Un nouvel élan pour l'UE ?
Référendum sur le Brexit, marasme économique et menace terroriste : l'UE a de nombreux défis à relever. C'est du moins ce qu'ont souligné Angela Merkel, Matteo Renzi et François Hollande, lundi, lors de leur rencontre au large des côtes italiennes. Ils n'ont rien formulé de très concret, déplorent les éditorialistes, qui appellent le nouveau trio à obtenir l'adhésion des autres pays d'ici le sommet européen de mi-septembre à Bratislava.
Les grands se liguent au détriment des petits
Le sommet tripartite a offusqué les chefs d'Etat et de gouvernement qui n'ont pas été invités, souligne The Irish Independent :
«On a eu l'impression d'une rencontre conçue pour créer un club spécifique au sein d'une entité européenne plus vaste - une antichambre appelée à décider ce qui est préférable pour l'Europe, et, plus important encore, ce qui est préférable pour elle même. ... Même si les trois 'amigos' prétendent le contraire, la réunion d'hier avait visiblement pour but de limiter les dégâts - mais pas ceux qu'ont subis des pays comme l'Irlande ou la Grèce. Non, les 'grands' voulaient surtout faire valoir leurs propres intérêts. La force première de l'UE, c'est l'absence d'alternatives viables. Toute personne dotée de bon sens refusera que son pays se replie sur soi et ferme boutique. L'exclusion délibérée des autres pays du sommet de Ventotene est un développement inquiétant ; et ceux qui affirment le contraire sont tout simplement inattentifs.»
Garantir la participation des autres Etats
La tâche qui consistera à convaincre les autres Etats de l'UE lors du sommet de Bratislava sera bien plus ardue que le travail de compromis effectué à Ventotene, croit savoir La Stampa :
«La réunion a accouché d'emblée d'un premier accord en matière de politique migratoire : une plus grande responsabilité européenne dans le contrôle de l'immigration, y compris des expulsions. Les demandeurs d'asile pourront de surcroît déposer leur requête dans un pays autre que celui de leur entrée dans l'UE. ... Ce n'est pas rien. Mais le plus dur reste à venir. Il faudra maintenant convaincre les 24 autres Etats (25 si l'on compte la Grande-Bretagne). Le mini-sommet de Ventotene sera une réussite seulement si ses résultats sont adoptés le 16 septembre à Bratislava. Il y a beaucoup à faire pour que tout le monde accepte de participer. L'Europe ne peut plus être une Europe à deux ou trois vitesses. Si l'entente des dirigeants des principaux pays est indispensable, de tels accords ne peuvent devenir le mode de gouvernance de l'UE.»
Une rencontre sans résultats concrets
Dans le journal Diário Económico, João Pedro Dias, spécialiste des questions européennes, fait part de sa déception suite à la rencontre de Ventotene :
«Que signifie, au juste, accroître l'intégration européenne ? Céder davantage de compétences à l'UE ? ... Ou bien réduire le déficit démocratique qui caractérise déjà une grande partie des institutions européennes ? Rien n'a été dit, malheureusement, sur ce point essentiel. Les défis qui attendent l'Europe après le Brexit ne pourront être relevés tant que l'on continuera d'évoquer, de façon vague et générale, de grands principes avec lesquels (presque) tout le monde est d'accord. ... Il aurait été préférable que ce sommet à trois apporte de véritables propositions d'action, plutôt que de se limiter à énoncer des généralités.»
Seule Merkel peut unir l'Europe
L'initiative de la chancelière allemande est louable, se réjouit Jutarnji List :
«Qui d'autre que Merkel pourrait bâtir l'UE sans les Britanniques ? Vu son programme cette semaine, la chancelière s'emploie visiblement à harmoniser les différents points de vue dans l'UE avant le sommet de Bratislava. Il y aura bien sûr des avis divergents, mais l'unité doit prévaloir dans les questions clés. Il s'agit principalement du Brexit, mais pas exclusivement. Si la côte de popularité de Merkel est en baisse en Allemagne, elle reste bien plus appréciée que la plupart de ses homologues européens. Elle est l'une de ces rares leaders qui osent braver l'opinion publique et mener leur barque sans se soucier des sondages à court-terme. Existe-t-il un autre dirigeant qui saurait, mieux qu'elle, coordonner l'unité européenne ?»
