Vers une crise gouvernementale en Italie ?
Après le non des Italiens au référendum sur la Constitution, le Premier ministre Matteo Renzi avait présenté sa démission au président Sergio Mattarella. Celui-ci lui a cependant demandé d'assurer l'intérim jusqu'à la formation d'un nouveau gouvernement. Les commentateurs soulignent l'ampleur des problèmes que devra surmonter le pays et appellent à la tenue d'élections anticipées - sous certaines conditions.
Les problèmes de l'Italie sont insurmontables
Après la Grèce, l’Italie est à présent le nouvel "homme malade" de l’UE, estime Új Szó :
«Depuis 1946, l’Italie a compté pas moins de 63 gouvernements. Cette instabilité découle d’un système politique qui encadre le gouvernement en lui imposant des limites strictes en raison de l'antécédent du fascisme mussolinien. … La structure de ce système rend pratiquement impossible la mise en œuvre de réformes économiques et politiques. … Seule la Grèce présente une dette publique supérieure à celle de l’Italie ; les banques italiennes doivent contracter des crédits d'un montant colossal de 360 milliards d’euros. En plus des problèmes économiques auquel il fait face, le pays ne cesse d’être éprouvé par les inondations et les tremblements de terre. … Nous avons vu l’ampleur des efforts qui ont dû être déployés pour le sauvetage de la Grèce. En Italie, la gravité des problèmes est telle qu’aucun plan de sauvetage financier ne pourrait la sortir d’affaire.»
Ne pas précipiter les élections anticipées
Des élections anticipées seraient une option judicieuse mais pas dans n’importe quelles conditions, écrit Corriere della Sera :
«Il faut mettre fin aux disputes qui ont caractérisé la campagne, et éviter des élections législatives qui ne seraient qu’une prolongation des affrontements de ces derniers mois. Il y a une différence de taille entre des élections dans un proche avenir et des élections précipitées, qui seraient très néfastes. Le premier scénario aurait lieu une fois que les tensions entre les partis se seraient apaisées, que le pays se serait réconcilié et qu’aurait été adoptée une nouvelle loi électorale conforme aux prescriptions de la Cour constitutionnelle et qui rétablisse l’équilibre entre le Parlement et le Sénat. Le deuxième scénario diviserait le pays plus que jamais. … Et surtout, on encourrait le danger de se retrouver face à un Parlement qui soit à l’image d'une campagne électorale marquée par le populisme.»
Tout n'est pas fini pour Renzi
Malgré sa démission annoncée, le Premier ministre pourrait revenir en force, analyse le politologue Béla Galló sur le portail de blogs Mozgástér :
«Renzi, victime d'un climat social hostile aux réformes, profitera du probable chaos consécutif à son départ pour effectuer un retour moral triomphal. En Italie, plusieurs observateurs estiment que Renzi, politique encore jeune et fin stratège, joue la montre pour mieux préparer son retour. La situation joue en tout cas en sa faveur. L'opposition n'est pas en mesure de proposer une alternative gouvernementale. Et si un gouvernement de technocrates devait prendre les commandes, Renzi ne pâtira pas des réactions négatives que suscitera inévitablement l'adoption de réformes douloureuses.»
Les regards sont rivés sur les banques italiennes
A l'issue du référendum, les banques italiennes en difficulté seront à nouveau au cœur des préoccupations, écrit Hämeen Sanomat :
«Il y a quelques semaines, l'opacité de la situation politique européenne avait provoqué des troubles importants au sein de la troisième économie d'Europe. Cette fois-ci, la décision démocratique n'a pas ébranlé les marchés. La réaction était connue d'avance : suite au Brexit, on pouvait s'attendre à ce que l'incertitude ne génère pas nécessairement des fluctuations boursières. Après le vote, il est certain que les regards se tourneront vers le secteur bancaire italien, réputé affaibli. Les réformes de Renzi auraient permis d'adapter la capitalisation des banques aux conditions du marché. Mais cette opportunité n'a pas été saisie.»
