Commission européenne : Weber ferait-il un bon président ?
Le CSU Manfred Weber a annoncé qu'il serait candidat à la succession de Jean-Claude Juncker à la présidence de la Commission. On saura le 8 novembre si le PPE décide officiellement de faire de son chef de file sa tête de liste aux élections européennes. Les médias passent en revue les avantages et les inconvénients d'une présidence Weber.
Weber c'est bien
Neue Zürcher Zeitung explique en quoi Weber ferait un bon président de la Commission :
«Premièrement, il serait mieux à même que tout autre président étranger de faire avaler la pilule aux Allemands lorsqu'il sera question de mener les réformes - qui dorment dans les tiroirs de Bruxelles - d'une UE post Brexit sous direction franco-allemande. Deuxièmement, en tant que politique et que personne, Weber dispose de nombreuses qualités qui devraient faire de lui un bon président : une grande expérience et un bon réseau au sein de la salle des machines bruxelloise, des valeurs inébranlables, une posture franche et modeste, ainsi qu'une une disposition au compromis et un pragmatisme déterminant. Représentant d'une génération plus jeune, il donnerait à Bruxelles un visage amical et ouvert.»
Le précurseur d'une dérive droitière ?
El Periódico de Catalunya s'inquiète de l'affiliation politique de Weber :
«La candidature du politique bavarois envoie un message inquiétant, car il appartient à la CSU, un parti aux tendances de plus en plus populistes. Le PPE se veut le foyer des partis de centre-droit européens, mais il accepte volontiers des formations clairement d'extrême-droite. C'est notamment le cas du Fidesz, le parti du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, et du SDS, de l'ex-Premier ministre slovène Janez Janša.»
Trop de tolérance envers les illibéraux
Dans une tribune à La Repubblica, le politologue Yascha Mounk reproche à Weber son manque de principes :
«L'UE tolèrera en son sein, en tant que membres à part entière, des Etats profondément illibéraux voire non démocratiques, causant un tort grave à sa propre légitimité : si les citoyens allemands peuvent accepter la logique d'un partage de souveraineté avec les électeurs français pour avoir davantage voix au chapitre sur le plan international, il sera difficile de leur expliquer qu'ils devront faire de même avec un dictateur hongrois. ... Si Weber et Merkel sont prêts à renoncer à leurs principes pour s'assurer une majorité au Parlement européen, pourquoi ne consentiraient-ils pas, à l'avenir, à une alliance avec les nationalistes de l'AfD, si tel était le prix à payer pour se maintenir au pouvoir à Berlin ?»
Une manœuvre tactique de Merkel
Angela Merkel poursuit plusieurs objectifs avec la candidature de Weber, estime De Standaard :
«Merkel veut d'abord que la Commission paraisse plus puissante et plus contraignante depuis l'extérieur. C'est le signe que l'Allemagne veut prendre ses responsabilités. Mais il s'agit aussi d'une manœuvre tactique destinée à empêcher que le PPE, qui rassemble les partis chrétiens-démocrates et conservateurs d'Europe, ne se désintègre sous l'effet des tensions autour de la politique migratoire. Car ceci menacerait sa position dominante dans le rapport de forces européen. Weber s'est assuré également le soutien du Premier ministre hongrois Viktor Orbán, dont les positions sont aux antipodes de celles de Merkel. La politique du pouvoir nécessite parfois de chercher à concilier l'eau et le feu.»
Les populistes pourraient faire barrage à Weber
Un éventuel succès des partis populistes pourrait menacer le processus dit du "candidat tête de liste" estime l'expert politique Radu Carp sur Adevărul :
«D'après les sondages, les partis populistes pourraient obtenir 150 sièges au nouveau Parlement. L'écart qui les sépare du PPE ne cesse de se réduire. Si les populistes chipaient 25 sièges supplémentaires aux conservateurs dans l'ensemble des pays membres, alors le rapport de forces tournerait en leur faveur. Merkel, consciente de ce scénario, mise sur un candidat avec une certaine stature, tel Manfred Weber. Mais que se passera-t-il si les partis populistes présentent un candidat commun et se réclament du processus du 'candidat tête de liste' ? ... Dans ce cas, la France et l'Allemagne renonceraient probablement à ce processus et un technocrate, soutenu par l'ensemble des groupes parlementaires, pourrait décrocher le poste.»
Le processus du 'candidat tête de liste' menacé
Le processus du 'candidat tête de liste', adopté en 2014, pourrait néanmoins être déjà appelé à disparaître, estime Jutarnji list :
«Il n'est pas étonnant que le PPE se déclare favorable au maintien de ce processus, car il lui permet de préserver son influence au sein des institutions européennes. Mais rien ne dit que ce principe survive cette fois-ci, car nombreux sont les politiques qui le pourfendent. La chancelière allemande Angela Merkel elle même ne semble pas s'en satisfaire, même si elle l'accepte sur la forme. ... Mais elle a également déclaré qu'il fallait associer ce principe à l'idée de listes transnationales aux élections européennes, comme l'avait proposé le président français Emmanuel Macron.»
