Venezuela : instrumentalisation de l'aide humanitaire
Juan Guaidó, président vénézuélien par intérim autoproclamé et reconnu par de nombreux Etats, a tenté samedi de faire entrer dans le pays des tonnes de fournitures humanitaires depuis la Colombie et le Brésil. L'armée, qui continue de soutenir le président Maduro, a fermé les frontières et tenté de stopper les convois par la violence. Maduro a-t-il remporté la lutte pour le pouvoir ?
Une victoire provisoire pour Maduro
Le gouvernement Maduro aurait tort de présumer de sa victoire de ce week-end, analyse Le Courrier :
«Pour le gouvernement, le piège serait pourtant de se croire sur la bonne voie. Vexé par l'échec du week-end, Donald Trump menace de surenchérir. L'imprévisible président étasunien peut-il prendre le risque d'une guerre ? ... [L]'armée vénézuélienne est-elle prête à résister jusqu'au bout à la partie de poker ? A la moindre faille, la menace des geôles étasuniennes provoquerait des défections en cascade. Surtout, coupé de ses voisins et des puissances occidentales, le Venezuela aura bien de la peine à résoudre sa profonde crise économique. Le salut passe par un accord avec les franges démocratiques de l'opposition. L'échec, ce week-end, du jusqu'au-boutiste Guaidó offre une opportunité.»
Le soutien de Moscou pourrait porter ses fruits
La Russie a envoyé des conseillers économiques et des réserves de carburant au Venezuela. Une démarche qui donne une impression de déjà-vu à Ria Novosti :
«Il semble que Moscou se soit fixé un objectif invraisemblable : sauver l'économie vénézuélienne, l'aider à se remettre sur les rails et soutenir la régulation politique – en dépit des tentatives de subversion menées par les Etats-Unis. Le tout dans le contexte de l'étau des sanctions sévères prises contre la République bolivarienne. Aux yeux du monde – et même aux siens – la Russie n'est pourtant pas vraiment un gourou de la politique économique. … Le fait qu'il soit en outre question de l'Amérique du Sud, une région dans laquelle la Russie n'a jamais eu beaucoup d'influence, donne une dimension rocambolesque à la situation. … Les chances de réussite semblent mitigées. Mais on disait la même chose de l'opération militaire en Syrie il y a trois ans.»
Une aide politiquement intéressée
La Vanguardia ne croit pas à la vocation purement humanitaire des convois :
«On peut se demander si l'atténuation des souffrances subies par la population vénézuélienne est le seul motif de ce 'déferlement humanitaire', ou si ces nobles intentions ne cachent pas également un objectif politique. … L'aide humanitaire est aussi un moyen d'obliger les soldats à choisir leur camp. Car malgré la pression internationale – qui s'est encore accentuée dans les heures consécutives aux affrontements à la frontière – et la protestation de l'opposition, les forces armées restent le facteur décisif susceptible de conduire à la chute de Maduro.»
Ne pas surestimer le soutien à Guaidó
Douma souligne le fait que le président par intérim reconnu par de nombreux pays ne dispose pas du soutien de la majorité :
«La nature de la crise qui secoue le Venezuela est politique et non économique. Par son attitude agressive, l'opposition a semé le chaos et l'instabilité et divisé la nation. … Le président par intérim autoproclamé Juan Guaidó prétend que Nicolas Maduro ne peut plus être le chef de l'Etat parce que le peuple ne veut soi-disant plus de lui. Les Etats-Unis et l'opposition ne veulent pas de Maduro. Parmi la population, c'est presque 50/50, la moitié veut Maduro, l'autre moitié Guaidó. … Cela suffit-il à faire de Guaidó un président par intérim légitime ?»