Aider au lieu de jouer les Cassandre
Au lendemain du référendum en Italie, Sme met en garde contre un pessimisme exagéré :
«L’Autriche vient de montrer que certaines choses pouvaient finir mieux qu'on ne le prévoyait. L'Italie ne doit pas nécessairement suivre la même pente que la Grèce. Ceux qui après le Brexit croyaient que les Britanniques annonceraient d’ici la fin de l’année le souhait de sortir officiellement de l'UE, se trompaient eux-aussi. Renzi et les socialistes ont peut-être présumé de leurs forces, mais ils ne disparaîtront pas aussi facilement de la scène politique. ... Quant aux PECO, ils peuvent eux aussi venir en aide à l'Italie. Par exemple en passant à l'acte et en apportant une aide réelle – avec de l’argent, du matériel et des ressources humaines dans les centres italiens de réfugiés, au lieu de parler tout le temps de 'solidarité flexible'. Nous pourrions aussi accueillir quelques centaines de demandeurs d’asile et ainsi contribuer à ce que la 'crise italienne' n’ait pas lieu.»
Un référendum à l'issue heureuse
L'Europe devrait se réjouir du rejet de la réforme de Renzi, estime Berliner Zeitung :
«On a tendance à trop vouloir rapporter les choses à un contexte plus large. Le référendum italien n'a pourtant rien à voir avec le Brexit ou avec la victoire de Trump. Le seul point commun, c'est peut-être que les électeurs ont saisi l'occasion de se défendre. Et aussi de se tromper. Nous devrions nous réjouir de la fin de non-recevoir signifiée au projet de Renzi. Pas par phobie des réformes, mais parce que nous avons appris à distinguer les 'vraies' réformes des 'fausses'. Renzi voulait obtenir les pleins pouvoirs pour gouverner sans entraves, et il a vendu ce projet comme une 'réforme moderne'. Sa tentative a tourné court. Il importe désormais de faire ce qui doit être fait, sans pour autant duper les citoyens ni rogner un peu plus leur marge décisionnelle. En Italie et en Europe, il faut revenir au mot d'ordre 'Plus de démocratie !' - surtout à l'heure où prolifère le populisme.»
Les réformes de Renzi n'auraient rien apporté
Les réformes envisagées par Matteo Renzi n'auraient de toute façon pas permis de résoudre les problèmes du pays, assure Helsingin Sanomat :
«Le résultat du vote est positif. La réforme de Renzi aurait abouti à une dangereuse concentration des pouvoirs et n'aurait pas solutionné les problèmes économiques du pays. Il n'est pas judicieux de considérer le référendum italien de la même façon que le Brexit ou la victoire de Trump, soit comme des gifles populistes infligées aux élites - du moins pas de la même ampleur. ... Le PIB par habitant est plus faible qu'en 1997. Les principaux problèmes de l'Italie sont par exemple le chômage élevé, les titres toxiques qui grèvent les banques, les carences du système éducatif, la faible productivité liée au manque d'investissements, un taux d'emploi des femmes bas, une administration rigide et corrompue ainsi qu'un certain degré d'inflexibilité du marché du travail. ... Or les réformes de Renzi n'auraient rien changé à ces problèmes.»
L'UE perd l'un de ses cadres
Le résultat pourrait être fatal pour le continent, juge Rzeczpospolita :
«La débâcle du référendum sur la réforme du système politique italien représente une menace existentielle pour l'UE. L'Italie n'a quasiment pas changé ces dix dernières années. Et elle ploie aujourd'hui sous les dettes. Malgré tout, 60 pour cent des votants ont préféré exprimer leur frustration de voir leurs conditions de vie se détériorer plutôt que de soutenir de véritables changements. Ils ont ainsi répondu à l'appel d'une coalition hétéroclite, formée du populiste Beppe Grillo, du milliardaire Silvio Berlusconi, du séparatiste Matteo Salvini et du libéral Mario Monti. Un groupe qui n'a pourtant proposé aucun programme alternatif. ... Le Premier ministre italien avait en revanche été l'un des derniers chefs de file de l'UE, le partisan d'une Europe fédérale. Il était même prêt à céder de nouvelles compétences nationales à Bruxelles.»
Aux technocrates de sauver à nouveau l'Italie
Dans la situation actuelle, il ne reste qu'une solution à l'Italie, assure Le Monde dans son éditorial :
«En d’autres temps, cette chute de Renzi n’aurait été qu’une péripétie romaine. Las, les marchés financiers sont nerveux et les banques italiennes en mauvaise santé fragilisent l’euro. L’arrivée au pouvoir de Beppe Grillo serait une catastrophe, mais l’Italie n’en est pas là : il est impossible de convoquer rapidement des élections, faute d’un mode de scrutin électoral validé. L’Italie devrait donc recourir à un gouvernement technique, comme ce fut le cas en 2011 avec Mario Monti, après la chute de Berlusconi, puis avec Enrico Letta, faute de majorité claire après les élections de 2013. Elle le fait trop souvent. C’est le symptôme d’un pays à la démocratie malade. Mais c’est à court terme la seule issue pour ne pas rebasculer dans l’inconnu.»
