Macron a-t-il trop forcé sur la mise en scène ?
S'adressant aux deux chambres du Parlement à la tribune du Congrès à Versailles, le président français Emmanuel Macron a revendiqué une "voie radicalement nouvelle" en politique. Il veut notamment proposer une dose de proportionnelle aux législatives, réduire le nombre de députés et lever l'état d'urgence proclamé en 2015. Tant la mise en scène que les contenus de son discours d'orientation ont suscité des commentaires contrastés dans la presse.
Des airs de Roi-Soleil
La prestation de Macron rappelle celle d'un monarque absolu, ironise ABC :
«Il tient la bride haute au législatif, dont il rogne les pouvoirs, mais ce n'est pas tout : la prérogative de l'Assemblée se limitera dorénavant à l'évaluation et au contrôle des lois déjà votées, sans toutefois prévoir l'élaboration de textes de lois ; il envisage également d'organiser des référendums, au besoin, pour échapper au carcan parlementaire. Et de réduire le nombre de parlementaires. Le président français n'est pas entré dans les détails. Le discours était une déclaration de principe et une mise en scène de son pouvoir. Macron est pressé. Il veut se faire entendre et se faire respecter. D'ici un an, il veut avoir matérialisé les lois sur le renouvellement des institutions et d'ici là, avoir supprimé la Cour de Justice de la République, organe habilité à juger les membres du gouvernement pour l'exercice de leurs fonctions. Hier, le jeune président jupitérien s'est glissé dans le costume du Roi-Soleil.»
L'effet boomerang des critiques à Macron
Frankfurter Allgemeine Zeitung récuse le 'reproche monarchique' adressé à Macron :
«Les présidents français ont peut-être parfois tendance à prendre des postures de monarques républicains. Mais le pays n'est sûrement pas sur la voie du despotisme. D'aucuns exagèrent la critique envers Macron, qui a tant de prestance, bien qu'il ait sans doute un certain penchant pour la mise en scène. Ce qui importe maintenant, c'est de mettre en marche une nouvelle dynamique et d'organiser les majorités pour la politique qui s'impose. Les critiques adressées à Macron ont un effet boomerang : elles se retournent contre ceux qui sont responsables de tant d'années de marasme, voire de régression. C'est précisément ce qu'évoque le nouveau président quand il prône une 'voie radicalement nouvelle'.»
Un président qui veut secouer la France
Le discours de Macron pourrait effectivement impulser un renouvellement à la France, lit-on dans Tages-Anzeiger :
«Son projet n'est pas révolutionnaire, comme il l'avait affirmé. Mais les réformes institutionnelles annoncées sont raisonnables, et la force de la jeunesse du président pourrait donner au pays la décharge électrique dont il a tant besoin. ... Macron a un atout : l'écrasante majorité dont jouit son parti LREM à l'assemblée. Et contrairement à Hollande, il a compris combien il était important de s'atteler aux réformes dès le début de son mandat. Enfin, les Français sont à tel point déçus du statu quo que la promesse d'une rupture génère une grande force d'attractivité.»
La volonté d’agir absente à l'appel
Le discours d'orientation était trop vague, critique Libération :
«Dans un discours trop long prononcé en moderato continuo, le président de la République a quelque peu déçu les attentes qu'il avait lui-même créées en programmant cette intervention solennelle devant le Congrès rassemblé. ... Tout en promettant de ne pas biaiser avec le réel, Emmanuel Macron a pris la diagonale du flou. Non que son propos soit médiocre ou simpliste. Au contraire, le langage fut soutenu. Mais l'éloquence parlementaire dans cette vieille République du verbe mérite plus de contrastes, de formules frappées, de péroraisons et de ruptures de ton. ... il faut attendre le discours d'Edouard Philippe pour espérer retrouver cette volonté d'agir, proclamée hier avec tant d'insistance et si peu illustrée.»