Quel écho au discours de Trump à l'ONU ?
Dans sa première allocution devant l'Assemblée plénière des Nations unies, le président américain a menacé de "détruire totalement" la Corée du Nord et préconisé un ordre mondial basé sur des "Etats-nations souverains". Après ce discours inhabituel devant une institution dont le rôle est de veiller à la coopération internationale, certains journalistes se montrent horrifiés, d'autres ravis.
Le président américain a convaincu
L'effet du discours au niveau national et international est assuré, se réjouit John Moody, rédacteur en chef de Fox News, sur le site de la chaîne :
«On a vu le président du peuple, parlant pour le peuple. Son discours sera qualifié d'agressif par certains observateurs. Et alors ? Trump a montré que s'il est disposé à passer des accords, il peut aussi recourir à la force, comme il l'a fait en Syrie. Son allocution est susceptible de restaurer la foi et l'enthousiasme de ses partisans, et de donner aux autres dirigeants mondiaux un meilleur aperçu de la véritable nature de ce président étrange, inconventionnel - qui dispose de l'armée la plus puissante de la planète.»
Des menaces qui exacerbent les tensions
Pour China Daily, cette intervention n'avait rien de constructif :
«Trump a parlé d'un 'groupe d'Etats voyous' qui seraient 'le fléau de notre planète', et il a appelé l'ONU à isoler davantage la Corée du Nord. La dangereuse impasse actuelle est pourtant le résultat de la volonté de Pyongyang et de Washington à poursuivre leurs propres intérêts, sans tenir compte des efforts fournis par les autres pays pour inciter les deux rivaux à dialoguer. En menaçant de 'détruire totalement' la Corée du Nord, Trump ne fait donc qu'aggraver une situation déjà instable. ... En cette période 'd'immenses promesses et de grands dangers', Trump ferait mieux de réfléchir aux moyens d'améliorer la diplomatie américaine, et pas seulement vis-à-vis des pays désireux de le suivre. Car depuis sa prise de fonction en janvier dernier, Trump n'a fait qu'exacerber la confusion et l'incertitude dans le monde.»
Un monde florissant d'Etats souverains ?
Pour le portail Vzglyad, l'allocution américaine a été un rejet de la mondialisation :
«Trump conçoit un nouvel ordre mondial qui n'a rien à voir avec la mondialisation - il reste ici fidèle à lui-même. Il est opposé à ce phénomène et veut restituer à l'Amérique sa souveraineté perdue. Cela, il le propose également aux autres Etats : consolidez-vous, construisons ensemble un monde sûr et florissant fait d'Etats souverains. Trump veut bâtir le leadership américain sur de nouveaux principes. L'Amérique ne devra plus être l'avant-garde de la mondialisation, censée mener le monde vers un avenir doré, grâce à l'armée, Hollywood et au dollar. En tant que première puissance mondiale, son rôle sera plutôt de protéger les intérêts d'autres puissances souveraines face à leurs rivales régionales : Iran, Chine ou Russie.»
Trump n'a que faire de l'ordre juridique international
Le nationalisme façon "America First" appliqué au niveau international est extrêmement dangereux, juge De Volkskrant :
«Le mot-clé sans cesse répété par Trump était 'souveraineté'. Il explique ce principe par la nécessité de ne pas imposer ses propres valeurs aux autres pays. Cela a certainement dû plaire aux Etats antidémocratiques. Même si le plaidoyer de Trump est en contradiction avec sa menace d'intervenir au Venezuela, au prétexte que le régime réprime la population. ... Le nationalisme international de Trump est le meilleur moyen de détruire l'ordre juridique mondial. C'est l'évocation d'un monde dans lequel chacun fait ce qu'il veut.»
Un danger pour l'humanité
Gândul se dit choqué par les propos de Trump à la tribune de l’ONU :
«Menacer un pays, même s’il s’agit de la Corée du Nord, de 'destruction totale', cela fait froid dans le dos. A plus forte raison lorsque cette menace émane du président d’une des plus grandes puissances militaires et nucléaires au monde. Et qu’elle est exprimée nulle part ailleurs que devant l’ONU, une organisation dont la mission première est de trouver des solutions politico-diplomatiques. Il est affligeant que le chef de la Maison-Blanche poursuive sa 'diplomatie Twitter' à la tribune de l'ONU. Cet homme a besoin d’aide, de toute urgence, cela devient de plus en plus évident. Donald J. Trump, qui brandit la menace d’une frappe nucléaire, est un danger non seulement pour un pays isolé qu’il veut effacer de la surface de la Terre, mais pour l’ensemble de l’humanité.»
Une rupture avec les traditions
Les menaces proférées par Trump sont inédites, juge aussi Laurent Joffrin, rédacteur en chef de Libération :
«Certes, la doctrine d’emploi du feu atomique par les Etats-Unis prévoit bien la possibilité d’une riposte mortelle en cas d’atteinte aux intérêts vitaux américains ou à ceux de ses alliés. Mais il est de tradition prudente dans ces 'parties au bord du gouffre' que sont les affrontements entre nations nucléaires de choisir ses mots et d’éviter toute escalade intempestive. C’est aussi en mesurant soigneusement ses propos que John Kennedy avait désamorcé la crise des missiles à Cuba. D’une seule phrase tonitruante, Trump jette à la rivière toute une tradition de retenue stratégique et verbale.»
La destruction plutôt que le leadership
Politiken n'entrevoit rien de positif dans le premier discours de Trump à l'ONU :
«Ceux qui espéraient que Donald Trump puisse encore faire mentir sa réputation ont subi une douche froide pendant les 41 minutes qu'a duré son discours. On y a vu un président qui accordait davantage d'importance aux menaces et aux insultes qu'à la réconciliation et à la clairvoyance. Trump a ainsi mis en exergue les changements survenus en un peu moins d'un an dans la politique extérieure et la défense américaines : de l'anticipation à la destruction. ... Quid du climat ? Tandis que de nouvelles tempêtes dévastaient les Etats-Unis, Trump persistait à nier le changement climatique. ... Il semblerait que l'Amérique soit en passe de remplacer un leadership de plusieurs décennies par une instabilité destructrice. »
Aussi agressif que pendant la campagne
Le "speech" du président américain a révélé son mode de pensée, écrit Tages-Anzeiger :
«Trump n'est pas un idéologue ; il n'a pas évoqué une seule fois les droits de l'homme et les valeurs américaines, comme l'ont fait d'autres présidents avant lui. L'essence du propos de Trump, c'est que chacun doit s'occuper de ses propres affaires, chacun doit faire ce qu'il veut au sein de ses propres frontières. Et ceux qui ne respectent pas ces principes en payent le prix. Trump s'est adressé ici à sa base républicaine : de façon bruyante, agressive et peu diplomate. C'est de cette manière qu'il a remporté les élections et c'est ainsi qu'il entend continuer à gouverner. Il est peu probable cependant qu'il parvienne à s'imposer au sein de la communauté internationale en tenant de tels propos. Les représentants des 193 pays présents à l'ONU n'ont eu de cesse de froncer les sourcils. Il faudra d'abord qu'ils s'habituent au ton de Trump.»