Le jeu risqué de Renzi
Le Premier ministre Italien a pris un risque considérable à un moment délicat, juge Le Point :
«L'Italie réunit tout ce qui fournit le terreau du populisme : la stagnation économique, la paupérisation de la population, la crise des classes moyennes, le désarroi identitaire, la montée des menaces sur la sécurité. Elle en est ainsi devenue l'une des terres d'élection, du Movimento Cinque Stelle de Beppe Grillo à la Lega Nord. Or c'est bien le spectre du populisme qui hante le référendum du 4 décembre. C'est dire le risque pris par Renzi en transformant le référendum en plébiscite sur son action et en annonçant sa démission en cas d'échec. Il s'est désigné comme le bouc émissaire du grand malaise des Italiens.»
Le coup de grâce pour l'UE ?
Si la démission de Renzi devait déboucher sur des élections anticipées, la situation pourrait devenir catastrophique, juge l'auteur italien Mario Margiocco :
«Les eurosceptiques du Movimento Cinque Stelle et les populistes d'extrême droite de la Lega Nord ne sont pas des alliés ; les deux formations alimentent un sentiment anti-système et réclament des 'solutions nationales' aux problèmes italiens - à commencer par le retour de la lire. Dans l'hypothèse d'élections anticipées, les deux partis pourraient unir leurs forces et soutenir un nouveau gouvernement qui organiserait un référendum sur le maintien ou non de l'Italie dans l'UE. Or une sortie de l'Italie de l'UE pourrait sonner le glas du projet européen. ... Comme en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, le 'changement' est aussi un mot magique en Italie actuellement. Or personne n'envisage vraiment le changement. ... 'Ne changez pas seulement la Constitution, changez tout !', scandaient les partisans du non. Or la volonté de tout changer n'est en fin de compte qu'une façon de préserver les choses en l'état.»
Les Cassandre s'en donnent à cœur joie
Le catastrophisme permanent est déplacé, même dans le cas de l'Italie, commente Jutarnji list :
«Le référendum italien a été jugé dangereux parce qu'il pouvait entraîner la chute du gouvernement. Quelle absurdité ! Comme s'il s'agissait du premier gouvernement italien à être renversé. Au contraire, dans le système italien d''instable stabilité', Renzi fait plutôt partie des dirigeants qui se sont maintenus longtemps au pouvoir. 'Oui, mais si Renzi part, alors l'anti-européen Beppe Grillo arrivera au pouvoir !' Et pourquoi n'arriverait-il pas au pouvoir, d'une manière ou d'une autre ? Grillo aurait été élu au plus tard aux élections du printemps 2018 si les choses étaient restées à peu près en l'état. Tout ce cinéma est donc le fait d'alarmistes qui, la Grèce n'ayant pas quitté la zone euro et l'UE ne s'étant pas effondrée après le Brexit, s'empressent d'élaborer un nouveau scénario du chaos, en attendant de nous terroriser avec l'arrivée de Trump à la Maison-Blanche et l'avenir politique d'Angela Merkel.»
Le peuple a besoin de sécurité
Le journal de gauche Il Fatto Quotidiano avait pris parti pour le non au référendum. Stefano Feltri, vice-directeur du quotidien, voit dans l'issue du vote une victoire du peuple :
«Si l'on additionne les voix des deux partis estampillés 'anti-système', Movimento Cinque Stelle et Lega Nord, on arrive à environ 40 pour cent. Or le pourcentage du non au référendum sur la Constitution est bien plus important. Cela montre que le rejet de la réforme (ou bien le rejet de Renzi) n'est pas en adéquation avec les positions extrêmes. ... Dans un monde de plus en plus sombre et de plus en plus incertain, les Italiens ont cherché à se protéger derrière les rares barrières qui subsistent encore. Des barrières qui avaient été érigées pour défendre les valeurs qui sont justement remises en cause aujourd'hui. Des barrières qui avaient été établies par la Constitution, par des professeurs et par cette religion civile qui forme le liant de l'Etat et de la communauté. La seconde raison de la défaite de Renzi, c'est qu'il a sacrifié l'agenda du pays pour favoriser le sien.»