Barroso passe à Goldman Sachs
L'ex-président de la Commission européenne José Manuel Barroso dit se sentir discriminé par son successeur. Juncker avait en effet annoncé son intention de soumettre à un examen éthique l'entrée de Barroso au service de la banque d'investissement américaine Goldman Sachs et enjoint les représentants de l'UE de le considérer dorénavant comme un lobbyiste lambda. Barroso voit son intégrité remise en cause. Dans cette controverse, la presse n'adhère pas à son raisonnement.
Quand un homme d'Etat devient lobbyiste
En se plaignant du traitement que lui 'inflige' son successeur Juncker, Barroso fait déborder le vase, s’indigne Jornal de Notícias :
«Il y a de quoi rester bouche bée devant le lamentable spectacle qui s’offre à nous depuis l’arrivée de Barroso à Goldman Sachs. Mais le culot avec lequel l’ancien président de la Commission européenne et ex-Premier ministre portugais accuse la Commission d'une soit-disant discrimination à son égard est le comble du surréalisme. … A quoi s’attendait-il ? Un large soutien parmi la population européenne ? Une petite tape dans le dos ? … Ce n’est pas Juncker qui a retiré le 'tapis rouge' de sous ses pieds, mais Barroso lui-même : il a trébuché à cause de son ambition démesurée. Ce tapis rouge n’est autre que la bonne réputation, l’honneur, l’intégrité. … Le nouvel employé de Goldman Sachs ne peut plus s’attendre à être considéré comme un homme d’Etat depuis qu'il a choisi de devenir lobbyiste.»
Un grave coup assené à l'UE
Pour De Standaard, l'attitude de Barroso est une infamie qui nuit gravement à l’ensemble de l'UE :
«Il est révélateur que Barroso nie que son intention porte un coup fatal à l’Union européenne - ou à ce qu’il en reste aujourd'hui. La lettre ouverte rédigée par certains fonctionnaires européens anonymes, notamment publiée dans ce journal, en dit long. Elle exprime la douleur que ressent le peuple face à la fragilité de l’Europe, trop affaiblie par les crises successives pour faire face à un scandale comme celui-ci. … Le successeur de Barroso, Jean-Claude Juncker, déploie tout l’arsenal dont il dispose. Il a fait savoir que son prédécesseur perdait toute ses prérogatives et qu’un comité d'éthique étudierait son cas. Mais tout ceci ne résout rien. Le seul moyen de limiter la casse serait que Barroso revienne sur sa décision.»
Les Portugais déçus par leur ex-Premier ministre
Le passage à Goldman Sachs de l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso déplait fortement à ses compatriotes portugais, écrit Pravda :
«Il fut un temps où les politiques employaient leurs vieux jours à rédiger leurs mémoires. A notre époque, ils confient cette tâche à des nègres, préférant pour leur part mettre à profit leur expérience ailleurs. Même des sociaux-démocrates comme Blair ou Schröder n’ont aucun scrupule à brasser de l’argent. Mais Barroso, jadis maoïste convaincu, en a surpris plus d’un en entrant au service d’une banque aussi proche de Wall Street. La nouvelle a fait un tollé au Portugal. Ce qui se comprend, après les dures années que le pays a dû traverser. Les gens sont las de devoir toujours se serrer un peu plus la ceinture. Quand on voit que l’ex-Premier ministre travaille pour une société qui a déclenché la crise de 2008, suite à laquelle les banques privées ont été assainies avec des fonds publics, on est en droit de se demander quels intérêts les politiques servent véritablement.»
Mécontents des politiques ? Elisez-en d'autres !
Jugeant que de nouvelles lois seront sans effet sur la cupidité de certains politiques, l'Echo appelle les citoyens de l’UE à se choisir des personnalités d’envergure :
«Plus qu’une société faite de règles de conduite, injectée de bienséance dictée et de morale imposée, l’Europe nécessite des hommes et des femmes d’Etat. De ceux et celles qui mettent l’intérêt commun au-dessus de leurs mesquineries, de leur petitesse calculée pour ne grandir qu’eux-mêmes. Cette trempe-là ne naît pas dans un enclos de directives qui fixent le nombre de mois à tenir avant de retomber dans les travers de l’égoïsme. Cette trempe-là est d’abord portée par les urnes. … L’Europe a besoin de souffle, d’ambition. L’Europe a besoin d’hommes et de femmes politiques qui la porteront au-delà de leurs propres limites. En s’oubliant eux-mêmes. Ce sont ces hommes et femmes, non seulement que l’Histoire retient, mais qui la font.»
Un choix judicieux
Le journal économique Naftemporiki salue pour sa part la 'reconversion' de Barroso :
«Il a été président de la Commission pendant une des périodes les plus délicates de l'histoire de la zone euro, alors fortement mise à l'épreuve par la crise de la dette. De nombreux observateurs s'accordent à dire que par son action, Barroso a contribué à sauver l'Union économique et monétaire. ... Son recrutement par une banque d'investissement en partie responsable de la crise financière de 2008 a suscité de vives réactions au Portugal, et des questions quant à un possible conflit d'intérêts. Mais du point de vue du monde financier, Barroso est la personne idéale. N'oublions pas qu'il n'est pas le premier technocrate bruxellois à franchir le seuil du géant américain de la finance : le président de la BCE, Mario Draghi, avait lui aussi travaillé chez Goldman Sachs avant de s'installer dans la 'tour de verre' de Francfort.»
Une trahison qui devrait être interdite
L’UE devrait de toute urgence se doter d’une réglementation qui empêche à l’avenir des désertions aussi nuisibles à la réputation de la Communauté, préconise Libération :
«Cette fin de parcours éclabousse toute l’Union, le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement au premier chef, mais aussi le Parlement européen. Tous ceux qui l’ont combattu ne peuvent que tristement constater qu’ils ont eu raison. Mais les dégâts sont faits : désormais, comment ne pas soupçonner les présidents de Commission et les commissaires de ménager tels ou tels intérêts pour s’assurer un avenir financièrement confortable ? A la Commission et aux Etats membres d’adopter rapidement des règles pour interdire un tel mélange des genres. De fait, si Barroso adresse un gigantesque bras d’honneur aux Européens en passant au service de Goldman Sachs dont l’argent est la seule morale et l’avenir de l’Union la dernière préoccupation, il n’a violé aucune règle. Et c’est là qu’est le problème.»
Barroso n'a jamais été un idéaliste
Le fait que l’ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso devienne conseiller auprès de Goldman Sachs n’étonne guère Diário de Notícias :
«Goldman Sachs entretient d’étroites relations avec la politique et pratique un travail de lobbying avec la résolution d’un fauve. … La liste des ex-cadres de cette banque d’investissement qui ont ou ont eu des relations avec la politique est infiniment longue. Aujourd’hui, c’est au tour de Barroso : l’ex-président de la Commission à quitté la politique avec un énorme capital de connaissances et de contacts aussi précieux que vastes. … Non, Barroso ne rejoint pas les rangs de l’ONU – il n’a jamais été idéaliste, il a toujours fait dans le pragmatisme. A une époque où l’on négocie le Brexit, il y a un énorme pactole à empocher. A ceci s’ajoute la nouvelle régulation des banques, le traité commercial avec les Etats-Unis et bien sûr la division de l’UE et les incertitudes qui planent sur l’euro. 'Les uns souffrent, les autres décrochent le gros lot !'»