Un compromis trouvé sur le gazoduc Nord Stream 2
L'Allemagne a empêché l'amendement de la directive européenne sur le gaz qui aurait pu arrêter la construction du gazoduc Nord Stream 2. Paris avait réclamé un durcissement des règles et poussé Berlin à engager des négociations sur un compromis, prévoyant un nouveau cahier des charges. Eclairage sur les manœuvres de Berlin et Moscou.
Berlin malmène ses alliés
C'est un coup de plus porté à la confiance en l'Allemagne, constate l'antenne roumaine de la radio Deutsche Welle :
«La République fédérale galvaude avec l'affaire Nord Stream le peu de capital politique qui lui restait encore après la crise de 2008. ... Depuis, Berlin suscite une méfiance durable et pernicieuse, à l'Ouest comme à l'Est. Cette méfiance gagne la France, s'intensifie aux Etats-Unis et s'étend aussi à l'Europe de l'Est. Les Européens de l'Est sont encore nombreux à avoir une réaction épidermique à la tradition bismarckienne, aux relations germano-russes conclues dans leurs dos et contraires aux intérêts des Etats, petits à moyens, situés entre l'Allemagne et la Russie.»
Poutine n'attendra pas l'Europe
D'ici à ce que les Européens s'entendent sur une directive, beaucoup de gaz aura déjà coulé dans les conduites de Nord Stream 2, commente Troud :
«Il est fort probable que les Européens laissent traîner les travaux relatifs à la 'directive gazière' et les reportent à la période consécutive aux élections européennes, voire à plus tard encore. La directive verra peut-être le jour alors que Gazprom aura déjà achevé la construction des conduites et ouvert le robinet de gaz, avant la fin de l'année - une tactique éprouvée pour devancer les régulations européennes. Le porte-parole de Vladimir Poutine, Dimitri Peskov, a déclaré après la décision des ambassadeurs de l'UE, vendredi, que la Russie continuait de travailler à l'achèvement du gazoduc Nord Stream 2, 'le moyen le plus sûr d'approvisionner les pays européens en gaz'. Comme le dit l'adage : 'les chiens aboient, la caravane passe'.»
Le veto de Macron était voué à l'échec
Ria Novosti nomme trois raisons pour lesquelles Emmanuel Macron n'a pas su s'imposer face à Angela Merkel avec sa critique du Nord Stream 2 :
«Suite au mouvement des gilets jaunes et aux problèmes économiques en France, Macron semble être le dos au mur. ... Aux Etats-Unis, on dit à juste titre qu'il ne faut pas contrarier un banquier - et actuellement, l'Allemagne est en gros le seul 'banquier' au sein de l'UE. Nord Stream 2 se fera, à moins qu'une surprise politique ou économique totalement imprévisible ne se produise d'ici-là. 'L'affaire Macron' a mis en évidence que l'Allemagne est prête à défendre très activement le projet. Et c'est un bon signe pour le gazoduc russe tout comme pour les relations germano-russes.»
Berlin est redescendu sur terre
Pour Rzeczpospolita, l'Allemagne se retrouve dans une position affaiblie suite au litige autour de Nord Stream 2 au sein de l'UE :
«Une fois de plus, l'Allemagne a été contrainte à défendre âprement le gazoduc russe face aux intérêts évidents d'autres pays européens. Paris en a profité pour rappeler aux Allemands la réalité concrète selon laquelle la France et l'Allemagne forment actuellement une minorité de blocage permettant de faire barrage à des décisions au sein de l'UE. Autrement dit : pour les questions revêtant une importance réelle, l'Allemagne a besoin de Paris pour obtenir une majorité au sein de l'UE. Le débat sur la directive gaz a donc rappelé et fait comprendre qu'après le Brexit, qui sera sans doute un Brexit dur, l'Allemagne ne sera pas la 'reine' de l'Europe.»
Une attitude bornée et maladroite
Spiegel Online critique la gestion par Berlin de la crise Nord Stream 2 :
«Peut-être le gouvernement fédéral a-t-il sous-estimé la gravité des réticences au sein de l'UE à l'égard des projets de gazoduc. Peut-être a-t-il jugé exagérées certaines objections et, à juste titre, quelque peu hystériques les réactions - notamment dans le cas de la Pologne. Que la construction du gazoduc se poursuive ou non, l'image de l'Allemagne au sein de l'UE a été très ternie. Berlin a été trop bornée et maladroite. Elle en paiera le prix fort. Un prix non pas économique, mais politique.»
Ne pas miner la solidarité européenne
Le député européen libéral Urmas Paet aurait souhaité une autre issue au litige, comme il l'écrit dans Eesti Päevaleht :
«Pour améliorer la sécurité et l'indépendance énergétique pour l'UE, il est important que l'Allemagne change de politique, cesse de bloquer l'amendement de la directive gaz de l'UE et rejoigne la position de la Commission et du Parlement européens. C'est important non seulement pour l'unité européenne en matière de politique de sécurité et d'énergie. ... Les bénéfices dégagés par Nord Stream 2 iront essentiellement dans les poches du Kremlin, de Gazprom et de quelques sociétés européennes. Mais la responsabilité du risque politique pèsera sur les épaules de l'Allemagne et d'autres pays européens. L'Allemagne ne devrait pas privilégier les intérêts économiques d'une poignée d'entreprises sur les intérêts et les valeurs de toute l'Europe, car cela revient à miner la solidarité européenne.»