Toujours pas de nouveaux crédits pour la Grèce
Une décision sur l'octroi de nouvelles aides à la Grèce devrait enfin être prise le 15 juin, à l'occasion de la réunion des ministres des Finances de la zone euro. Mais vu la mésentente régnant parmi les créanciers, les commentateurs européens sont peu optimistes quant à l'avenir.
L'Allemagne veut ramasser les miettes
Pour La Repubblica, la stratégie de Schäuble est évidente :
«Juste avant la rencontre, il avait attaqué Athènes et reproché au Premier ministre Alexis Tsipras de ne pas soumettre les armateurs à l'austérité et de ne ponctionner que les plus démunis. ... La perspective que l'Allemagne, après avoir mis la main sur le système aéroportuaire grec, s'empare désormais de la dernière industrie du pays, éveille de sombres souvenirs. Comme le plan Morgenthau, qui entendait transformer l'Allemagne, après la guerre, en un Etat purement agricole. Une version Schäuble du plan Morgenthau est la dernière chose dont ont besoin les Grecs et l'UE.»
Un an à tenir
Eleftheros Typos, pour sa part, appelle le gouvernement hellénique à agir enfin :
«Il faudra attendre jusqu'à l'été 2018 pour avoir une réponse sur la question de la dette. La BCE continuera pour l'instant d'exclure la Grèce de son programme d'assouplissement quantitatif, et la seule chose que Tsipras peut espérer, c'est un retour du pays sur les marchés. ... Pour que ceci soit possible, il faudra que revienne la confiance dans l'économie, que les investisseurs acquérant des obligations aient la certitude de récupérer leur argent dans les trois à cinq années suivantes. Or les conditions ne sont pas réunies aujourd'hui, comme le montrent l'absence d'investissement et la fonte permanente des dépôts bancaires. ... La Grèce devra avoir retrouvé un plein accès aux marchés financiers d'ici la fin du troisième programme d'austérité. Nous devrons donc assurer le service de la dette ces douze prochains mois.»
Personne ne veut sauver la Grèce
Les partenaires européens refusent ostensiblement de mener des négociations sérieuses, critique l'économiste Michel Husson dans l'hebdomadaire Alternatives Economiques :
«La manière dont on ballade ainsi la Grèce (prochaine réunion le 15 juin) montre qu’il faut cesser de parler de négociations. Le ministre grec pourrait aussi bien être absent des débats où s’opposent les points de vue du FMI et de la Commission européenne. Les voies d’un compromis ne sont jamais explorées, alors même qu’en février dernier, le FMI faisait des propositions précises pour rétablir la soutenabilité de la dette grecque : allongements des maturités allant de 10 à 30 ans ; report des paiements d’intérêt jusqu’en 2040 ; plafonnement des taux d’intérêt à 1,5 pour cent pendant 30 ans. ... Que ce type de compromis paraisse aujourd’hui hors de portée permet de mesurer la violence faite au peuple grec.»
Un accord avec Athènes reste prioritaire
Les ministres des Finances de la zone euro ont toujours peur des potentielles répercussions négatives de la remise de dette sollicitée par Athènes, commente Adelina Marini sur son blog euinside :
«Ceci révèle avant tout un manque de confiance. L'Allemagne et les Pays-Bas, notamment, craignent qu'un allègement de la dette grecque fasse obstacle aux réformes dans le pays et ait un effet démoralisateur sur d'autres Etats surendettés de la zone euro. C'est aussi la raison pour laquelle on ne se hâte pas de promouvoir une intégration accrue de la zone euro. ... A court terme, il faudra néanmoins que l'on se mette d'accord d'ici le 15 juin, de sorte que la prochaine tranche d'aide de 7,3 milliards d'euros puisse être versée à la Grèce au mois de juillet. Dans le cas contraire, tous les efforts fournis jusque-là auront été vains.»
Les promesses éhontées de Tsipras
Tsipras avait promis de porter la cravate quand la question de la dette serait résolue, et il a indiqué la semaine dernière que ce jour approchait. Une affirmation à l'emporte-pièce, juge le portail Protagon :
«Tsipras n'a pas peur de faire des prévisions arrogantes. Il est prêt à accepter tout ce qu'on lui propose sur la question de la dette pour pouvoir présenter cet accord comme une nouvelle 'success story'. ... De la même façon qu'on avait célébré au préalable l'accord qui devait être prétendument conclu lundi - ce qui n'a pas été le cas - on célébrera l'accord qui sera soi-disant conclu en juin, quelle que soit la solution adoptée. Les mêmes personnes qui, depuis les rangs de l'opposition, avaient conspué la plus grande restructuration de la dette qu'ait connue notre économie [l'accord dit PSI en 2012, qui correspondait à une décote] pour la défendre ensuite lors de leur arrivée au pouvoir, célèbrent un accord bien plus limité et assorti d'un impitoyable programme d'austérité.»
La Grèce victime de la campagne électorale allemande
Le sort de la Grèce dépend une nouvelle fois de Berlin, constate Süddeutsche Zeitung :
«Cela a déjà souvent été le cas ces sept dernières années. Mais cette fois-ci, un cocktail dangereux de realpolitik et de stratégie électorale vient compliquer la recherche d'une solution. D'un côté, Merkel doit faire en sorte que le FMI participe au troisième programme de crédits - faute de quoi elle bafouerait une décision prise par le Bundestag. D'un autre côté, la campagne des législatives a déjà commencé, ce qui limite considérablement la marge de manœuvre politique. ... Un peuple entier devient ainsi victime d'une campagne électorale. Plus le bras de fer relatif à un allègement de la dette traînera en longueur, plus il sera difficile pour la Grèce de capitaliser sur le succès des réformes menées jusque-là. La confiance ne peut pas revenir tant que l'incertitude subsiste. Qui serait prêt à investir dans un pays dont le sort reste aussi imprévisible ?»
Permettre à la BCE de racheter la dette grecque
Le Monde entrevoit une issue au drame de la dette de la Grèce :
«L’idéal serait un effacement en bonne et due forme d’une partie de la dette grecque. Ce scénario est impraticable avant les élections allemandes et sans doute après. On se dirigera vers un allongement des prêts et une baisse des taux d’intérêt. Il existe une seconde voie, moins glorieuse, mais très efficace : permettre à la Banque centrale européenne de racheter la dette grecque comme elle le fait avec les autres pays de la zone euro. La manœuvre, qui exige pour des raisons techniques la présence du Fonds monétaire international, permettrait de baisser les taux d’intérêt grecs et rendrait possible le retour d’Athènes sur les marchés financiers. La Grèce sortirait ainsi de dix années calamiteuses de soumission.»