Les lendemains difficiles du dîner de travail sur le Brexit
La révélation d'un entretien confidentiel entre la Première-ministre britannique Theresa May et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker la semaine passée fait de plus en plus de vagues. Selon ces fuites, la gravité des divergences entre les deux camps au sujet des conditions de négociation sur le Brexit était connue avant même le sommet européen. De l'avis des commentateurs, l'UE a délibérément provoqué l'escalade, soufflant ainsi dans les voiles des pro-Brexit.
Un clash voulu
Le "Desaster-Dinner" pourrait avoir de fâcheuses conséquences, redoute taz, qui pointe la responsabilité de Merkel et des autres chefs de gouvernement de l’UE :
«Car ils savaient pertinemment que leur ligne de conduite et les plans de May étaient diamétralement opposés. Juncker avait informé la chancelière allemande Angela Merkel de son entrevue et du clash qu’il fallait craindre. Mais Merkel et les autres chefs n’ont rien fait pour calmer le jeu. Au lieu de faire un pas vers May, ils ont essayé de la coincer. Ils n’ont pas présenté de plan B pour l'éventualité d'un échec des négociations, ils se sont tout simplement tus. Il faut croire qu’il leur importait davantage de simuler l’unité. Mais cela aussi, c’est une illusion. Car au plus tard quand on abordera les choses sérieuses – l’argent et les institutions européennes convoitées – le retour à la réalité menace d’être rude.»
Une UE hypocrite et mal élevée
Le comportement privilégié ces derniers jours par l’UE et le président de la Commission Jean-Claude Juncker jette sur eux le discrédit, lit-on dans The Times :
«Après le repas pris à Downing Street la semaine passée, le grand représentant luxembourgeois de Bruxelles a trouvé opportun, en guise de remerciement, de faire savoir à la presse allemande que May vivait dans une autre galaxie. ... Nous avons d’une part May, qui a un comportement approprié, offre un repas et se montre accommodante, dans la ferme résolution toutefois de ne pas se laisser bousculer par des provocations. En face nous avons la Commission, qui répond par des insultes et exige 100 milliards d’euros. ... Cette hypocrisie est le fait de ceux qui ont inventé l'euro et les frontières de Schengen grandes ouvertes, qui ont précipité dix millions d'Européens du Sud dans la misère après l'adoption de l'euro et qui ont contribué à créer des conditions telles que 40 pour cent des Français voteront ce week-end pour une fasciste notoire. Et ils ont le toupet de dire que les Britanniques se bercent d’illusions.»
L'arroseur arrosé
Selon Delo, le "dîner Brexit" poussera May à se montrer encore plus intransigeante dans les négociations :
«L’épisode avec Jean-Claude Juncker a stimulé la motivation de May ces derniers jours. Un épisode qualifié dans les couloirs de Westminster d’erreur de la part de l’UE, et que les électeurs britanniques ne sont pas prêts d’oublier. Ils ne l’oublieront pas pour la simple raison que la Première ministre et son équipe ne manqueront pas une occasion de le leur rappeler. La tentative de la Commission de doucher les attentes élevées du camp adverse en divulguant des détails des entretiens confidentiels pourrait s’avérer être un cadeau pour les eurosceptiques britanniques et tous ceux qui pensent qu’une sortie de l’UE sans accord serait la meilleure issue. De plus, cette attitude pourrait durcir encore les positions britanniques et souder l’opinion sur des questions importantes encore en suspens.»