C'est comme si Weber était déjà aux manettes
Pour 24 Chasa, Manfred Weber, éminence grise du PPE, est déjà à moitié assis sur le fauteuil de président :
«Si le PPE existe encore, on le doit en grande partie au mérite personnel de Weber. Sans sa diplomatie discrète mais efficace, il y a longtemps que les chrétiens-démocrates classiques se seraient empoignés avec les nationaux-conservateurs hongrois et les conservateurs belges, assez progressistes. Sans Weber, aucun projet de loi n'a de chance d'être adopté - même les sociaux-démocrates le reconnaissent. Ce n'est pas sans raison s'il fait partie du club des politiques européens les plus influents, dit G5. Outre Weber, ses seuls membres sont Jean-Claude Juncker, le vice-président Frans Timmermans, l'ex-président du Parlement Martin Schulz et le chef du groupe des sociaux-démocrates au Parlement, Gianni Pittella. Le crédit dont il bénéficie aux yeux tant des sociaux-démocrates que des nationaux-conservateurs augmente ses chances de décrocher le poste de président de la Commission. »
Berlin place ses pions partout
Si le CSU Manfred Weber devenait le candidat du PPE, l'Allemagne aurait encore plus de pouvoir au sein de l'UE, prévient Naftemporiki :
«Il est certain que Berlin mettra tout en œuvre pour briguer cette candidature. ... Outre sa politique européenne, jugée inadaptée au Sud de l'Europe, Berlin dispose d'une influence considérable par la présence d'Allemands à des postes clés : Werner Hoyer est à la tête de la Banque d'investissement européenne (BEI), Klaus Regling à celle du Mécanisme européen de stabilité (MES), Elke König dirige le Mécanisme de résolution unique (MRU). Quels seront les effets de cette accumulation de postes [entre les mains allemandes] pour l'UE et ses citoyens ?»
Weidmann ne serait pas le bon candidat
Financial Times fait part de son soulagement après les signes émis par l'Allemagne :
«Rien ne dit qu'un Allemand ne peut pas diriger la BCE. Mais Weidmann a été un opposant obstiné aux mesures radicales de Draghi visant à sauver l'euro 'quoi qu'il en coûte', selon ses propres termes. A tort, Weidmann s'est opposé à la fois à la proposition de Draghi de stabiliser les marchés en achetant les obligations souveraines des pays en difficulté et au programme d'assouplissement quantitatif de la BCE qui s'en est suivi. La BCE doit représenter l'ensemble de la zone euro et non pas devenir l'exécutant des opinions particulières - souvent déviantes - de la Bundesbank.»
Un jeu risqué pour Merkel
Le gouvernement ne devrait pas tirer sur son candidat favori à la succession du président de la BCE Mario Draghi, Jens Weidmann, prévient Neue Zürcher Zeitung :
«Un président allemand de la Commission européenne serait plus facile à 'gérer', car Berlin aurait sur lui plus d'influence que sur le président de la BCE, qui est indépendante. Or en situation de crise, la politique monétaire est déterminante, car elle peut réagir plus vite que la politique financière. Les récentes indiscrétions n'aident certainement pas une possible candidature de Weidmann. Il se pourrait même que l'Allemagne se retrouve au final les mains vides. Et Merkel ne pourrait s'en prendre qu'à elle-même. Mais il n'est pas trop tard pour changer de cap. Qu'avait dit Merkel au plus fort de la crise ? 'L'euro est notre destin'. La chancelière devrait savoir ce que Weidmann a à lui offrir. Avec lui, la politique monétaire serait entre de bonnes mains.»
Berlin n'a pas de candidat convainquant
La blogueuse Adelina Marini évalue dans Sega les candidats envisagés en Allemagne pour la succession du président de la Commission européenne :
«La sympathie affichée par Manfred Weber [eurodéputé et membre de la CSU] à l'égard des chefs d'Etat antilibéraux et sa priorisation de la question migratoire laissent supposer que la procédure d'infraction contre la Pologne pourrait être abandonnée, tout comme les sanctions contre la Hongrie et peut-être même la surveillance de l'UE en Bulgarie et en Roumanie. … Il semblerait que Weber veuille appliquer à Bruxelles une politique pragmatique et y exporter les problèmes de politique interne allemands. … Les deux autres candidats, Ursula von der Leyen et Peter Altmaier, manquent de consistance, mais montrent que Merkel veut un représentant de confiance à la tête de l'UE.»
Un véritable gros-lot pour la Finlande
Kauppalehti souligne que la Finlande ne doit pas gâcher ses chances de voir un de ses ressortissants occuper le poste de patron de la BCE :
«Selon Bloomberg, l'ancien gouverneur de la banque centrale finlandaise Erkki Liikanen est pressenti comme successeur du président de la BCE Mario Draghi. … Olli Rehn, le gouverneur actuel de la banque centrale finlandaise, arrive en cinquième position. … Jusqu'à présent, le président de la Bundesbank Jens Weidmann occupait la première place. … C'est bien sûr flatteur pour la Finlande de voir deux de ses citoyens en haut de la liste. Mais la décision finale peut aussi dépendre des résultats des élections législatives finlandaises [en avril prochain]. Le Parti social-démocrate pourrait présenter aux postes dirigeants de l'UE un autre candidat que le Parti de la coalition nationale ou le Parti du centre. … Le poste de président de la BCE serait vraiment pour la Finlande le gros-lot au loto; il ne doit donc pas être compromis par de vaines politiques partisanes.»