Vers la résiliation de l'accord sur le nucléaire iranien ?
Le président américain Donald Trump a indiqué qu'il se prononcerait d'ici mi-mai sur la résiliation de l'accord sur le nucléaire iranien. La semaine dernière, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a reproché à l'Iran d'avoir menti lors de la conclusion de cet accord et de vouloir réactiver son programme nucléaire à un moment donné. Les commentateurs évoquent les intérêts des différents protagonistes.
Poutine en gagnant du litige
Un pays en particulier profiterait de la résiliation de l'accord sur le nucléaire iranien, fait remarquer le journaliste Ivan Iakovina dans Novoïé Vrémia :
«Un effet d'ores et déjà assuré, c'est l'envolée des prix du pétrole. Les hausses actuelles sont déjà impressionnantes. Les acteurs du marché comprennent qu'en cas d'arrêt des livraisons de pétrole en provenance du Golfe persique, le monde serait privé d'un tiers de son approvisionnement. Ce qui occasionnerait un déficit gigantesque et une flambée des prix. Mais à qui cela profiterait-il ? A tous les autres fournisseurs de carburant, Russie en tête. Si le pétrole devait être négocié au double ou triple du prix actuel, le régime de Poutine pourrait gager sur une existence tranquille ces prochaines années. Je me demande parfois si Moscou ne paye pas Trump, pour que celui-ci menace au moins l'Iran.»
Qui veut quoi dans le conflit iranien ?
Dans le litige sur le nucléaire iranien, les protagonistes ont des intérêts très divers, souligne Federico Rampini, correspondant de La Repubblica aux Etats-Unis :
«Le président américain Donald Trump soutient Israël, car c'est dans l'ADN de l'aile droite du Parti républicain (fondamentalistes protestants inclus). Impliqué dans des affaires de corruption, le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou cherche à générer une crise étrangère pour faire diversion. ... Et ce qui intéresse avant tout les Européens, c'est la possibilité de commercer à nouveau avec l'Iran - d'autant plus que de nombreuses entreprises allemandes, françaises et italiennes ont déjà, lors de périodes plus clémentes, pris racine en Iran.»
Sans le vouloir, Nétanyahou justifie l'accord
The Irish Times estime que la présentation de Nétanyahou atteste le bon fonctionnement de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran :
«La prestation de Nétanyahou avait un seul et unique destinataire. Donald Trump doit en effet décider le 12 mai s'il rétablit les sanctions, levées dans le cadre de l'accord passé avec l'Iran. ... La présentation avait vocation à pousser le président des Etats-Unis à abandonner un accord qu'il rejette de toutes façons depuis longtemps. Or en soulignant que l'Iran a cessé ses activités nucléaires militaires depuis la signature de l'accord, le Premier ministre israélien a apporté sans le vouloir un argument de taille en faveur de son maintien.»
Les visées occidentales au Proche-Orient
Les Etats-Unis et Israël veulent attaquer l'Iran dans l'optique de créer un Etat kurde, croit savoir le quotidien proche du pouvoir Milliyet :
«Israël et Trump ont compris qu'ils n'étaient pas arrivés à leurs fins avec la guerre en Syrie. A l'issue des pourparlers d'Astana, la Turquie, la Russie et l'Iran ont trouvé une possibilité d'éteindre (provisoirement) l'embrasement régional qui devait engendrer la création d'un Kurdistan à partir de territoires syriens, irakiens, turcs et iraniens. ... Nétanyahou croit à présent pouvoir rallumer l'incendie en bombardant l'Iran. Tous ses efforts, y compris sa dernière mise en scène, tendent dans ce sens. Les va-t-en-guerre israéliens et américains veulent la création d'un autre Etat entre la Turquie, l'Iran et Israël.»
Un accord déjà lacunaire
Die Welt affirme que les révélations confirment les craintes des détracteurs de l'accord :
«Il comporte de graves lacunes. Si les Européens veulent le conserver, ils devront apporter au gouvernement Trump des arguments plus convaincants que les vieux boniments connus. L'Iran doit être forcé à faire toute la lumière sur ses activités nucléaires, y compris sur celles correspondant à la période non saisie par les documents d'archives. Il faut supprimer la 'date de péremption' des restrictions du programme nucléaire iranien. De même qu'il faut mettre fin au programme de développement de missiles longue portée, qui font partie intégrante des efforts fournis par l'Iran pour se doter de bombes atomiques. Les révélations faites par Israël constituent un levier pour déficeler l'accord en vue de le renégocier. Les Européens devraient saisir au rebond cette chance d'obtenir un meilleur accord.»
En plein dans le mille
L'opération de communication de Nétanyahou a eu l'effet escompté, observe Der Standard :
«La présentation du Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou, qui a fait sourire par sa théâtralité même en Israël, avait en somme un seul destinataire. Nétanyahou a su opposer à l'influence croissante du président français Emmanuel Macron et de la chancelière allemande Angela Merkel auprès de Donald Trump une décharge dissuasive. Lors de leurs visites respectives auprès du président américain, ces derniers avaient essayé de l'amener à ne pas résilier l'accord sur le nucléaire iranien le 12 mai. Il ne fait aucun doute que Trump est sensible à ce genre de mise en scène. Aux experts d'étudier si les archives contiennent le moindre élément nouveau.»
Israël ne recherche pas la paix
L'axe Trump-Nétanyahou est extrêmement funeste, commente El Periódico de Catalunya :
«Israël, pays inventeur de la doctrine de l'imprécision nucléaire (il affirme ne rien savoir, ne répond pas aux questions sur son propre arsenal et n'autorise l'accès à ses centrales nucléaires à aucun inspecteur étranger), accuse l'Iran de mener un programme nucléaire secret et de mentir à la communauté internationale. ... En faisant ce reproche - qu'Israël formule depuis des années - Nétanyahou ne cherche ni à encourager la paix dans le monde, ni à écarter le péril nucléaire. ... Tout porte à croire que Trump décidera d'annuler l'accord sur le nucléaire iranien, ce qui précipitera la région dans une situation d'insécurité et de dangerosité extrême. L'axe Trump-Nétanyahou est un facteur d'insécurité à l'échelle mondiale.»
Des révélations qui arrangent les Etats-Unis
Habertürk souligne que les déclarations de Nétanyahou tombent à point nommé pour Washington :
«L'Iran a-t-il menti ou enfreint ses obligations contractuelles ? Là n'est pas la question. Les faucons et les ennemis de l'Iran aux Etats-Unis n'ont jamais accepté cet accord. Trump l'a qualifié de 'pire accord jamais signé'. Depuis son entrée en fonction, la politique des Etats-Unis au Proche-Orient est dominée par les réserves des Etats du Golfe et d'Israël à l'endroit de l'Iran, dont ils veulent briser la puissance dans la région. C'est pourquoi on s'attend à ce que Trump résilie l'accord le 12 mai.»
L'onde de choc affectera la Syrie
Dans Ukraïnska Pravda, le politologue Kostyantyn Matviïenko table que les publications faites par Israël isoleront à nouveau l'Iran, mais exacerberont aussi le conflit en Syrie :
«Dans deux semaines, le président des Etats-Unis doit prendre une décision sur la suspension pour les six prochains mois de la partie principale des sanctions contre l'Iran, en vertu de l'accord nucléaire. ... Il est quasiment certain que la publication des archives entraînera la révocation de l'accord, ce qui renverra l'Iran au statut de pays isolé, avec les graves conséquences que ceci implique. ... Mais la situation se détériorera surtout en Syrie, où les possibilités de l'Iran de soutenir le régime d'Assad aux côtés de la Russie fléchiront sensiblement. »