Macron peut-il promouvoir la paix en Libye ?
Sous la médiation du président français Emmanuel Macron, le gouvernement d'union nationale (GNA) libyen a négocié un accord de cessez-le-feu avec son principal rival dans la guerre civile. Le chaos règne en Libye depuis la chute du colonel Kadhafi en 2011 et une réunification du pays divisé est considérée comme un facteur déterminant pour résoudre la crise migratoire en Méditerranée. Les commentateurs restent néanmoins sceptiques quant à l'initiative de Macron.
Pas de compromis en vue
De Telegraaf craint que le cessez-le-feu négocié par le chef du gouvernement d'union nationale (GNA) Fayez Al-Sarraj et le général Khalifa Haftar reste sans effets :
«Il paraît peu probable que les deux parties renoncent à leur petit royaume respectif. Al-Sarraj, notamment, a peu d'influence sur les milices. ... Le général Haftar contrôle la majeure partie du pays et a menacé de conquérir Tripoli, la capitale, avant la fin de l'année. Le 'nouveau Kadhafi' n'est pas du genre à vouloir partager le pouvoir. ... Il doit par ailleurs présenter cet accord au Parlement, généralement récalcitrant, sis dans la ville orientale de Tobrouk, tandis qu'un troisième gouvernement - basé à Tripoli - a été exclu des négociations. 'L'accord historique' de Paris a surtout été une belle occasion photographique pour Macron.»
Des pourparlers sans risques
Macron tente de déblayer le champ de ruines laissé par Sarkozy en Libye, explique Diário de Notícias :
«L'ironie, c'est que le président français cherche à rétablir ce que Nicolas Sarkozy [lors de son intervention militaire contre le régime Kadhafi en Libye] avait détruit - l'unité de la Libye, sa viabilité en tant que pays. ... En organisant une rencontre entre deux dirigeants rivaux, le Premier ministre reconnu par la communauté internationale Fayez Al-Sarraj et le général rebelle Khalifa Haftar, Macron ne prend pas de gros risque, car la situation pourrait difficilement devenir plus grave qu'elle ne l'est déjà. ... Et si la paix devait l'emporter, Macron pourra alors en cueillir les lauriers.»
Il fallait impliquer l'Italie
Macron a commis une grave erreur en laissant l'Italie sur la touche, peut-on lire dans Ouest-France :
«Sans le concours de l'Italie, les promesses de Sarraj et Haftar, aussi louables soient-elles sur le papier, risquent aussi de s'enliser dans les sables libyens, si mouvants. La crise libyenne, enjeu de sécurité majeur aux portes de l'Europe, est trop explosive pour creuser de nouvelles divisions entre Européens. La crise migratoire est trop vaste pour penser la résoudre avec quelques patrouilles dans les Alpes-Maritimes. A moins de vouloir favoriser la droite radicale aux prochaines élections italiennes, ou la résurrection de Berlusconi.»
Macron se pose en artisan de la paix
Le président français sait comment soigner son image, commente Il Sole 24 Ore :
«Il est évident que Macron est le premier à profiter de cette rencontre. ... Elle renforcera le prestige du président, dans son rôle d'interlocuteur privilégié pour une grande partie du Maghreb et du Sahel, où Paris dispose d'importants intérêts militaires, économiques et financiers. ... La feuille de route pour un cessez-le-feu, les élections de 2018 et la lutte contre le trafic de migrants - tout ce qui a été convenu n'est qu'un 'document de travail', pas un accord, comme le président français l'a lui-même reconnu. ... En Libye, il est impossible de trouver des solutions simples dont on puisse s'enorgueillir. Mais ce n'est pas cela qui empêche Macron d'employer les grands mots : il évoque 'une victoire de la paix et un moment historique'.»
Les efforts louables de Rome et Paris
La Vanguardia espère que le soutien de la France et de l'Italie aidera la Libye à sortir de l'impasse :
«Le sommet s'est soldé par un accord de cessez-le-feu. Il convient de saluer prudemment ce résultat, et d'attendre de voir sa mise en œuvre sur le terrain. Il en va de même pour la volonté d'organiser des élections 'aussi tôt que possible' - car le flou de cet engagement n'invite pas à l'optimisme. Pourtant, les lignes bougent en Libye. ... Une tâche très délicate attend le négociateur de l'ONU, Ghassan Salamé. Mais il a un avantage par rapport à ses prédécesseurs : l'appui résolu de la France et de l'Italie qui, pour des raisons diverses, se sont fixées pour objectif de pacifier la Libye et d'empêcher que le pays ne sombre définitivement dans le chaos.»