Sommet des Balkans : l'UE sait-elle ce qu'elle veut ?
Angela Merkel et Emmanuel Macron ont réuni à Berlin les représentants de huit Etats des Balkans, dans le but de se rapprocher d'une solution dans le conflit qui oppose la Serbie au Kosovo. La cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini, invitée au sommet, avait récemment évoqué la possibilité d'un échange de territoires. Une piste vivement rejetée par Berlin, à juste titre selon les commentateurs, qui s'interrogent sur la stratégie européenne dans les Balkans.
N'ouvrons pas la boîte de Pandore
Pour Tagesspiegel, il est compréhensible que le gouvernement allemand soit défavorable à un échange de territoires entre la Serbie et le Kosovo :
«On nous dit que cette correction des frontières affranchirait certains groupes de population de leur statut minoritaire dans un Etat et les rattacherait à une majorité de la même ethnie dans un autre Etat. Un changement du tracé reviendrait à ouvrir la boîte de Pandore, et pas seulement pour Angela Merkel, car des conflits comparables couvent dans d'autres régions d'Europe. L'exemple le plus flagrant est la Hongrie, qui a perdu plus de la moitié de son territoire et de sa population après la première guerre mondiale suite aux changements de frontières. Un traumatisme qui pèse sur la politique hongroise et l'Europe du Sud-Est jusqu'à nos jours.»
Contre l'immixtion étrangère dans les Balkans
Večernji list quant à lui voit dans le sommet sur les Balkans une tentative de l'Union européenne de restreindre l'influence américaine dans la région :
«Chaque fois que l'axe européen franco-allemand intervient sur le dossier des Balkans occidentaux, ou de l'Europe du Sud-Est - une région dont on n'est même pas d'accord sur le nom - ils évoquent des influences extérieures, émanant principalement des Etats-Unis, de la Turquie et de la Russie. Quand ils sentent que ces puissances essaient de mettre le grappin sur la région des Balkans, subrepticement ou de manière plus voyante, l'Europe se rappelle qu'il lui faut agir. Car c'est le statu quo qui est le plus dangereux : sous une surface calme, il y a de puissants remous en profondeur.»
La position ambiguë de l'UE
Après tous les autres, l'UE finit enfin par s'intéresser aux Balkans, constate Večer :
«La rencontre avec les chefs d'Etats des pays dits des Balkans occidentaux indique que l'Europe est en quête d'une nouvelle stratégie. Si l'Europe s'est réveillée, c'est pour que la Russie et les Etats-Unis ne prennent pas les devants. ... Qu'est ce qui a donc changé pour que le continent prenne conscience des Balkans ? En tout premier lieu, le fait que la Russie et la Chine aient commencé à investir l'espace balkanique, îlot important sur les plans stratégique et économique. ... Pourtant, l'UE n'a toujours aucune feuille de route pour les Balkans. Elle redoute une déstabilisation de la région tout autant qu'un élargissement de l'Union. Plus que jamais à l'heure où les partis d'extrême droite ont la cote.»