L'Américain Steve Bannon s'invite aux européennes
Steve Bannon, militant d'extrême droite et ex-conseiller stratégique du président Donald Trump, entend soutenir les populistes de droite en Europe, par le biais de sa fondation, The Movement. Selon les médias, il entend ainsi mener une 'révolte populiste de droite' avant les européennes de 2019. Son projet est-il dangereux pour l'Europe ?
Un dangereux symptôme de faiblesse
Bannon exploite la faiblesse de l'Europe, déplore La Vanguardia :
«Des millions d'Européens se laissent séduire par les chants des sirènes des partis eurosceptiques, nationalistes et xénophobes. Cela s'explique par le fait qu'il n'y a pas de réelle Union économique et monétaire ni de position commune concernant le problème de l'immigration et les clivages politiques relatifs à la question de la sécurité. La rancœur à l'égard de l'Europe affichée par de nombreux citoyens pourrait bien prendre un nom et un leader : 'The Movement', dont le meneur, paradoxalement, n'est pas une personnalité politique européenne, mais une vieille connaissance issue de la politique américaine. … Que le projet de Bannon aboutisse ou non, il s'agit là d'un signe de la faiblesse actuelle de l'Europe ; une Europe qui n'a ni dirigeant affirmé, ni objectifs clairs.»
Les nationalismes d'Europe sont inconciliables
Personne ne peut rassembler tous les populistes de droite d'Europe sous une même bannière, estime quant à lui 24 Chasa :
«Bannon passe sous silence, ou ne voit pas, le fait que les populistes de droite européens ont des opinions politiques très différentes et poursuivent des objectifs distincts, caractérisés par des aspects nationaux. … On a vu le mois passé ce qui peut se produire lorsque deux partis théoriquement alliés tentent ensemble de remporter des voix au moyen de discours populistes et d'idées nationalistes. Le chancelier autrichien Sebastian Kurz et Horst Seehofer, leader de la CSU, ont pendant longtemps critiqué d'une même voix la politique migratoire de Merkel. Mais lorsque Seehofer en est venu à tenir sa promesse et à demander l'expulsion vers l'Autriche de tous les migrants clandestins, Kurz a très vite retourné sa veste et aussitôt appelé à trouver une solution européenne à la crise des réfugiés.»
Un charognard fascisant tournoie au-dessus de l'Europe
Dans Público, l'historien et ex-eurodéputé Rui Tavares sonde les motivations de Bannon en Europe :
«Mais que diable un charognard comme Bannon peut-il bien rechercher en Europe ? Du reste, faire fi des frontières pour fonder un mouvement transnational à vocation de prêter main-forte aux groupes populistes de droite aux élections d'un parlement paneuropéen, cela ne serait-il pas un brin trop cosmopolite pour un fasciste de son acabit ?! Bien-sûr que si ! Mais Bannon a discerné une chose que la plupart des politiques de l'UE n'ont pas encore comprise : les législatives européennes de 2019 fixeront le cap (de la politique européenne, mais aussi mondiale) de ces dix prochaines années. ... Et si l'on parvient à affaiblir l'Europe au point qu'elle succombe aux guerres commerciales qui s'annoncent, la stratégie de Trump n'en sera que plus efficace.»
La priorité au social
Taz appelle les partis de tendance libérale à se constituer un programme à eux, au lieu de se focaliser sur les dadas de l'extrême droite :
«Ce n'est pas les problèmes urgents qui manquent aux habitantes et aux habitants des Etats de l'UE : citons le chômage, la pauvreté des personnes âgées et les salaires bas, autant de phénomènes auxquels les partis de droite n'ont encore présenté aucun remède miracle. C'est là que se joue le défi - et non sur le terrain de prédilection des agitateurs, la lutte contre l'immigration. En entrant dans ce jeu, les partis modérés contribuent à propager les idées d'extrême droite, au lieu de veiller à ce que Bannon, chassé de la Maison Blanche aux Etats-Unis, dépense son argent en pure perte en Europe.»
Bannon, go home !
Selon Salzburger Nachrichten, l'Europe doit se montrer intransigeante envers Bannon :
«Face à la tentative de Bannon d'unir les fossoyeurs de l'Europe dans un même creuset, il faut appeler les choses par leur nom : une ingérence dans les affaires intérieures de l'Europe. Rêvée par Poutine, soutenue par Trump et financée par des sources opaques de l'étranger. Ce paradoxe d'une 'internationale de l'extrême droite' ne devrait pas être difficile à saisir. Et il faut lui opposer une réponse claire. Les éventuelles entorses à la législation et l'origine des financements doivent faire l'objet d'enquêtes méticuleuses. Mais il incombe en tout premier lieu à la société civile d'empêcher que ce spectre fascisant américain ne vienne hanter le continent. Ce chauviniste américain est persona non grata en Europe. Bannon, go home !»