées permettraient d’assurer la pérennité de l’Europe de l’Est et des Etats baltes.»
L'Europe a besoin de la protection des Etats-Unis
Le sommet de l’OTAN de cet été devra définir clairement la menace russe et les contre-mesures à lui opposer, assène Hospodářské noviny :
«Après la guerre froide et la désagrégation de l’Union soviétique, on a eu l’impression, pendant quelques années, que le risque d’une attaque de l’Europe était moindre. Mais voici que ressurgissent les vieux démons. En effet, comment comprendre autrement les déclarations des experts militaires de Moscou quand ils disent que deux à trois jours suffiraient aux soldats russes pour prendre le contrôle des Etats baltes ? Le stationnement actuel d’une brigade de l’OTAN dans les pays baltes rappelle l’article cinq du traité de Washington, qui édicte qu'attaquer un membre de l’OTAN revient à en attaquer tous les membres. … Il serait déroutant et contre-productif de se demander à nouveau qui de l’OTAN ou de l’UE serait le plus en mesure de garantir la sécurité européenne. Car à moyen terme, sur le plan militaro-stratégique et géopolitique, on ne pourra se passer des Etats-Unis.»
Il faut une trêve nationale le temps du sommet
Compte tenu de l’importance éminente de la rencontre, la politique polonaise devrait mettre entre parenthèses ses querelles politiciennes le temps du sommet, demande Gazeta Wyborcza :
«Les décisions qui seront prises au sommet de juillet seront décisives pour la sécurité des générations à venir. C’est pourquoi nous devrions remiser nos désaccords politiques sur ce sujet. Nous savons d’ores et déjà que l’OTAN décidera du stationnement concret des forces armées sur le front dit de l’Est. [Selon des déclarations précédentes] il est prévu que ces troupes y soient stationnées de manière 'permanente' et 'selon un principe de rotation'. Nous ignorons encore les effectifs de ces unités et où elles seront déployées. … Il est primordial de soutenir ce sommet, au-delà des clivages politiques.»
Poutine profite des désaccords au sein de l'OTAN
Le sommet de l’OTAN de Varsovie ne mettra pas un terme aux désaccords entre ses Etats membres sur les sanctions contre la Russie, anticipe Jutarnji list :
«Bien que les objectifs finaux fassent consensus, les Etats membres de l’OTAN et de l’UE n’arrivent pas à tomber d’accord sur le moyen de les mettre en œuvre. Les intérêts nationaux sont trop disparates, de même que les peurs d’une menace, et donc le besoin de protection. Poutine le sait parfaitement et capitalise habilement sur cette discorde, dont il espère qu'elle lui apportera la victoire dans la guerre des sanctions. Poutine a l’avantage, non seulement parce que les sanctions nuisent moins à la Russie qu’à l’Ouest. Mais il jouit en outre du soutien sans limite de l’opinion russe, y compris pour toute mesure qu’il puisse adopter pour combattre l’Ouest.»
Les alliés doivent accorder leurs violons
Les organisateurs du sommet de l’OTAN doivent mettre les bouchées doubles s’ils veulent que la rencontre soit une réussite, souligne Michał Kobosko, directeur du think tank Atlantic Council, dans une tribune à Rzeczpospolita :
«Nous sommes certes extrêmement fiers que tous les dirigeants politiques influents de ce monde viennent à Varsovie en juillet pour parler des nouvelles structures de sécurité et de la réaction à apporter aux nouveaux risques qui se profilent. Mais il ne coule pas de source que ce sommet sera un événement historique qui atteindra tous les objectifs. Ce ne sera le cas que si à Varsovie, les alliés font bloc face aux risques qui menacent tant sur le front Est que sur le front Sud. … De plus, en amont du sommet, les protagonistes devront clairement prendre position sur les questions de sécurité qui nous concernent.»
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