Schisme Merkel-Seehofer : la fin de la crise ?
En Allemagne, le ministre de l'Intérieur, Horst Seehofer (CSU), et la chancelière, Angela Merkel (CDU), ont mis fin à leur bras de fer sur la question migratoire. L'Allemagne envisage l'instauration de "centres de transit" à sa frontière avec l'Autriche afin d'empêcher l'entrée sur le territoire de demandeurs d'asile déjà enregistrés dans d'autres pays de l'UE et de les renvoyer vers ces pays. Malgré l'accord obtenu, la casse est énorme, juge la presse européenne.
La base de la confiance est détruite
Pour wPolityce.pl, il n'y a que des perdants après cette lutte acharnée :
«Même si l'on peut avoir l'impression que Horst Seehofer est le grand perdant après ces deux semaines de dissensions, Angela Merkel n'a aucune raison d'être satisfaite. Après seulement 100 jours de gouvernement commun, les chrétiens-démocrates se trouvaient au bord de l'abîme. La chancelière a dû comprendre qu'elle était tellement affaiblie qu'elle n'était plus en mesure d'imposer à ses partenaires européens des solutions plus favorables, et que la confiance, fondement essentiel d'une coalition solide, était irréparablement perdue. ... Dans le fond, cette coalition est finie, mais il faudra encore des mois, voire plusieurs années, avant qu'elle ne se brise vraiment.»
Une victoire provisoire
Pour l'hebdomadaire hvg, le feu n'est toujours pas éteint :
«Les positions divergentes d'Angela Merkel et de Horst Seehofer ne sont pas nouvelles. Dès 2015, le responsable politique bavarois avait réprouvé la politique migratoire de la chancelière. Et fin 2015, il recommandait de ne laisser entrer sur le territoire allemand que 200.000 réfugiés. Jusqu'à la fin, il s'opposait au fait que ce chiffre ait presque atteint un million. ... Un des facteurs pouvant expliquer l'accord trouvé actuellement est le fait que Merkel ait réussi à isoler Seehofer au sein de son propre parti.»
Les grands partis allemands gravement affaiblis
Les partis traditionnels allemands mettront longtemps à se remettre du bras de fer entre Merkel et Seehofer, estime Der Standard :
«La CDU aurait pu observer la situation chez les sociaux-démocrates pour voir à quel point il est difficile de reprendre le dessus après des affrontements difficiles. Ceux-ci n'ont toujours pas digéré le drame autour de Martin Schulz, semblent abattus et sombrent dans les sondages. Voici le triste bilan qu'on peut tirer après ces journées chaotiques à Berlin et Munich : les trois partis qui continuent à se considérer comme des partis populaires sont actuellement gravement affaiblis. Ils auront du mal à s'en sortir sans y laisser de plumes. Pour arriver à se remettre de ces incidents incroyables et des luttes féroces sur la question migratoire, la route sera longue.»
La population aspire à la normalité
Lidové noviny doute que ce compromis puisse satisfaire la population :
«Quel que soit le vainqueur qu'on voudra bien désigner – Horst Seehofer ou Angela Merkel – la majorité des Allemands resteront sans doute insatisfaits. Ils voudront que Merkel reste, mais mette en œuvre les solutions de Seehofer. Selon les sondages, ils ne verraient pas d'un mauvais œil qu'au bout de trois ans, les lois s'appliquent de nouveau aux frontières de leur pays. Et ils considéreraient ceci comme un retour à la normale. Fini l'époque où les débats étaient dominés par des slogans tels que : 'une frontière n'est qu'un trait sur la carte', 'il est impossible d'arrêter l'immigration' et 'tout le monde doit s'y résigner'.»
Se solidariser avec les musulmans face à l'extrême droite
La solution aux problèmes européens ne réside pas dans l'isolement, mais dans un rapprochement entre les chrétiens et les musulmans, fait valoir Daily Sabah :
«L'Union chrétienne-sociale (CSU) se trouve en état de panique avant les régionales prévues en Bavière le 14 octobre prochain. ... Le nom et l'identité du parti contrastent fortement avec sa position en matière migratoire. ... Pour l'avenir du continent européen, il est primordial que les chrétiens-démocrates et les sociaux-démocrates, les Verts et les libéraux, se placent du côté des musulmans et des Turcs et reçoivent le soutien de ceux-ci. Les démocrates chrétiens et musulmans doivent être les garants de la démocratie en Europe. La solidarité des Européens face aux menaces émanant des racistes et de l'extrême droite radicale sera cruciale.»
La radicalisation de la CSU secoue l'Europe entière
Tages-Anzeiger déplore une prise d'otage politique du gouvernement allemand par la CSU :
«Au fond, personne ne peut dire quelle sera l'efficacité des mesures promises par Merkel. Mais même les détracteurs de sa politique d'asile dans les rangs de son propre parti estiment que très objectivement, la CSU n'a aucune raison de rejeter l'offre de Merkel. On touche probablement là le cœur du problème : un vent dégagiste anti-Merkel gagne la CSU, un refrain qu'on croyait jusqu'à présent être la marque de fabrique de l'AfD. Il est déjà assez insensé qu'un parti régional mineur soit capable de prendre en otage le gouvernement fédéral allemand. La manœuvre pourrait de surcroît avoir des conséquences inopinées, pour le plus grand pays de l'Europe, mais aussi pour l'ensemble de l'UE.»
Une mutinerie mue par la peur de l'AfD
Le comportement de Seehofer affaiblit et Merkel et l'Europe, critique ABC :
«Les chiffres sont clairs : en réalité, il n'y a aucune avalanche dans l'arrivée de réfugiés, surtout par rapport à 2015. ... La crise est de nature politique. ... Merkel en est la première victime. La CSU bavaroise se mutine car pour la première fois de son histoire, elle voit son hégémonie menacée - par les nationalistes de l'AfD. Au fond, c'est Horst Seehofer qui a un problème, le chef de file de la CSU et ministre de l'Intérieur, qui a proposé sa démission hier. Il veut déplacer ce problème à Berlin et Bruxelles, mais ce faisant, il légitime les revendications de l'AfD et la politique de main de fer que celui-ci préconise. ... Seehofer décuple le problème au lieu de le résoudre rationnellement. Il affaiblit davantage Merkel - et du même coup l'Europe, qui a besoin d'un exécutif fort en Allemagne.»
Les conservateurs phagocytés par l'extrême droite
Face aux forces réactionnaires en Europe, les jours de Merkel sont comptés, craint Andrea Bonanni, correspondant de La Repubblica à Bruxelles :
«Dans une Europe qui a donné un grand coup de volant à droite, Merkel a perdu sa position au centre de l'échiquier politique. ... Elle n'est plus le point de référence d'une droite européenne modérée et démocratique, pour la simple raison que celle-ci, en Europe comme en Italie, a été phagocytée par des forces réactionnaires bien plus radicales. Ce processus se poursuit tant en dehors du PPE qu'en son sein même (Orbán, Seehofer et le chancelier autrichien Sebastian Kurz sont membres du Parti populaire), sans que le parti qui fut jadis celui de Helmut Kohl, d'Alcide De Gasperi et d'Aldo Moro ne trouve une base politique ou culturelle capable de contenir ce virage à droite.»