Quelle réponse à l'extrême droite en Europe ?
Onze millions d'électeurs ont donné leur voix au Front National, formation d'extrême droite. Bien qu'elle ait été clairement mise en minorité au second tour, les présidentielles francaises ont surtout montré une chose : la force de persuasion que les populistes pouvaient développer en Europe. Si certains pointent qu'il ne faut pas sous-estimer le danger qu'ils représentent pour la démocratie, d'autres les considèrent comme des protagonistes à part entière sur l'échiquier politique.
La nostalgie d'un dirigeant fort
Le danger que représente l'extrême droite est loin d'avoir été écarté, souligne Naftemporiki, expliquant pourquoi les électeurs la plébiscitent :
«Les citoyens se tournent vers des partis et des candidats qui remettent en cause des principes démocratiques et des droits fondamentaux qui passaient pour être évidents jusqu'à aujourd'hui. Une partie considérable de la population est séduite par des dirigeants qui font preuve de poigne, qui évoquent des ennemis susceptibles de menacer nation, identité et cohésion. Si certains électeurs votent pour ces partis parce qu'ils partagent leurs idées, nombreux sont ceux qui le font pour protester contre un système qui ne les entend pas. Ils le font avec la conviction que ces politiques ne mettront pas en œuvre tout ce qu'ils annoncent. ... Invoquant l'argument suivant : le Parlement, la justice et les institutions les empêcheront de réaliser leurs projets.»
L'optimisme contre le nationalisme
Dans De Volkskrant, le chroniqueur Bert Wagendorp ne partage pas le pessimisme et les réticences formulées à l’endroit du nouveau président français, qui inaugure selon lui une nouvelle ère :
«Les populistes espéraient obtenir bien plus. Après le Brexit et la révolution trumpiste, ils se croyaient déjà 'masters of the universe'. Or le peuple, cette masse mystérieuse que prétendent invoquer les enjôleurs de ce monde, n’est pas aussi facile à séduire qu’ils s’y attendaient. .... Dans les analyses, on ressent l’étonnement suscité par la victoire du candidat modéré. De toute évidence, nous avons besoin de davantage de temps pour nous rendre compte que le populisme n’est pas un rouleau-compresseur inéluctable et qu’il est possible d’y répondre. Nous devons retrouver notre optimisme, contre le pessimisme invétéré et la menace nationaliste des populistes. ... Je crois que Macron peut montrer à la France et à l’Europe la voie à suivre… Et je crois qu’avec du recul, nous considérerons 2017 comme une année charnière, l’année de la révolution. En Marche !»
Il ne faut pas ostraciser l'électorat lepéniste
La politique aurait tort d’oublier tous ces électeurs qui ont suivi Marine Le Pen, met en garde le politologue Valentin Naumescu sur le portail de blogs Contributors :
«Ces électeurs sont eux-aussi des citoyens de France et de l’UE, eux-aussi sont des contribuables qui méritent des réponses crédibles à leurs préoccupations. Le 7 mai, Marine Le Pen a recueilli presque onze millions de voix, soit le double du score réalisé par son père au second tour des présidentielles de 2002, où seuls 17,8 pour cent des électeurs avaient voté pour le leader d’extrême-droite. La vague populiste, extrémiste et anti-européenne n’est pas retombée. Au contraire, les chiffres montrent qu’elle n’a jamais été aussi haute. Mais ce printemps a apporté à l’UE un grand bol d’oxygène, nécessaire à sa survie, et surtout un délai de grâce essentiel. C’est pour elle l’occasion de se transformer en une organisation qui renoue avec la crédibilité, s’adapte aux nécessités du XXIe siècle et satisfasse ses citoyens.»
Les populistes enrichissent le débat politique
Si les forces populistes sont inaptes à gouverner, elles apportent des stimuli importants au monde politique, assure Il Giornale, quotidien national-conservateur et proche de Berlusconi :
«Les partis radicaux remplissent une fonction dans la mesure où ils peuvent compléter l'offre politique, mais ni ces partis ni leurs leaders ne peuvent prétendre exercer le pouvoir. ... Cela ne veut pas dire que ces partis soient inutiles, au contraire. Leur fonction d'aiguillon permanent, leur capacité à saisir sans préjugés les sentiments et les besoins les plus profonds peuvent contribuer, comme l'enseigne l'histoire du centre-droit italien, à empêcher que les partis dominants ne perdent contact avec la réalité. ... Le vote de dimanche ne marque donc pas la mort du populisme ; il s'agit plutôt de la fin de l'idée selon laquelle le populisme peut constituer une majorité autonome, et ce pour une raison simple : si les wagons d'un train peuvent brinquebaler, le personnel de la locomotive doit par contre être fiable, expérimenté et rassurant si l'on veut éviter le déraillement du convoi.»