L'Autriche ordonne la fermeture de mosquées
L'Autriche a annoncé la fermeture de sept mosquées ainsi que l'expulsion d'une quarantaine d'imams liés à la Direction turque des Affaires religieuses (Diyanet). Le chancelier Sebastian Kurz a déclaré vouloir ainsi mettre fin à la radicalisation et faire appliquer la loi sur l'islam, laquelle interdit depuis 2015 tout financement étranger de l'islam. Une initiative judicieuse pour combattre les ennemis de la démocratie ?
Une politique contre-productive ?
L'annonce de l'Autriche pourrait avoir des effets pervers, pointe Delo :
«Les conséquences que ce genre de mesures risquent d'avoir sur la société sont inquiétantes. Le chancelier Sebastian Kurz a certes dit qu'elles avaient pour objectif de prévenir l'émergence de sociétés parallèles. Or il arrive qu'une politique basée sur des lois discriminatoires engendre cela même qu'elle veut combattre. L'exclusion sociale, ou ne serait-ce que le sentiment d'être exclu, sont généralement à l'origine de l'apparition de communautés parallèles.»
Combattre les extrémistes par des moyens juridiques
Milliyet réprouve également la politique de Vienne :
«On ne peut pas affirmer que l'Europe soit exempte d'organisations prêtes à recourir à la violence au nom de l'islam. Ceci dit, fermer des mosquées et expulser des imams n'est pas la solution. Les services de renseignement et les forces de l'ordre devraient trouver les responsables et les traduire en justice. Ceux contre lesquels pèsent de graves soupçons de financements occultes devraient également comparaître en justice. Quant à ceux qui perçoivent de leur pays d'origine des salaires légitimes et officiels, il faudrait les informer qu'ils doivent se mettre en quête de sources de financement intérieures, faute de quoi ils devront cesser leur activité professionnelle. Telle serait la voie de l'Etat de droit, des droits de l'homme, de la légalité et de la liberté religieuse.»
Une mesure importante contre les ennemis de la démocratie
Spiegel Online juge la manière d'agir de l'Autriche tout à fait défendable :
«On est en droit de critiquer la mise en scène déroutante choisie par le gouvernement pour rendre publique sa procédure. On pourra lui reprocher sa soif d'ovations, dans une ambiance déjà électrique. ... On aurait toutefois tort de céder à un réflexe et de critiquer l'Autriche pour ces décisions, pour la simple raison qu'en l'occurrence, des populistes vilipendent des populistes. Sévir contre des islamistes affiliés au nationalisme turc et contre des salafistes n'est en aucune manière 'l'expression d'une vague islamophobe, raciste et discriminatoire' qui balaierait l'Autriche, ni d'une 'attaque contre la communauté musulmane' dans l'attente d'en 'tirer un maigre avantage politique', comme Erdoğan, sur un mode non moins théâtral, a rétorqué par l'intermédiaire de son porte-parole. Il s'agit d'une mesure visant à combattre les ennemis de la démocratie et de la liberté.»
Une déclaration de guerre aux musulmans
De son côté, Der Standard critique l'initiative du chancelier Sebastian Kurz, qu'il juge dangereuse :
«Entamer la journée par une annonce aussi tonitruante et provocatrice que celle proférée par le chancelier et le vice-chancelier, qui plus est sur le thème hyper sensible des rapports à l'Islam, est très dangereux dans notre monde actuel, prompt à tout simplifier sur un mode superficiel. Quel sera, en effet, l'impact de cette infraction à la loi sur l'Islam constatée par le gouvernement ? 'Les chrétiens ferment nos mosquées' - tel est le message que les musulmans liront et entendront en Turquie, en Europe et en Indonésie. Il s'agit d'une déclaration de guerre, insuffisamment expliquée au monde musulman. De surcroît, elle intervient - manque de tact notoire - peu avant la fin du ramadan.»
La liberté de religion - une farce
Daily Sabah, journal fidèle au gouvernement, fait par de ses réserves, qui ne se limitent pas au niveau juridique :
«Nous assistons à une violation du principe constitutionnel d'égalité devant la loi et de la jurisprudence autrichienne sur le financement des communautés religieuses. ... Sur tout le continent européen mais surtout en Autriche, les musulmans endurent la montée de la xénophobie. Les musulmans européens savant parfaitement que c'est à eux, et non à leurs mosquées, qu'en veut le continent. Dès lors qu'il s'agit de musulmans, il semblerait que l'Europe ne se soucie plus des droits de l'homme, de la liberté de pensée et de religion.»