Impasse ou dialogue en Espagne après les élections ?
En Espagne, les socialistes du PSOE sortent grands vainqueurs des élections législatives anticipées. Or même avec les voix du parti de gauche Podemos, ils n'atteignent pas la barre de la majorité absolue. Même constat à droite, avec le Partido Popular, les libéraux de Ciudadanos et la formation d'extrême droite Vox. Si certains éditorialistes redoutent une constitution gouvernementale extrêmement complexe, d'autres sont plus optiministes pour l'avenir du pays.
Trop de pouvoir donné aux séparatistes
Le chef du gouvernement Pedro Sánchez étant tributaire à l'avenir des voix des partis séparatistes de gauche de Catalogne et du Pays Basque, ABC craint que ces formations n'aient un ascendant trop important sur la politique du pays :
«La progression réalisée par l'ERC et Bildu au Pays basque consolide encore plus l'axe de gauche et pave la voie d'un gouvernement radical influencé par des forces séparatistes. Et ce au moment même où le processus [du référendum d'indépendance catalane] va entrer dans sa seconde phase, le 1er octobre. Les pressions sur le Parquet et le débat sur d'éventuelles amnisties s'inviteront à nouveau à l'ordre du jour de Sánchez, soucieux de rassembler suffisamment de voix. L'issue du scrutin du 28 avril n'a pas fini de lui donner du fil à retordre à l'Espagne.»
L'extrême droite a pris ses quartiers
Süddeutsche Zeitung est inquiété par le score du parti d'extrême droite Vox qui, fort de quelque dix pour cent, entre au Parlement :
«Contrecoup du nationalisme catalan, le nationalisme espagnol est lui aussi monté en puissance et il existe désormais tout à droite de l'échiquier politique un parti de poids, nostalgique d'une grandeur passée et qui incite à la haine contre les migrants et les séparatistes. Il faut craindre que les débats xénophobes qui font rage dans le centre de l'Europe gagnent l'Espagne. Face au morcellement du système des partis, une stabilité, dont on a pourtant urgemment besoin, n'est pas près de voir le jour. Une seule chose est sûre : après les élections de dimanche, l'Espagne sera bien loin d'être un havre de paix.»
Il est temps de se tendre la main
De Standaard rappelle les séismes qui ont secoué l'Espagne au cours de la dernière décennie :
«La crise financière a eu sur la société et le système politique l'effet d'une bombe à fragmentation. A gauche du parti social-démocrate du PSOE, on a vu émerger Podemos. Rapidement, le parti libéral Ciudadanos s'est nettement déporté vers la droite. En Catalogne, le patriotisme pragmatique a viré au séparatisme radical. ... En réaction, dans le reste de l'Espagne, Vox a fait son entrée au Parlement à partir de rien. Ainsi, un nationalisme en nourrit un autre. ... On se demande à présent si cette élection aura raison de la polarisation. L'optimisme est de mise. Après une campagne électorale caractérisée par les mensonges, les bordées d'insultes et les vetos, les partis qui se sont montrés les plus ouverts au dialogue ont fini par l'emporter. L'heure est aux réconciliations, au dialogue et aux compromis.»
Une victoire bien méritée pour Sánchez
Bien qu'il ait été à la tête d'un gouvernement minoritaire, Pedro Sánchez a su imposer un certain nombre de mesures progressistes, lit-on dans Index, qui explique ainsi la victoire :
«Dans son gouvernement, il a nommé davantage de femmes que d'hommes à des postes de ministres. Il a relevé le salaire minimum et promis une revalorisation des retraites qui prévoit une indexation sur l'inflation. Il a autorisé le navire de sauvetage des migrants Aquarius à accoster en Espagne. ... Il a été l'instigateur de l'idée d'exhumer la dépouille de Franco pour qu'elle soit ré-inhumée dans un lieu moins polarisant [que le somptueux mausolée où il reposait]. Le clivage de la politique espagnole a également joué en sa faveur : tandis qu'à gauche, le parti anti-austérité Podemos était occupé à gérer sa crise interne, la droite était obnubilée par la question catalane. Sánchez n'a donc pas eu de mal à aspirer les voix des électeurs du centre.»