Le problème des intérets nationaux
La volonté d'élaborer une stratégie commune pour l'Europe pourrait être mise à mal par les problèmes nationaux, souligne Il Sole 24 Ore :
«L’Italie de Renzi a placé la barre très haut et aspire, après l’épreuve de force du Brexit, à fonder une nouvelle Union qui se penche davantage sur les jeunes, les chômeurs, la croissance, la sécurité, l’immigration et la culture. Mais le pays hôte, à l’instar de ses illustres invités, bute sur les priorités nationales : dans le cas de l’Italie, ceci signifie obtenir davantage de flexibilité par rapport au pacte de stabilité et de croissance. Les déclarations des dirigeants des trois plus fortes économies de la zone euro pourraient être les pièces d'un puzzle qui formerait un second manifeste de Ventotene. Mais elles font plutôt penser aux réflexes inévitables de leaders malmenés par les difficultés politiques nationales.»
Un automne délicat en perspective
Ce sommet correspond à la volonté de Merkel, Hollande et Renzi de donner un nouvel élan à l'UE, commente le quotidien Delo :
«Après le départ de la Grande-Bretagne, l'Italie s'est positionnée aux côtés de la France et de l'Allemagne. L'Italie s'était vue jusque-là refuser une place parmi les 'grands', mais en raison des nouveaux rapports de force sur le continent, le pays est maintenant le bienvenu. Renzi est ainsi devenu le gagnant du Brexit. Les discussions ont pour but de préparer le sommet européen de mi-septembre à Bratislava. ... La grande priorité, c'est la question de 'l'Europe après le Brexit'. Suivent la croissance économique, la 'relance' des institutions européennes, la sécurité et l'immigration. Bien que tout le monde s'évertue à prôner l'unité, il existe néanmoins d'importantes différences parmi les grands Etats membres. Renzi veut alléger l'austérité, Merkel ne démord pas du pacte de stabilité et Hollande privilégie la question sécuritaire. Un automne politique délicat s'annonce en Europe.»
Ventotene aidera à approfondir l'intégration
Le sommet organisé sur l'île historique de Ventotene sera important et déterminant pour l'avenir, peut-on lire dans El Periódico de Catalunya :
«L'Europe ne brûle pas comme en 1941 [lorsqu'Altiero Spinelli avait écrit son manifeste sur l'avenir de l'Europe] mais nombre de ses valeurs fondamentales sont siphonnées par la crise économique et la guerre en cours aux portes du continent. L'essor du populisme semble inexorable, les frontières se ferment, le Brexit doit être négocié, nos villes ont des problèmes de sécurité en raison de la menace djihadiste, la politique d'austérité plombe les citoyens, l'Europe est incapable de gérer la grave crise des réfugiés - l'Europe se délite. ... Voilà pourquoi Ventotene est l'endroit idéal pour promouvoir l'intégration européenne. Cette rencontre n'est pas décisive, mais elle aidera les trois pays à clarifier leurs positions avant le sommet [européen] de Bratislava [mi-septembre]. L'esprit de Ventotene est aujourd'hui plus important que jamais.»
Merkel veut redorer son blason en Europe
Après le sommet tripartite en Italie, Merkel effectuera une tournée européenne. Elle entend améliorer son image écornée en Europe, explique le quotidien Douma :
«Merkel a débuté son voyage lundi par une escale sur l'île ensoleillée de Ventotene, au large de Naples, où elle a rencontré d’autres dirigeants - Hollande le bavard et Renzi le plaisantin. Tout le monde doit savoir quel est le nouveau triumvirat de l’UE. … Après Ventotene, Angela se rendra dans certaines capitales d’Europe de l’Est, afin de remédier à la perte de confiance subie en Allemagne et à l'Ouest. La Bulgarie sera la dernière. Merkel ne nous rendra pas visite, mais dès qu’elle aura récupéré des vicissitudes de son voyage, elle rencontrera les dirigeants bulgare, slovène, croate et autrichien dans le cadre d’une 'réunion de travail', organisée dans un château à proximité de Berlin. Si les dirigeants convoqués espèrent aide et solidarité dans la crise des réfugiés, qu'ils se détrompent : il n’y a pas de solidarité dans l’UE.»
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